Et de huit ! La BCE vient d’annoncer une nouvelle baisse de ses taux directeurs de 25 points de base, ce jeudi 5 juin. Malgré ses petits ajustements réguliers au cours de ces 12 derniers mois, l’institution de Francfort a tout de même réduit le loyer de l’argent de 2% au total. Nous vivons donc, actuellement, l’assouplissement monétaire le plus important depuis celui initié en 2008, en pleine crise financière. Désormais, le taux de dépôt est fixé à 2%. Au niveau de son objectif d’inflation à moyen terme de 2%.
Une question se pose : la baisse des taux est-elle terminée ?
Depuis sa création en juin 1998, la Banque Centrale Européenne a adopté quatre cycles de durcissement monétaire (1999-2000, 2005-2007, 2011 et 2022-2023). Elle a également adopté cinq cycles d’assouplissement (1999, 2000-2003, 2008-2009 et 2024-2025). L’ampleur de la baisse que nous pouvons observer depuis un an (2%) se classe en troisième rang. Après celle de 2,75% observée en 2000-2003 et de 3% en 2008-2009.
Baisse des taux et récession
Contrairement à ces deux époques, nous ne sommes pas en récession. Les projections de croissance du PIB pour 2025 dans la zone euro des économistes de la BCE et de l’Eurosystème ont été révisées d’à peine 0,50% depuis juin 2024 (de 1,4% à 0,90%). Nous ne connaissons pas, pour le moment, de choc sur l’activité économique. Comme ce fut le cas après les attentats du 11 septembre 2001 et la crise financière de 2008.
Quelle est la particularité de ce cycle ?
Il intervient après le plus fort durcissement monétaire de toute l’histoire de la BCE, synonyme d’une forte augmentation des taux directeurs de 4,50 % entre 2022 et 2023 (de -0,50% à 4%). La pandémie de Covid-19 avait provoqué alors une pénurie sur l’offre des agents économiques, engendrant une accélération de l’inflation. Celle-ci avait connu un pic sur un an glissant de 10,6% en octobre 2022, du jamais vu depuis la création de l’euro.
Un cycle de baisse des taux lié à la désinflation
Cette politique actuelle d’assouplissement monétaire est singulièrement différente de toutes les autres. En effet, elle est liée avant tout à la désinflation observée depuis deux ans et surtout à la certitude que la période de fortes hausses des prix était derrière nous. Le mouvement initié en juin 2024 a débuté quand l’inflation était revenue à 2,50%. Le taux de dépôt de 4% de l’époque rendait de facto la politique monétaire restrictive. Il fallait agir et c’est ce qui a été fait.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
L’inflation estimée est de 2% en moyenne en 2025, 1,6% en 2026 et 2,0% en 2027. Nous sommes en territoire dit de neutralité. Bien que Christine Lagarde se soit bien gardée de faire un commentaire sur ce sujet, malgré des questions au cours de la conférence de presse. Botter en touche sur ce thème permet d’esquiver la problématique du taux terminal. Ce dernier fixerait un cap dangereux pour les marchés, toujours avides de tourner la page. En guise de réponse, nous avons eu un simple « nous y sommes presque ».
Les investisseurs s'attendent à une seule baisse des taux d'ici la fin de l'année
De ce fait, nous devons nous contenter du communiqué officiel. Il stipule que, compte tenu du contexte actuel d’incertitudes exceptionnelles, la BCE ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière. Elle suivra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l’orientation appropriée de sa politique monétaire. Le statu quo est attendu pour la prochaine réunion du 24 juillet et les investisseurs ne s’attendent plus qu’à une seule baisse des taux de 0,25% d’ici la fin de l’année.
De fortes divergences au sein des membres de la BCE ?
La décision d’hier a été prise à l’unanimité à l’exception d’une seule voix. Volontairement restée anonyme. Le Conseil des gouverneurs se compose des six membres du directoire de la BCE et des gouverneurs des vingt banques centrales nationales des pays de la zone euro. L’adhésion de la Lituanie à la zone euro en 2015 a entraîné une modification des droits de vote, limités à 21. Conformément aux traités de l’Union européenne.
Un système de rotation mensuelle a donc été mis en place. Désormais, les gouverneurs des pays classés d’un à cinq (actuellement l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas) se partagent quatre droits de vote. Les autres pays (quinze depuis l’adhésion de la Croatie le 01/01 2023) disposent de onze droits de vote. Des divergences potentielles existent. Les cinq membres traditionnellement réticents à baisser les taux (Schnabel, Wunsch, Holzmann, Nagel et Kazimir) vont devenir majoritaires avec ceux adepte de la neutralité. La BCE va donc être exigeante en matière de données économiques, sauf en cas de guerre commerciale prononcée et dévastatrice pour l’activité.
Les chiffres de la semaine
- 2 %. Le taux de dépôt de la BCE, au plus bas depuis janvier 2023.
- 49,9. L’ISM des services en mai aux USA, soit en-dessous du seuil d’expansion de 50, au plus bas depuis juin 2024.