Le grand troc entre la France et la Chine

On se croirait au XIXème siècle, au temps des traités entre la Chine et l’Occident. Ceci à un détail près : l’empire du Milieu est aujourd’hui en position de force pour négocier.

C’en est fini des accords défavorables, comme celui de la Convention de Pékin d’octobre 1860. En ce temps, le défait empereur Hien Fong de la dynastie mandchoue des Qing avait dû - sous la contrainte - ouvrir le commerce aux étrangers et consentir d’importantes indemnités à la France et à la Grande-Bretagne.

Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux même.

Selon le Bureau National des Statistiques de la Chine, les échanges commerciaux extérieurs ont totalisé, en 2023, la somme astronomique de 41 757 milliards de yuans. Soit l’équivalent de 5 881 milliards de dollars, pour un excédent net de 5 788 milliards de yuans (815 milliards de dollars).

Les 6 principales nations occidentales (États-Unis, Allemagne, Royaume Uni, France, Italie et Canada) ont individuellement un déficit commercial avec la Chine. Il en est évidemment de même pour l’Union européenne, où le solde est passé d’une balance équilibrée au début des années 2000 à un déficit de 418 milliards de dollars en 2022. 

Le dirigeant chinois Xi Jinping était en visite d'État en France les 6 et 7 mai. Il a été accueilli avec les plus grands honneurs par le président français.

Officiellement, cette venue célébrait le 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine.

Beaucoup d’entre nous n’étaient pas encore nés, mais la France gaullienne eu l’audace, le 27 janvier 1964 et en pleine guerre froide et 10 ans après la défaite de Diên Biên Phu en Indochine, de reconnaître uniquement la République Populaire de Chine.

Les relations diplomatiques avec l’autre République de Chine, installée à Taïwan après la défaite des forces de Chiang Kaï-shek face à celles de Mao Zedong, ont été rompues au profit de partenariats économiques. Cette île fut pourtant officiellement rétrocédée à la République de Chine le 25 octobre 1945, après la capitulation du Japon dans la seconde guerre mondiale. Ceci avait mis fin à une occupation nippone qui remontait à 1895, selon les termes du traité de Shimonoseki, concédant à perpétuité Taiwan après une nouvelle défaite des troupes de l’Empereur de la dynastie des Qing. 

Mettons l’histoire de côté. Même si elle est toujours importante pour comprendre l’actualité. Passons également sur le programme des célébrations prévu par les deux nations tout au long de l’année. Concentrons-nous uniquement sur l’aspect économique.

Selon les douanes françaises, le déficit commercial de la France avec la Chine a été de 46,2 milliards d’euros en 2023, contre 54,2 milliards d’euros en 2022.

Sur un an glissant (d’avril 2023 à mars 2024), les principaux contributeurs positifs à cette balance commerciale sont :

  • les produits de la construction aéronautique et spatiale (5 milliards d’euros),
  • le segment cuir, bagages et chaussures (2,5 milliards d’euros)
  • les produits pharmaceutiques de base (1,9 milliards d’euros),
  • les boissons (1,43 milliards d’euros)
  • et les produits de la culture et de l’élevage (1,42 milliards d’euros).

De l’autre côté du spectre, les principaux contributeurs négatifs sont :

  • le matériel électrique (7,1 milliards d’euros),
  • les ordinateurs et équipements périphériques (7 milliards d’euros),
  • les téléphones et équipements de communication (6,8 milliards d’euros)
  • et les articles d’habillement (5,3 milliards d’euros).

Les produits de la construction automobile ne représentent qu’une contribution négative de 2,9 milliards d’euros, mais retiennent toutes les attentions. En effet, la Commission européenne a ouvert une enquête antisubventions sur les importations de véhicules électriques à batterie (VEB) en provenance de Chine le 4 octobre 2023.

Selon les Echos, l’industrie automobile chinoise aurait touché plus de 60 milliards de dollars de subventions publiques entre 2009 et 2019. Permettant à la Chine de devenir un champion mondial. Dans l’hypothèse où les constructeurs chinois s’adjugent la majorité du marché français en 2035 cela représenterait plus de 900 000 véhicules (sur la base de 1,8 millions de véhicules en 2023). Cette déferlante peut être estimée à plus 18 milliards d’euros pour un prix moyen de gros de 20 000 euros par unité.

Les différents contrats signés cette semaine, sont un gage de bonne volonté. Mais ils ne pourront malheureusement pas réduire sensiblement le déficit commercial de la France.