Quel est le point commun entre LVMH, Sanofi, Schneider Electric et Air Liquide, dont les activités sont si différentes ? Toutes ces entreprises viennent de publier, au 3ème trimestre, un chiffre d’affaires érodé par la forte hausse de l’euro depuis un an.
Progression de l'euro et érosion du chiffre d'affaires
Souvenez-vous. L’année 2022 a été marquée par une nette progression du dollar, dont l’apogée était alors le 27 septembre. La hausse du billet vert depuis le début de l’année passée atteignait à cette date plus de 18 % contre un panier de devises, dont 17,76 % contre la monnaie européenne.
+4% des taux directeurs de la BCE
Depuis, le fort durcissement monétaire de la BCE, en retard par rapport à la Fed et matérialisé par un relèvement cumulé de 4 % de ses taux directeurs, a fait retourner cette tendance. L’objectif de la banque centrale était double : freiner l’activité domestique en augmentant le taux du crédit et lutter également contre l’inflation importée en faisant monter l’euro. Nos champions du CAC 40 peuvent témoigner, à leurs dépens, que cette politique a malheureusement abouti. Ces mastodontes ont tous une part très importante de l’activité à l’étranger et donc facturée en devises étrangères. Par rapport au 3ème trimestre de l’année dernière, le taux de change moyen de l’euro a progressé de 8,10 % contre le dollar, de 12,97 % contre le yen et de 14,34 % contre le yuan.
Des impacts différents selon la répartition géographique des revenus des entreprises
L’impact négatif est différent selon la répartition géographique des revenus de chaque entreprise et selon le taux de change appliqué à chaque encaissement au cours de la période. Sur ce point, nous parlons d’un risque de change transactionnel.
Risque de change transactionnel
De ce fait, pour mesurer sa vraie performance commerciale, une société isole ces impacts liés à la variation du cours des devises en publiant des taux de croissance organique et à taux de change constant. Par exemple, LVMH affiche une croissance organique de 9 % au 3ème trimestre, alors que ses revenus en euro n’ont progressé que de 1,06 % sur un an glissant. Dans l’hypothèse où il n’y a pas eu de changement de périmètre (cela a été confirmé sur les données à 9 mois), on peut supposer que l’effet de change était négatif de 8 % environ (7,96 % exactement).
Effet de change négatif malgré de bons résultats
Pour sa part, Schneider Electric a annoncé une croissance organique de 11,5 %, mais une variation positive d’à peine 0,1 % de son chiffre d’affaires. La différence s’explique par un effet de change négatif de 7,5 % et pour le reste d’un changement de périmètre, lié principalement à la cession de ses actifs en Russie. Encore plus vexant, Air Liquide est en croissance de 1,05 % à données comparables, mais en décroissance de 17,4 % en euros, à cause d’un effet de change négatif de 6,3 % et d’une baisse du cours des matières premières servant de base pour sa facturation.
Finalement, on peut comprendre la frustration des dirigeants et des investisseurs par ces croissances rabotées, alors qu’en réalité les sociétés sont beaucoup plus dynamiques qu’on ne le pense.
Comment y parer ?
Il existe plusieurs solutions.
Couverture et ventes à terme
La première est celle pratiquée par Airbus, qui utilise des outils de couverture, principalement par des ventes à terme. À fin septembre, la société a vendu à terme pour 87 milliards de dollars à un taux de change d’euro contre dollar à 1,23, soit 13 % supérieur au cours actuel. Cela paye, car l’avionneur affiche une croissance de 11,93 % de ses revenus, sans effet de change négatif.
Publier ses résultats en dollar
D’autres publient en dollar, comme TotalEnergies. La baisse de 14,6 % de ses revenus est à associer principalement à la chute de 14 % du prix du baril de pétrole. Autre fait probant, comparons l’effet de change négatif en euro de Sanofi (-7,3 %) à celui en dollar d’Astrazeneca (-1 %).
Adosser sa base de coûts à celle des revenus en devise
Une dernière méthode est d’adosser le mieux possible sa base de coûts à celle de ses revenus en devises. Cela permet de ne subir qu’un risque dit consolidation sur le résultat opérationnel, soit un montant beaucoup plus faible.
Dans tous les cas, le bénéfice par action de nos entreprises européennes a été impacté par la hausse de l’euro. Espérons donc que celle-ci soit moins forte pour ces prochains exercices pour la stabilité des actions européennes.