La foudre Jupitérienne s'abat sur le Palais Bourbon

Si le résultat des élections européennes du week-end dernier n’a pas fondamentalement remis en cause les grands équilibres politiques déjà en place au Parlement Européen, c’est de notre cher pays qu’est venue la surprise dimanche soir. Avec l’annonce inattendue d’une dissolution de l’Assemblée nationale - conforme à l’esprit fondateur de la Constitution de 1958 - notre président confirme son l'attrait pour les fulgurances jupitériennes.

En résumé, c'est la première fois que le Rassemblement National (RN) remporte les élections européennes. Ces résultats remettent en question la légitimité du gouvernement.

À la suite de cette défaite historique, la majorité avait deux choix :

  • - gouverner contre la volonté des Français,
  • - ou appliquer l'article 12 de la Constitution pour rendre la parole aux citoyens par le vote.

Le Président de la République a donc choisi la seconde solution en abattant sa foudre sur le Palais Bourbon.

Les places européennes sont depuis cette décision sous la pression de l'incertitude politique française. En effet, le CAC 40 signe l’une de ses plus fortes baisses de l’année, au lendemain de la dissolution. Il a même basculé dans le rouge sur l’ensemble de 2024 en cette fin de semaine.

Au-delà du contexte politique actuel, il convient de rappeler que Standard & Poor’s a dégradé en début de mois la note souveraine de la France. La principale cause de cet abaissement : le déficit public.

En étudiant le programme du RN de 2022 présenté lors des dernières présidentielles, l'Institut Montaigne a chiffré le coût des différentes mesures pour les finances publiques à environ 120 milliards d'euros par an pour seulement, 18 milliards d'économie, soit un manque à gagner de 102 milliards par an.

Pour rappel, le déficit public français pour 2023 a été établi à 154 milliards d'euros (5,5 % du PIB). Le programme dépensier du RN, s'il était appliqué à la lettre, ferait grimper le déficit public de plus de 66 %. Et ce sans prendre en compte les conséquences qui en découleraient, à savoir la hausse des taux d'emprunt et donc l'augmentation du coût de la dette.

Les tensions sur les marchés financiers sont palpables, comme en témoigne la hausse des rendements des obligations françaises à 10 ans. Ils se sont retrouvés au plus haut de la semaine autour de 3,33 %, accentuant l'écart avec les obligations allemandes à un niveau record depuis 2017.

C’est évidemment le secteur bancaire le premier touché. Ce dernier est très sensible à la stabilité politique, qui a des conséquences directes sur la confiance des investisseurs et des consommateurs. Des décisions d'investissement pourraient être reportées dans le cadre d'un changement de majorité, affectant ainsi une croissance et une profitabilité des banques déjà fragiles.

Selon Les Échos, c’est 10 milliards d’euros de capitalisation qui se sont évaporés en deux séances. Et ce, en cumulant les trois grandes banques françaises. Les résultats remarquables du RN ont également ravivé les inquiétudes sur des potentielles nationalisations notamment des autoroutes à péage françaises ou encore des chaînes de télévision, ce qui semble très peu probable au vu des montants qu’il faudrait débourser pour cela, et du niveau de la dette française.

L’ambiance a changé en fin de semaine puisqu’il semblerait que le RN n’obtienne pas la victoire si facilement. LFI, PS, écologistes et communistes ont annoncé jeudi soir avoir scellé un « programme de gouvernement » pour accompagner des « candidatures uniques » aux législatives. Ils forment ainsi le nouveau Front Populaire.

Évidemment se pose la question de l'impact de la victoire du RN ou du Front Populaire sur l'économie française.

En cas de victoire du RN, le pays sera probablement bloqué par des syndicats. Et ceci serait très mauvais pour l’activité économique. En cas de victoire du Front Populaire, c’est un climat de défiance de la part du marché qui s’installera face à un programme économique qui s’annonce désastreux pour les dépenses publiques.

Il est un peu tôt pour se précipiter aveuglément. Il nous semble plus sage d’attendre les résultats du premier tour des élections législatives. Toujours est-il que la foudre présidentielle a frappé fort cette semaine. Si fort qu'elle a même atteint nos locaux...

Cependant, comme pour toute incertitude, cela n'est que temporaire. Un retour au calme des marchés peut prendre du temps, mais la solidité de nos entreprises reste inchangée. Nous ne pouvons qu'espérer qu'il en sera de même dans les semaines à venir pour notre cher et beau pays.

- 10 Mds€  

La perte de capitalisation cumulée de BNP, Société Générale et Crédit Agricole lors des séances des lundi 10 et mardi 11 juin.

- 70 points de base

l’écart à la clôture du jeudi 13 juin entre les rendements des obligations de l’État français et de l’État allemand, au plus haut depuis 2017.