Altice : Sur la Falaise du Redressement

L’annonce, cette semaine, de la mise en procédure de sauvegarde d’Altice, propriétaire de SFR, marque un tournant dramatique dans l’histoire des télécommunications en France.

Symbole de l’innovation durant plusieurs décennies, l’opérateur traverse aujourd’hui l’une des crises les plus graves de son existence. Cette situation illustre à quel point même les géants, autrefois intouchables, peuvent chanceler face à des choix stratégiques risqués, une dette massive et une concurrence féroce.

SFR (Société Française du Radiotéléphone), fondée en 1987 par la Compagnie Générale des Eaux, s’est rapidement imposée comme un acteur majeur, lançant le deuxième réseau GSM de France dès 1992. En 1996, avec la création du groupe SFR-Cegetel, l’entreprise s’ouvre à la téléphonie fixe et à l’internet. Les années 2000 confirment son dynamisme, avec l’arrivée de la 3G en 2004 et de l’ADSL en 2007. SFR devient alors un pilier du numérique en France. 

Le virage de 2014 va profondément bouleverser son avenir. Cette année-là, Patrick Drahi, à la tête du groupe Altice, rachète SFR pour 17 milliards d’euros. Ce rachat marque le début d’une nouvelle ère, axée sur une stratégie de convergence entre télécoms et médias. Cette stratégie, fondée sur une croissance externe effrénée, alourdit rapidement la dette du groupe. En 2015, Altice atteint une capitalisation de 30 milliards d’euros, mais cette trajectoire ne tarde pas à s’essouffler. La société, qui accumule les acquisitions, creuse une dette vertigineuse.

En 2018, l’idée de renommer SFR en Altice est abandonnée. Signe que la marque SFR conserve une valeur stratégique majeure que le groupe ne peut se permettre de diluer. En 2025, la dette d’Altice dépasse les 60 milliards d’euros. SFR, dont il détient encore 55 %, est devenu l’actif clé à vendre pour éviter une implosion financière. Le groupe cherche à céder une part majoritaire de l’opérateur, estimée à environ 30 milliards d’euros (incluant la dette). Parmi les acheteurs potentiels : Bouygues Telecom, Iliad (Free), Orange, mais aussi des fonds étrangers comme KKR, STC ou Etisalat.

La procédure de sauvegarde, encore rare en France (environ 3 % des procédures collectives chaque année), permet à Altice de suspendre temporairement ses obligations financières pour restructurer sa dette. Elle offre un répit stratégique, mais révèle aussi l’ampleur des difficultés. En 2022, près de 28 % des procédures de sauvegarde en France ont fini en liquidation judiciaire. 

SFR, prise dans la tourmente, doit aussi faire face à des défis majeurs. La société a perdu 1,5 million d’abonnés mobiles en deux ans et prévoit de fermer plus de 30 boutiques dès juillet 2025 pour accélérer sa transition vers un modèle 100 % digital. Sa valorisation boursière s’est effondrée, passant de 11 milliards d’euros en 2021 à 7,1 milliards en 2024.

La méfiance des investisseurs s’installe. Sur le plan technologique, SFR a également perdu du terrain. Bien que la 5G SA (version autonome de la 5G qui ne dépend pas de l'infrastructure 4G) ait été lancée fin 2023, son déploiement reste partiel, contrairement à Orange, qui couvre déjà 70 % de la population avec ses 10 000 antennes. Cette perte de leadership renforce la nécessité de moderniser rapidement les infrastructures. À cela, s’ajoutent des failles de cybersécurité inquiétantes. SFR a récemment reconnu une fuite de données sensibles concernant ses clients (noms, coordonnées bancaires, cartes SIM), nuisant encore à la confiance, à un moment où elle cherche à séduire de nouveaux investisseurs.

L’histoire de SFR, jadis pionnière, est aujourd’hui celle d’un géant affaibli par les errements de sa maison-mère. En cherchant à s’imposer comme consolidateur européen, Altice a exposé SFR à un risque systémique. La procédure de sauvegarde d’Altice dépasse ainsi la simple restructuration financière : elle incarne l’échec d’un modèle économique basé sur l’endettement excessif et une croissance précipitée.

L’avenir de SFR est désormais suspendu à l’émergence d’un repreneur capable de porter un projet de redressement crédible. À défaut, le scénario d’un démantèlement ou d’un rachat par un concurrent devient probable. Cette situation ne concerne pas seulement un opérateur : elle reflète une crise structurelle du secteur. Dans un marché en perpétuelle mutation, la survie ne dépend plus de la taille, mais de la capacité à s’adapter avec agilité et prudence.

Les mois à venir seront donc décisifs, tant pour l’avenir de SFR que pour l’équilibre global du paysage numérique français.

- 700 millions de dollars.
Le don en actions de Sergey Brin le cofondateur de Google.

- 114 milliards.
Le nombre de pennies (pièces de 1 cent) actuellement en circulation aux États-Unis. Le gouvernement américain a annoncé la fin de la production de nouvelles pièces.