Saison des résultats : comment gagner de l'argent avec des mots ?

La communication est aussi importante que les chiffres, même en finance. Voici plusieurs éléments pour illustrer ces propos.

Nous venons de vivre la semaine la plus chargée de la saison des résultats du premier trimestre, avec la publication respective de 183 et de 129 entreprises faisant partie de l’indice S&P 500 et de l’indice Stoxx Europe 600.

Depuis le début de cette période - commencée il y a 3 semaines - le bilan provisoire est positif mais contrasté. Tout d’abord, on peut constater un net avantage du côté américain. En effet, 79% des sociétés ayant communiqué ont battu les estimations de bénéfice par action contre 54% en Europe. La progression totale sur un an glissant est de 6% outre-Atlantique contre une contraction de 8% sur le Vieux continent.

Saluons également les belles progressions du chiffre d’affaires publié. C'est le cas pour Hermes International (+12,6%), AstraZeneca (+19%), Microsoft (+17%) et Alphabet (+15%).

Pourtant les cours de bourse de ces titres ont réagi différemment, pas uniquement en fonction des attentes, mais également en fonction des mots clés guettés par les investisseurs. Encore plus surprenant, les titres de Tesla, de Saint-Gobain et de Nexity ont nettement progressé. Malgré une baisse respective de leurs revenus de 9%, de 8,5% et de 14%...

Les attentes des opérateurs de marché varient selon de nombreux paramètres et notamment selon le contexte économique et monétaire.

Dans une période de reprise de l’activité - comme le témoignent aujourd’hui les derniers indicateurs PMI en zone euro - les investisseurs sont particulièrement sensibles aux valeurs dites de "retournement". En effet, elles sont à l’aube d’un nouveau cycle de progression des ventes et des profits.

Dans ce cas précis, le mot clé est « point bas » comme l’ont brillamment utilisé Saint-Gobain et Nexity dans leur communiqué. Encore plus fort, Tesla, passé maître dans les annonces retentissantes, a su glisser le mot magique « intelligence artificielle » pour son futur nouveau modèle.

Le cours de bourse a clôturé le lendemain sur une hausse de 12,16%. Et ce malgré des revenus et des bénéfices inférieurs aux attentes et un free cash-flow négatif de 2,5 milliards de dollars, avec un investissement de plus d’un milliard de dollars dans l’intelligence artificielle.

Ce même type de besoins a fait vaciller Meta. Le cours de bourse a perdu 10,89% au lendemain d’une communication solide et au-dessus des attentes, avec une hausse de 27% des revenus et de 114% du bénéfice par action. Mais cette communication était extrêmement maladroite. En effet, la société a relevé la borne basse de ses prévisions de dépenses annuelles de 94 à 96 milliards de dollars. Pourtant, aucun analyste n’a révisé en baisse ses estimations de bénéfice par action, désormais à plus de 20 dollars.

De facto, il aurait été plus habile pour Meta de relever ses attentes annuelles en termes de résultat net, y compris en incluant cette progression des dépenses.

Cela aurait sans-doute évité cette contre-performance, dans un contexte où la tendance est plutôt de réduire les valeurs dites de croissance dans un portefeuille au profit des valeurs plus cycliques, malgré une valorisation du titre relativement raisonnable à plus de 22 fois les profits de 2024.

Pourtant, Meta s’était largement démarqué le trimestre précédent, après l’annonce le 1er février dernier du premier dividende de l’histoire de la société et d’un programme de rachat de titres de 50 milliards de dollars.

La capitalisation boursière avait bondi de 168 milliards de dollars en une seule séance ! Cette superbe recette a été retenue par Alphabet, dont le cours a ouvert en hausse de 11% aujourd’hui, à la suite d’une annonce hier soir d’un premier dividende trimestriel de 20 cents, soit un rendement de moins de 0,50% et surtout d’un programme de rachat d’actions additionnel de 70 milliards de dollars.

Comme quoi, on ne se trompe jamais en augmentant le retour aux actionnaires, quelle que soit la forme !