Les droits de douane n'effraient plus les marchés

Le moral des investisseurs est, par définition, très variable. Et les mêmes causes n’ont pas forcément les mêmes effets sur les actifs financiers, selon la période dans laquelle on se trouve. La quiétude actuelle des marchés face à autant d’incertitudes paraît déconcertante aux yeux de nombreux stratégistes. Ainsi, les droits de douane réciproques ont affolé les bourses mondiales en avril. Aujourd’hui, ces trublions sont toujours d’actualité, et l’on se rapproche à grands pas de la nouvelle échéance du 1er août. 

L’horloge tourne et, à l’exception du Royaume-Uni, peu d’accords ont été officiellement trouvés avec les principaux partenaires des États-Unis. Y compris avec l’Union européenne, le Japon, la Chine et l’Inde.

C’est irréel : les indices actions tutoient les sommets, mais les menaces sont bien réelles. Cette combinaison est dangereuse, car, dans cette configuration, toute mauvaise nouvelle peut faire violemment basculer la balance dans le mauvais sens. Pourquoi cette complaisance et cette résilience peuvent-elles durer ?

Souvenez-vous du fameux jour de la déclaration, où Donald Trump annonçait les droits de douane réciproques depuis la roseraie de la Maison-Blanche. Un moratoire de 90 jours plus tard, prolongé jusqu’au 1er août, voici l’Union européenne menacée d’un taux de 30 %, et non plus de 25 %.

Fort heureusement, la psychologie a changé. Le 2 avril a ouvert une période inconnue, synonyme de panique. Aujourd’hui, les calculettes ont tourné, et le nouveau monde vers lequel nous nous dirigeons semble mieux cerné et les risques identifiés. Celui-ci fait moins peur qu’auparavant et pourtant les conséquences peuvent être néfastes pour l’Europe.

Nous avons été témoins de nombreuses déclarations confirmant de grandes avancées dans les discussions, mais concrètement, les jeux ne sont pas du tout faits. Avec les fameuses lettres adressées récemment, le taux effectif des États-Unis appliqué sur l’ensemble de ses importations se situerait entre 18 % et 20 %. Selon que les exemptions actuellement appliquées soient temporaires ou non.

C’est un taux trop élevé pour ne pas avoir un impact sur la croissance et l’inflation. Seulement voilà, les opérateurs sont habités par la théorie du « TACO », ou en anglais « Trump Always Chicken Out ». Cette abréviation signifie que le président finit toujours par reculer face aux tremblements des marchés. C’est dangereux de croire à cette doctrine, car le processus de taxation des pays étrangers au profit de l’Amérique est bien enclenché. Comme l’affirme le secrétaire d’État au Trésor, Scott Bessent, les États-Unis devraient engendrer plus de 300 milliards de dollars de recettes douanières cette année. La tactique de la prolongation vise à obtenir des concessions plus élevées qu’auparavant, mais moins douloureuses que redoutées. Au final, c’est l’Amérique qui y gagne, et le risque d’un échec dans une tractation est grand, surtout avec l’Union européenne, vu la complexité de l’univers des négociations. 

Nous avons tous lu que la hausse des prix rebondirait à partir d’avril. Fort heureusement, le chiffre mensuel contenu du mois de mai, à 0,20 %, et annuel, à 2,40 %, avait rassuré. Celui de juin rebondit à 0,30 % et à 2,70 % sur un an glissant. Il semble surtout montrer un début de renchérissement des prix des biens, alors que ceux des services s’amenuisent. Le processus, même partiel, de transmission de la hausse des droits de douane vers le consommateur est donc enclenché.

Ce frétillement des prix ne rassure pas la FED, et les investisseurs doutent d’une éventuelle baisse des taux en septembre. La probabilité implicite induite par les taux des contrats futures ressort à 62 %. Il faudrait attendre le 29 octobre pour vivre la prochaine réduction du loyer de l’argent. Ce délai est beaucoup trop long pour la Maison-Blanche, qui devrait accentuer sa pression sur Jerome Powell. Cette atteinte à l’indépendance de l’institution monétaire devrait peser sur les actifs financiers et sur le dollar.

Le consensus de croissance des bénéfices par action au deuxième trimestre a été fortement révisé à la baisse, à 0 % en Europe et à 5 % outre-Atlantique. Ces chiffres devraient être dépassés. Attention toutefois à l’impact négatif du change en Europe. Le bal est ouvert, avec déjà de mauvaises nouvelles pour Renault et ASML. La baisse de 10 % du titre ASML nous semble exagérée, au vu des bons résultats publiés, malgré un excès de prudence du management quant aux incertitudes existantes. Au bout du compte, nous ne sommes pas pessimistes, mais l’été devrait être volatil.

- 30%. Le taux appliqué  sur les importations de l’Union européenne  le 1er août.

- 406. Le nombre de trimestres consécutifs où Abbott Laboratories a versé un dividende à ses actionnaires.

- 2000 milliards d’euros. La proposition de budget pour l’Union européenne de 2027 à 2034.