Faux départ !

Les investisseurs étaient dans les starting-blocks pour ne pas rater la traditionnelle hausse de début d’année, après avoir bien profité du beau rallye de fin 2023.

Selon Bloomberg et après les arbitrages massifs de ces dernières semaines vers les actifs risqués, la pondération actions dans les portefeuilles diversifiés est remontée à un niveau des plus élevés depuis la fin de la crise financière de 2008. Mécaniquement, la pondération de la poche trésorerie se situe en bas de la fourchette historique depuis 15 ans. Malheureusement, les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel, du moins en une seule pousse.

Après une hausse respective en devise locale de plus de 11 % et de 15 % des indices CAC 40 et S&P 500, depuis le point bas du 27 octobre dernier, le marché a besoin de nouveaux éléments pour valider le scénario idéal actuellement anticipé. Car les espérances sont élevées pour 2024. A savoir un assouplissement monétaire important de 1,50 % (150 points de base) des taux directeurs de la Fed et de la BCE, cumulé à une croissance des bénéfices par action en 2024 supérieur à 12 % aux États-Unis et à 9 % en Europe, dans un contexte de ralentissement économique. 

Le grain de sable n’est pas venu de la macro-économie, mais de la géopolitique, trop délaissée dernièrement par les opérateurs. Le conflit israélo-palestinien s’étend en mer Rouge et des attaques permanentes sur les navires marchands contraints les armateurs à dévier leur route maritime, en évitant le canal de Suez. Cette déviation exige le contour de toute l’Afrique et rallonge de plusieurs jours le délai de transport nécessaire pour acheminer le fret. La capacité disponible est de facto réduite et le fantôme des tensions sur la chaîne mondiale d’approvisionnement, qui avaient tant sévi en 2021 et en 2022, refait surface.

Certaines sociétés de transport maritime, telle CMA-CGM, ont doublé le tarif d’acheminement d’un conteneur sur la route Asie-Europe le 2 janvier. Cette angoisse d’une nouvelle inflation importée des biens consommés a propulsé les taux longs à 10 ans américain à 4 % et allemands à 2,10 %, après un point bas respectif le 27 décembre à 3,78 % et à 1,89 %. Un malheur n’arrivant jamais seul, une frappe israélienne le 2 janvier au Liban, menace d’embraser toute la région, si le Hezbollah décide de rentrer en guerre frontale avec l’État hébreux. 

Tout dépend de la date du début de l’historique. De 1980 à l’an 2000, l’indice Dow Jones a connu une performance annuelle négative (hors dividendes) seulement à quatre reprises. C'était en 1981, 1984, 1990 et en 2000. Pourtant, la performance de l’indice au cours de la première semaine de ces quatre années a été toujours positive.

Ce qui signifie implicitement que la performance annuelle a été toujours positive, quand celle de la première semaine était négative.

L’indicateur le plus pertinent pour déceler une tendance pour l’année était alors la performance mensuelle. En effet, au cours des quatre années concernées, l’indice Dow Jones a toujours terminé le mois de janvier en baisse.

En revanche de 2001 à 2023, le marché américain a affiché une performance négative 7 fois. C'est arrivé en 2001, 2002, 2005, 2008, 2015 et 2022. Il a baissé 5 fois lors de la première semaine (2001, 2005, 2008, 2015 et 2022).

La statistique est donc bien plus défavorable. Si l’on prend l’indice CAC depuis 1990, la performance annuelle (hors dividendes) a été négative 13 fois*. Et la performance de la première semaine a été négative 7 fois**.

Statistiquement, depuis 34 ans, la probabilité de connaître une performance négative en 2024 est de 54 %. Ce chiffre nous paraît pas assez probant, pour broyer du noir tout au long de l’année. En effet, le nombre de paramètres pouvant influer les cours est très élevé.

Il nous semble donc plus pertinent de maintenir notre approche prudente et sélective. La bourse n'est pas un sprint mais un marathon. Même si les prochaines séances risquent d’être volatiles, on peut connaître une belle année 2024, en dépit des banques centrales qui tardent à baisser leurs taux directeurs. L’essentiel est qu’elles la fassent d’ici l’été. 

* en 1990, 1994, 1995, 2000, 2001, 2002, 2008, 2010, 2011, 2015, 2018, 2020 et en 2022.

** en 1990, 2001, 2002, 2008, 2015, 2020 et 2022.