La Chine et Apple : je t'aime, moi non plus !

C’est un nouveau coup de théâtre. Selon des sources journalistiques, la Chine serait prête à interdire l’usage des iPhones dans les agences gouvernementales et les sociétés contrôlées par l’État. La réaction boursière a été immédiate, à savoir une baisse du titre Apple jusqu’à 5 % en séance, ainsi que ceux de ses principaux fournisseurs. Si le bilan journalier reste modéré, avec un repli à la clôture de moins de 3 % pour la firme de Cupertino et de 0,73 % pour l’indice Nasdaq 100, cet évènement constitue une nouvelle escalade dans le bras de fer sino-américain pour l’indépendance technologique des deux nations. 

Pourquoi la réaction boursière reste-elle contenue à ce stade ?  

Prenons un peu de recul. Les dernières publications trimestrielles indiquent que la Chine représente un peu plus de 19 % des revenus de l’entreprise au logo de la pomme croquée.

Un chiffre qui est conséquent, car l’empire du Milieu est le premier marché mondial pour les smartphones dont la base installée dépasse le milliard d’unités. Selon la société Canalys, 287 millions d’entre eux ont été assemblés et expédiés en Chine en 2022. C’était une mauvaise année, car en-dessous du niveau des 300 millions d’unités pour la première fois depuis 2013. Même sans restriction sanitaire comme au quatrième trimestre dernier, pas plus de 74 millions de ces téléphones intelligents ont été vendus.

Apple défié par Huawei

La couronne de leader d’Apple (crédité de 22 à 25 % de part de marché selon les trimestres) se voit désormais défiée par le chinois Huawei. Ce genre de mesure restrictive pourrait permettre à ce dernier, en théorie, de dépasser l’Américain. 

Pour le moment, les ventes à usage personnel ne sont pas touchées, ce qui constitue la quasi-totalité du chiffre d’affaires local. Selon le rapport annuel de 2022, les revenus de l’iPhone représentaient 52 % du total mondial du groupe. L’objectif en cours d’année était d’atteindre la barre des 300 millions de smartphones vendus globalement. Une réduction de 10 à 15 % des ventes en Chine devrait représenter par conséquent à peine 2 à 3 % des ventes totales d’Apple. Le repli du titre est par conséquent cohérent avec la réalité, à condition qu’aucune autre mesure plus dommageable ne soit décidée.

Les liens entre Apple et la Chine ne seront pas coupés de sitôt

Il est assez rassurant de penser que, même en période de souveraineté technologique, les liens entre Apple et la Chine ne seront pas coupés de sitôt. Selon diverses sources, l’entreprise américaine et ses fournisseurs (dont le célèbre et controversé Foxconn) emploieraient localement plus d’un million de personnes. Cela inclut également la distribution des produits, puisqu’on dénombre également une cinquantaine d’Apple Stores, selon Statista. De plus, produire (et plus précisément assembler en Chine) constitue une tête de pont à l’exportation dans le monde entier et contribue positivement au commerce extérieur du pays, ce qui est fortement apprécié par les autorités. Selon diverses sources, plus de 80 % des iPhones vendus sur la planète seraient assemblés à Zhengzhou. Le scénario le plus probable à ce stade est donc des mesures réduites et peut-être progressives, en vue d’un désengagement sur le très long terme.

Un bras de fer engagé

Le nerf de la guerre n’est pas l’assemblage des produits finaux, mais la souveraineté des composants de haute technologie, notamment des puces électroniques ou appelées autrement les semiconducteurs. Certaines entreprises chinoises, telle que Huawei ou le fondeur SMIC sont interdites de s’approvisionner en puces américaines utilisées pour le civil et le militaire. Depuis octobre 2022, les États-Unis encadrent l’exportation de produits et logiciels américains les plus avancés à toute entité chinoise, les obligeant à obtenir une licence. Avant les rumeurs de restrictions d’hier, des parlementaires américains soupçonnaient  SMIC d’avoir contourné les sanctions pour fournir à Huawei des puces de 7 nanomètres. Décidemment, même si la Chine et Apple ont de grands intérêts communs et ne peuvent pas se passer l’un de l’autre, leurs relations souffrent du bras de fer qu’ils ont engagé.