La situation est complexe. L’équilibre reste précaire.
Ces deux phrases, extraites de la conférence de presse de Jerome Powell du mercredi 17 septembre, résument l’embarras de la Fed face à son double mandat de stabilité des prix et de plein emploi. C’est un sérieux dilemme : l’inflation reste à un niveau trop élevé (3,1 % pour l’indice CPI de base en août) et l’emploi s’est nettement dégradé ces derniers mois. Même si le taux de chômage demeure très bas.
Baisse des taux directeurs de la Fed
Il fallait agir et l’institution a tranché. La Fed a abaissé ses taux directeurs de 25 points de base (0,25 %), marquant ainsi une reprise du cycle d’assouplissement monétaire, initié en septembre 2024, mais suspendu depuis décembre dernier.
Quelles sont les conséquences de cette reprise des baisses de taux pour les actifs financiers ? Comment se sont-ils comportés historiquement depuis 40 ans ? Quelles seront les données à surveiller particulièrement ces prochains mois ?
Un impact globalement positif pour les actions, trois mois après cette baisse de taux
Nous sommes entrés dans un nouveau chapitre de l’histoire des marchés, déjà vécu six fois depuis les années 1980. Rassurons-nous : la performance des actions, mesurée par l’indice MSCI World trois mois après la première baisse de taux, est en moyenne positive de 2%. Mais attention, le bilan est drastiquement différent selon la situation économique. C’est-à-dire selon que les États-Unis restent en phase de ralentissement ou basculent vers la récession.
Dans le premier cas, c’est Byzance, avec une performance boursière au-delà des 10% sur un an. Dans l’autre cas, c’est la Bérézina, avec des baisses allant jusqu’à 26% au bout de trois mois, comme en 2008. En d’autres termes, l’effet bénéfique de la baisse des taux sur les actions, par effet d’actualisation, demeure plus fort que tout, tant que l’activité économique ne décroche pas. Dans quel schéma sommes-nous aujourd’hui ? Il est encore trop prématuré pour y répondre avec certitude à ce stade, et il faut donc rester en alerte permanente.
Les données de l’emploi à surveiller tout particulièrement
C’est actuellement le souci majeur du gouvernement, des investisseurs et donc de la Fed. Les créations d’emplois non agricoles ont fondu comme neige au soleil.
Jerome Powell a même franchi un cap, en indiquant que la dernière donnée de 22 000 en août se situait en dessous du fameux point mort. C’est-à-dire en dessous du pivot qui fait bondir le taux de chômage. Les membres du FOMC anticipent désormais un rebond de celui-ci à 4,50% en fin d’année, contre 4,30% en août. Lors de la conférence de presse, le débat a porté également sur les jeunes diplômés. En effet, ils sont actuellement en difficultés pour trouver leur premier emploi, probablement à cause des gains d’efficacité liés à l’apport de l’intelligence artificielle.
Par conséquent, le marché va particulièrement scruter les prochaines statistiques du marché du travail. Elles seront publiées le 3 octobre prochain, et pourraient à terme raviver la crainte du fantôme de la règle de Sahm, comme ce fut le cas, à tort, avec les données de juillet 2024. Celle-ci était censée prédire une récession lorsque la moyenne du taux de chômage sur trois mois dépasse de 0,5 point son niveau le plus bas des 12 derniers mois. Ce niveau se situe actuellement à 4,60% car le point bas de référence se situe à 4,1% (octobre et décembre 2024). Les cardiaques doivent s’abstenir !
« Le paradoxe de l’emploi américain » : la consommation et l’investissement tiennent bon et nous éloignent du spectre de la récession
Historiquement, quand les créations d’emplois ralentissent, il en est de même pour la consommation. Or, la dynamique actuelle est tout autre. Ainsi, les ventes au détail d’août ont été en croissance de 0,6%, et de 0,7% pour le groupe de contrôle. Toutes les banques américaines qui recensent les données de leurs clients constatent une croissance des dépenses des ménages via leurs cartes de crédit. Cette tendance positive n’est pas symptomatique d'une récession. Toutefois, il convient là encore de ne pas crier victoire trop vite. En effet, les chiffres montrent une forte dichotomie entre les différents segments d’activité. Les loisirs, la restauration, ainsi que les ventes sur Internet sont en forte progression, tandis que les dépenses en ameublement sont en berne.
La baisse des taux induit une forte rotation sectorielle
La réaction historique des marchés à la reprise d’un cycle d’assouplissement monétaire est difficile à cerner dans les premières semaines. Toutefois, une tendance se dessine rapidement : tous les secteurs ou valeurs endettés, censés bénéficier d’une baisse des taux, se distinguent rapidement, comme les télécommunications et les secteurs publics. La santé est également recherchée pour sa résilience. Ce classement évolue ensuite, environ six mois plus tard, en faveur des valeurs cycliques, à mesure que le scénario économique se précise. En conclusion, il convient de ne pas lutter contre la Fed et de privilégier actuellement les valeurs de croissance, les défensives, ainsi que les valeurs cycliques endettées, telles que celles du secteur immobilier.
Historiquement, les indices américains surperforment leurs homologues européens en devise locale. Le dollar baisse avec les taux et la performance des pays émergents dépasse celle des pays développés.
Les chiffres de la semaine
- 0,25 %. La baisse des taux directeurs de la Fed, ce 17 septembre.
- 3,6 %. Le taux des Fed Funds anticipé par les membres de la Fed à fin 2025.
- 0,6 %. La croissance des ventes au détail en août aux USA.