Pas de changement de scénario

La BCE relève ses taux directeurs à 4%

C’était quasiment inattendu. La BCE vient de relever ses taux directeurs une dixième fois depuis juillet 2022, les portant ainsi à 4 %. Cette action a été une surprise pour la majorité d’entre nous, puisque le marché estimait cette probabilité à 40 %. Pour autant, la réaction des investisseurs n’a pas été négative, puisque les taux longs et l’euro ont baissé et les indices actions ont grimpé.

L'inflation restera élevée encore longtemps

Dans son communiqué, la BCE annonçait avoir révisé à la hausse ses estimations d’inflation pour 2023 et 2024 (respectivement à 5,6 % et 3,2 %) et à la baisse ses prévisions de croissance pour 2023, 2024 et 2025 (respectivement à 0,7 %, 1 % et 1,5 %). Lors de sa conférence de presse, Christine Lagarde a répété plusieurs fois que l’inflation restera pour longtemps trop élevée. De facto, la politique restrictive actuelle sera maintenue pour une période prolongée, afin de ralentir suffisamment l’activité et que la hausse des prix retrouve son objectif à moyen terme de 2 %. Le paragraphe sur l’état actuel de l’économie indique clairement que la croissance devrait rester extrêmement faible ces prochains mois, après une stagnation au 1er semestre et des chiffres toujours médiocres au 3èmetrimestre. 

Alors, pourquoi vivons-nous une réaction positive des marchés actions avec des prévisions économiques si moroses ? 

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, c’est l’inflation nominale qui a été révisée à la hausse, alors que celle de base (hors énergie et alimentation) a été revue à la baisse à 5,1 % en 2023, 2,9 % en 2024 et  2,2 % en 2025. Ensuite, il a été également précisé, que les taux actuels, maintenus pour une durée suffisamment longue, avaient atteint un niveau suffisant, afin que ceux-ci contribuent substantiellement à un retour de l’inflation à l’objectif souhaité. Les investisseurs ont donc interprété cette phrase comme étant la fin du plus dur cycle de hausse de taux de l’histoire de l’institution européenne.

Enfin, Christine Lagarde n’a pas oublié de mentionner qu’à terme, le dynamisme économique devrait redémarrer, dans un contexte favorable pour l’emploi, avec un regain du pouvoir d’achat des ménages et une augmentation de la consommation.

Les investisseurs ont fait preuve de prudence

La dernière explication est technique. Les investisseurs ont fait preuve de prudence avant cet évènement, qui correspondait à la veille de l’échéance des dérivés et de la fameuse journée dite des « 4 sorcières ». Ils ont débouclé leurs positions sur septembre dans l’après-midi et, rassurés, n’ont pas renouvelé intégralement leurs couvertures sur l’échéance suivante.

Et un rééquilibrage des indices boursiers

À cela, s’ajoute un rééquilibrage des indices boursiers ce vendredi. Selon BNP Paribas, celui-ci devrait s’élever à plus de 7,5 milliards de dollars, dont 1,5 milliards de flux positifs pour les valeurs françaises et italiennes. De plus, les valeurs de croissance avaient corrigé depuis plusieurs semaines,, notamment celles du luxe. L’incertitude passée, des achats à bon compte ont été effectués.Maintenant, la balle est dans le camp de la Fed, qui devra réussir le même exercice lors de sa prochaine réunion ce mercredi 20 septembre. Certes, la fin d’un cycle de durcissement monétaire est traditionnellement une période plus favorable pour les marchés.

Une stabilité du marché obligataire est toujours la bienvenue pour la stabilité des actifs financiers. Cependant, le scénario central n’est pas, selon nous, modifié : une croissance faible et des taux à 2 ans tendus, qui pèseront davantage sur le refinancement des entreprises en 2024.

D’où une sélectivité importante toujours de mise. D’ailleurs, les anticipations des taux directeurs de la BCE pour le printemps 2024 ont très peu évolué. La hausse d’hier était juste anticipée sur le calendrier des investisseurs, qui l’avaient programmé avant la fin de l’année.