Jerome Powell est un véritable funambule. Il vient de réussir un numéro d’équilibriste hautement périlleux sur un fil tendu au niveau du fameux point pivot. Ce signe est matérialisé visuellement sur un graphique au moment où la Réserve fédérale américaine initie un nouveau cycle d’assouplissement monétaire, en abaissant ses taux directeurs. Cet évènement était très attendu, car maintes fois reporté et ce depuis trop longtemps. En effet, les premières anticipations du marché au sujet d’un changement radical de politique monétaire remontent à l’été 2022, sur un calendrier initial de mars 2023.
Il aura donc fallu attendre 18 mois, pour que la FED soit pleinement convaincue d’avoir gagné sa bataille contre l’inflation, afin de se concentrer désormais sur l’emploi. Le spectacle a été réussi et salué par un beau rallye le lendemain de la prestation.
Baisse des taux directeurs et rebond des marchés
Ce rebond est-il durable et quels actifs financiers devraient en bénéficier ?
La fête n’était pas facile à organiser, avec de surcroît une faible probabilité de succès. Car elle se passe historiquement à un moment où les invités sont fébriles et inquiets. Ce changement de cible dans le double mandat de la FED est traditionnellement synonyme de doute et de faiblesse des actifs financiers.
Craintes de récession
Le spectre de la récession hantant les salles de marchés, baisser de 25 points de base peut être perçu comme insuffisant pour contrer une future chute de l’activité. De même que réduire trop brutalement le loyer de l’argent peut être mal interprété. En effet, cela peut être synonyme d’un geste désespéré survenant trop tard pour empêcher le scénario du pire.
Baisse de 50 points de base des taux directeurs
Malgré tout cela, c’est la deuxième option qui a été choisie par la banque centrale. Avec une baisse de 50 points de base de l’objectif maximal des FED Funds, fixé à 5%. Pour éviter un mouvement de ventes généralisé, il a fallu, une fois de plus, utiliser l’arme de la rhétorique et du phrasé.
Sur ce point, la communication a été parfaite. Il est bien loin le temps où Jerome Powell lisait, comme au début de son mandat de Président, un discours sur des pages papiers qu’il tournait l’une après l’autre après avoir trempé son index dans sa bouche.
Recalibrage de la politique monétaire et réalité économique
Les points importants, qui ont rassuré la communauté financière sont :
- Il s’agit d’un recalibrage d’une politique monétaire devenue restrictive depuis plus d’un an. Et ce, grâce à l’amélioration de l’inflation et la récente évolution du marché du travail. L’économie reste forte et les tensions sur le marché du travail ont disparu.
- Cette décision intervient au bon moment et non en retard par rapport à la réalité économique. Il s’agit d’initier un processus d’ajustement vers plus de neutralité monétaire. Et ce, dans un contexte où l’inflation, depuis juillet 2023, est passée de 4,20% a légèrement au-dessus de 2%. Et un taux de chômage, toujours bas, mais qui est cependant remonté à 4,2% contre 3,50%.
Jusqu’où la FED va-t-elle baisser ses taux directeurs ?
L’autre surprise provient des projections des membres de la FED, alias les fameux « dots » en anglais. Ceux-ci sont sensiblement plus bas qu’en juin dernier. Ainsi, les taux directeurs pourraient revenir à 4,40% fin 2024, 3,40% fin 2025 et 2,90% fin 2026.
Ce nouveau cycle d’assouplissement monétaire devrait être sensible. Ce qui soutiendra l’économie, toujours en croissance de l’ordre de 2%, un taux de chômage stabilisé à 4,40% et une inflation qui refluerait à 2,1% en 2025 et à 2% en 2026.
Quels actifs financiers devraient bénéficier de cette forte baisse des taux directeurs ?
Si ce scénario d’inflation contenue avec une croissance plus faible, mais toujours solide, se matérialise, la plupart des actifs devraient voir leur prix progresser par effet d’actualisation. Aussi bien les actions, les obligations, l’immobilier, l’or et les cryptomonnaies.
Les spreads de crédit obligataire devraient également se réduire, ce qui favoriserait davantage les obligations d’entreprises face aux souveraines.
Parmi les actions, on retrouve les valeurs de croissance, ainsi que les valeurs endettées, notamment de télécommunications et des services publics. Les investisseurs avaient largement favorisé les valeurs défensives dans leur portefeuille. À court terme, les valeurs cycliques, notamment les financières et les sociétés de petites et de moyennes capitalisation, devraient rebondir plus sensiblement. Ce rallye durera aussi longtemps que ce scénario économique sera crédible, ce qui dépendra des données publiées ces prochaines semaines.
Les chiffres de la semaine
- 0,50 %
soit 50 points de base, la baisse des taux directeurs de la FED ce 18 septembre
- 95 000
Le nombre de centenaires au Japon contre 30 000 en France