Boire ou conduire, il faut choisir ! 

C’est la synthèse caricaturée du bras de fer actuel entre l’Union européenne et la Chine.

L’Europe a déterré la hache de guerre en septembre 2023 en lançant officiellement une enquête anti-subventions sur les importations de véhicules électriques à batterie (VEB) en provenance de Chine. Des droits de douane provisoires pourraient être appliqués dès juillet 2024, dans un but de protection des constructeurs européens, face à une concurrence jugée déloyale.

Après une réaction initiale timorée, matérialisée par un simple commentaire de déception, le ministère chinois du commerce (MCC) a durci le ton le 5 janvier. Dans un communiqué, il a indiqué avoir ouvert une enquête anti-dumping à l’encontre des producteurs de spiritueux en provenance de l’Union européenne.

Ce nouvel épisode d’une guerre commerciale entre les deux zones, aussi ironiquement intitulé « Pas d’autos, pas de Cointreau », traduit un mouvement néfaste au commerce mondial, pouvant négativement menacer l’activité de chaque société exportatrice. Faut-il s’en inquiéter ?

Tout s’accélère depuis une dizaine de jours. Le 5 mars, la Commission européenne a affirmé dans un document qu’elle « disposait de suffisamment d’éléments prouvant la subvention des voitures électriques chinoises par Pékin ». Le 12 mars, le ministère chinois du commerce a signifié aux trois géants du secteur, Hennessy (LVMH), Martell (Pernod Ricard) et Rémy Martin (Rémy Cointreau), qu’il envisageait de les inclure dans l’échantillon resserré de son enquête sur des soupçons de dumping dans le secteur des spiritueux.

Les cours de bourse de ces trois sociétés ont peu évolué cette semaine, car le mal avait été fait le 5 janvier, avec un fort décrochage des titres de Pernod-Ricard et de Rémy-Cointreau. À ce jour, seul celui de LVMH est en performance positive cette année, grâce à la diversification de son activité. 

À l’origine, tout provient d’une dénonciation de producteurs locaux. Ces derniers ont crié au loup face à l’invasion de biens sur leur marché, pouvant être fatale à leur activité. Dans l’automobile, ce sont les constructeurs français qui ont tiré le signal d’alarme. Ils se sont fait entendre auprès de la Commission européenne.

Depuis le début de l’enquête, les importations de véhicules en provenance de Chine ont augmenté de 14 % sur le continent européen. Ceci pénalise davantage les modèles produits dans l’Hexagone. Le gouvernement français a dorénavant intégré le bilan carbone de la fabrication des véhicules et de leurs batteries dans l’octroi du bonus écologique.

Les sociétés allemandes, à l'image de Mercedes, sont fortement présentes dans l’empire du Milieu. Le 11 mars elles ont fait fait savoir leur opposition à toute forme de taxe.

Côté chinois, l’ouverture de cette enquête provient officiellement de la demande des producteurs locaux de spiritueux. Personne n’est dupe : il s’agit d’une première mesure de rétorsion, relativement modeste pour le moment. Mais qui pourrait s’accentuer par la suite.

En effet, les importations de spiritueux en provenance de l’Union européenne ont représenté 1,57 milliards de dollars sur 11 mois en 2023. A comparer aux 12,7 milliards de dollars pour les importations de véhicules électriques chinois sur le Vieux Continent. Nul doute que d’autres produits seront touchés, si aucun compromis n’est trouvé entre les deux zones commerciales. 

Il convient donc d’intégrer une prime de risque sur toutes les sociétés exportatrices cotées en bourse et d’appliquer une certaine décote dans leur valorisation. Car le mouvement de protectionnisme n’est pas près de s’arrêter. Surtout avec la menace de l’élection de Donald Trump le 5 novembre prochain, qui a clairement fait savoir qu’il instaurerait une taxe à tous les produits importés aux États-Unis.

Nous ne sommes pas sûr que cela soit le cas actuellement, alors que les indices boursiers battent des records régulièrement et que les entreprises qui les composent sont de gros acteurs internationaux, qui ont pleinement profité de la mondialisation. Alors, un investisseur averti en vaut deux et il vaut mieux privilégier les acteurs implantés domestiquement que ceux exportant vers des marchés, jusqu’alors très lucratifs, mais qui pourraient être pénalisés à l’avenir.