Les réactions du marché surprennent souvent les investisseurs. Ce fut encore le cas cette semaine, avec la forte progression des valeurs européennes du secteur de la défense. Au moment même où se tiennent des sommets pour la paix en Ukraine.
Réarmement à marche forcée de l'Europe
L’explication contre-intuitive est assez simple. Les opérateurs se projettent une nouvelle fois sur le long terme, c’est-à-dire dans le monde d’après. Leur conclusion fait froid dans le dos. Une paix en Ukraine, dans un contexte où le soutien militaire américain est voué à se réduire drastiquement malgré une menace russe toujours aussi présente, signifie un réarmement à marche forcée de l’Europe.
Flambée du secteur de la défense
Le lundi 18 février 2025 restera dans les annales avec la plus forte flambée des titres du secteur de la défense depuis février 2022 - le mois de l’invasion de l’Ukraine. Ainsi, les actions Dassault Aviation, Thales, Leonardo, BAE Systems, Rheinmetall, SAAB AB et ThyssenKrupp, se sont octroyées entre 6,50 et 19,77 % en une seule séance.
Faut-il prendre ses bénéfices ou suivre le mouvement ?
Si tu veux la paix, prépare la guerre ou si tu veux la paix, fais la guerre ?
La réponse dépend évidemment du côté où l’on se trouve. C’est-à-dire du point de vue des Occidentaux ou du Kremlin. La tendance pour toutes les nations vivant en paix est sans équivoque et penche pour le premier adage.
Selon l’institut IISS, les dépenses mondiales de défense ont atteint le triste record de 2 460 milliards de dollars en 2024. Contre 2 240 milliards en 2023. Par rapport au PIB mondial, le poids des budgets de la défense a atteint 1,9 %, contre 1,8 % en 2023 et 1,6 % en 2022. La seule zone géographique ayant baissé ses dépenses réelles (déduites de l’inflation) est l’Afrique sub-saharienne.
Les Etats-Unis dépensent le plus en armement
Les Américains demeurent les leaders incontestés de l’armement, avec le seuil des 900 milliards de dollars dépassé en 2024. Selon le Département de la Défense (DoD), ce chiffre était constitué d’une base initiale de 842 milliards de dollars. A laquelle s’ajoute plus de 58 milliards de dollars de lois supplémentaires, dont 44 milliards pour l’Ukraine.
Pour 2025, la base initiale prévue est fixée à 849 milliards de dollars, soit une modeste progression de moins d’1 %. En intégrant tous les crédits supplémentaires qui se sont accumulés au fil de l’eau, IISS obtient un chiffre différent, évalué à 946 milliards de dollars l’année dernière. Loin derrière, les deuxième et troisième pays les plus dispendieux en milliards de dollars ont été la Chine (235) et la Russie en guerre (146). Même en intégrant les parités de pouvoir d’achat, ces deux pays arrivent à peine à la moitié du montant américain, respectivement à 477 et à 462 milliards de dollars.
Et l’Europe dans tout cela ?
Face à la Russie, le bloc européen a dépensé plus de 310 milliards de dollars. L’Allemagne (86) a ravi la première place sur le Vieux Continent au Royaume-Uni (81), avec une progression de 23 % annuelle. La France arrive derrière au 8ème rang mondial, avec 64 milliards de dollars devant l’Italie (35) et la Pologne (28). Cette dernière a fortement augmenté son budget, face à la menace de son voisin russe.
Malgré tout cela, Donald Trump juge tous ces efforts insuffisants. En janvier, il a invité tous les membres de l’OTAN à augmenter leur budget défense jusqu’à 5 % du PIB. Cet objectif semble aujourd’hui inatteignable avant une décennie, même en gardant le rythme de progression actuel.
En bourse, la tragédie de la guerre des uns fait le bonheur des autres
Depuis l’invasion de l’Ukraine, la performance dividendes réinvestis du titre Rheinmetall (conglomérat industriel de la défense) donne le tournis (+861 %). Cette performance laisse celle - pourtant remarquable dans la technologie - de Nvidia loin derrière (527 %).
L’entreprise allemande est la grande bénéficiaire de l’augmentation des crédits de Berlin. Son chiffre d’affaires devrait doubler entre 2022 et 2025. La progression de l’action du géant américain Lockheed Martin à coté fait pâle figure (à peine 21 %). L’entreprise basée dans la Maryland devrait connaître une augmentation de 14 % de ses revenus sur la même période.
Les Etats-Unis baissent leurs dépenses fédérales pour financer les baisses d'impôts
Washington vise actuellement une réduction des dépenses fédérales, afin de financer les gigantesques baisses d’impôts promises par le nouveau président. Elon Musk, en tant que secrétaire d’État du DOGE (Department of Government Efficiency), a brisé le tabou en critiquant ouvertement le programme de l’avion furtif F-35 dont le coût estimé dans sa durée devrait dépasser les 2 000 milliards de dollars pour plus de 1 800 appareils.
Les États-Unis ont officiellement alloué à l’Ukraine 175 milliards de dollars, avec cinq lois votées depuis le début de la guerre. La majorité de cette somme (106) a été attribuée directement pour l’Ukraine, dont 70 milliards en armement. Le solde (69) a été au bénéfice des sociétés américaines. Donald Trump va donc continuer à mettre la pression sur les Européens, en réduisant les crédits à l’Ukraine et les incitant à augmenter davantage leurs dépenses militaires. En attendant, les investisseurs devraient continuer à chérir ce secteur.
Les chiffres de la semaine
- 2 460 milliards de dollars.
Les dépenses mondiales dans la défense en 2024, selon IISS.
- 2 700 milliards de dollars.
Le total des dépenses européennes en défense cette prochaine décennie, si le seuil de 4 % du PIB est atteint.