Une économie en K, des actions en mode K-Pop

C’est la lettre actuellement la plus populaire chez les économistes.

Une économie dite en K se distingue par une forte dichotomie entre les acteurs en forte croissance et ceux en nette stagnation, voire en régression. Nous sommes clairement dans cette situation aujourd’hui. Non seulement à cause de la révolution de l’intelligence artificielle, qui favorise considérablement les bénéficiaires de ces investissements colossaux et pénalise ceux qui seront petit à petit remplacés. Mais aussi en raison des différences profondes entre les niveaux de revenus des ménages.

Auparavant, on pouvait également observer une rupture entre le groupe qui bénéficiait de la mondialisation et celui qui la subissait. Dorénavant, on peut compter d’un côté les victimes de la guerre commerciale américaine et de l’autre les gagnants de cette vague de protectionnisme. Il en est de même pour les entreprises qui surfent sur la vague de la transition écologique et celles qui émettent trop de dioxyde de carbone. Toutefois, malgré toutes ces révolutions et ces ruptures dans la hiérarchie précédemment établie, l’économie mondiale dans son ensemble reste résiliente et les bourses tutoient les sommets.

Les indices actions sont-ils trop euphoriques ? Ou les grandes sociétés mondiales cotées sont-elles les gagnantes de ces changements permanents, grâce à leur forte réactivité ?

Les faits sont sans équivoque. Le monde d’aujourd’hui est très fragmenté, aussi bien chez les ménages que dans les entreprises. Ce n’est pas nouveau, mais le phénomène s’accélère ou, d’un autre point de vue, s’aggrave.

La société américaine en est le témoin le plus probant.

Ainsi, selon les données du BLS (Bureau of Labor Statistics), la consommation du quintile le plus aisé de la population représente quasiment 40 % du total. Ce chiffre monte à plus de 60 % pour les deux premiers quintiles. À l’inverse, le quintile le plus pauvre consomme moins de 10 % (9,15 %) du total. Et les deux quintiles les plus défavorisés consomment moins du quart   (22 %). Ce multiple de plus de 4 entre la consommation du quintile le plus aisé et celle du quintile le plus pauvre se compare à celui de 2,3 en France selon l’INSEE. Il ressort donc extrêmement élevé outre-Atlantique.

Ces écarts expliquent en partie la forte disparité dans la perception de l’économie. Une majorité de la population souffre, mais l’économie tient grâce à une minorité. L’indicateur du sentiment des consommateurs de l’université du Michigan (51 en novembre) s’approche de ses plus bas depuis 45 ans (50 en juin 2022). Pourtant, l’indicateur instantané du PIB américain de la Fed d’Atlanta a accéléré depuis cet été pour atteindre dorénavant le niveau robuste de 3,81 %. 

Selon la Fed de Saint-Louis, au deuxième trimestre, 0,1 % des Américains les plus riches détenaient 23 560 milliards de dollars d’actifs financiers. Contre 10 156 milliards pour la moitié la plus pauvre. De ce fait, les 10 % les plus riches possèdent beaucoup plus que les 90 % restants. Le célèbre effet richesse a donc fonctionné à plein cette année. Dans un environnement où la bourse (l’indice S&P 500) et les obligations américaines (l’indice obligataire Bloomberg US Aggregate) se sont octroyé respectivement plus de 16 % et 7 %.

L’inflation rogne le salaire réel plus durement chez les pauvres que chez les riches. Selon les données internes recensées par les clients de la banque américaine BofA, les revenus des plus riches ont crû de 3,7 % sur un an contre seulement 1 % parmi les plus pauvres.

Avec une inflation de 3 % sur un an glissant en septembre, le salaire réel est donc en croissance chez les plus riches et en décroissance chez les moins aisés. BofA met en avant une hausse des dépenses en cartes de crédit de 2,7 % sur un an glissant chez ses clients les plus riches. Contre à peine 0,7 % chez les plus modestes. Cette disparité n’empêche pas la consommation de progresser globalement et fait la fortune de certaines sociétés de la distribution.

Ainsi, le cours de bourse de Walmart vient de battre une nouvelle fois son record et progresse de 27 % en 2025. Le leader mondial, actuellement la 14ème plus importante capitalisation de la bourse américaine, se positionne bien dans cet environnement si particulier, pour capter les bons clients avec les bons produits. Les investisseurs ont apprécié, lors du Black Friday, la hausse de 9 % sur les plateformes en ligne par rapport à 2024. Les premières estimations du Cyber Monday (ventes de 14,25 milliards de dollars en hausse de 7,1 % selon Adobe’s e-commerce Analytics) constituent un nouveau record historique quotidien aux États-Unis.

C’est le sujet d’inquiétude le plus important actuellement pour l’économie américaine : le ralentissement de l’emploi. Les données publiées mettent toutes en évidence une baisse du nombre de créations d’emplois. Elles sont désormais insuffisantes pour faire baisser le taux de chômage, car inférieures au fameux point mort.

Disparité sectorielle

Les dernières statistiques en provenance de l’ADP (Automatic Data Processing) ont même indiqué une destruction de 32 000 emplois en novembre. Là encore, on assiste à une forte dichotomie entre les secteurs qui licencient (technologie de l’information et services aux entreprises) et ceux qui recrutent (santé et éducation, divertissement et hôtellerie).

Disparité régionale

C’est la même disparité dans les régions. La zone Pacifique a créé 67 000 emplois, tandis que celle du Nord-Est en a détruit 100 000. Dans le même style, on assiste à un monde à deux vitesses entre les petites entreprises (de 1 à 49 employés), qui se sont séparées de 120 000 personnes, alors que les sociétés de taille moyenne (de 50 à 499 employés) et les grandes (de plus de 500 employés) ont embauché respectivement 51 000 et 31 000 personnes. Ce chiffre, bien qu’hétéroclite, a conforté les investisseurs dans l’idée que la Fed allait baisser une nouvelle fois ses taux directeurs le 10 décembre. La probabilité d’un tel évènement se situe désormais autour de 90 % contre 43 % le 14 novembre. La poursuite de l’assouplissement monétaire de la Fed est sans aucun doute un soutien de taille pour les marchés.

La bonne performance des indices boursiers dans ce monde si dur et si cruel s’explique par la surreprésentation des gagnants au détriment des perdants. Ainsi, les neuf premières sociétés du S&P 500, qui sont des entreprises de la technologie, représentent désormais 38 % de la capitalisation boursière totale.

La bonne performance des banques, de Walmart, de Berkshire Hathaway ainsi que celle d’Eli Lilly et de Johnson & Johnson dans la santé a évidemment dopé la performance de la bourse américaine. En Europe, ce sont les gagnants de cette économie en K qui attirent les convoitises. Elles bénéficient d’une « K-prime ». Tandis que les perdants sont délaissés et affichent une valorisation à la « Kasse », avec une forte décote. C’est le même son de cloche en Europe, où ce sont les titres ASML, BNP, Société Générale et Siemens, entre autres, qui ont tiré les portefeuilles.

Cet attrait pour les champions de ce nouveau monde très disparate, avec des flux positifs importants qui amplifient les mouvements, explique en partie la décorrélation entre la bourse et la perception de l’économie selon la majorité de la population. Non, la bourse n’est pas irréelle, mais simplement la vitrine des gagnants. Au fond de nous-mêmes, nous aimerions que le soleil brille davantage pour tout le monde et que la politique de Donald Trump favorise davantage d’Américains, de secteurs et d’autres pays.

14,25 milliards de dollars. Nouveau record des ventes quotidiennes aux USA, lors de la journée du Cyber Monday.

104,84 $. Nouveau record pour l’action du distributeur Walmart.

De Thanksgiving à Santa, le rallye boursier est bel et bien là !

Historiquement, décembre est un mois où les marchés aiment briller. On décompte seulement 3 mois de décembre négatifs ces dernières années, en 2015, 2018 et 2022.
Le point commun de ces exceptions ? Une politique monétaire restrictive.
Et cette année le décor est tout autre.

📈 Peut-on compter sur un rallye de fin d’année ?
⚙️ Quels pourraient être les moteurs de cette dynamique ?
🇯🇵 Est-ce que le Japon, pourrait jouer les trouble-fêtes ?

Amandine GERARD répond à toutes ces questions sur le plateau de BFM Business, dans La Bourse Cash, présentée par Guillaume SOMMERER.


👉🏻Visionner la vidéo

Grâce de Thanksgiving pour les marchés ?

Vous connaissiez la trêve des confiseurs, mais avez-vous déjà entendu parler de la grâce de Thanksgiving ? 

Non, il ne s’agit pas de Gobble et Waddle, ni de Liberty et Bell, les dindes sauvées par les présidents Trump et Biden en 2025 et en 2023. Il s’agit d’une période favorable pour un investisseur boursier ayant acheté l’indice S&P 500 la veille de Thanksgiving.

En effet, statistiquement, ce boursicoteur avisé, ayant effectué cet achat et porté son investissement jusqu’à la fin de l’année, a gagné de l’argent 17 fois au cours des 25 dernières années. Même constat en France sur l’indice CAC 40 : la fréquence des gains est de 16 sur 25.

Quelle a été la performance réalisée et quels sont les paramètres qui laissent penser que ce miracle boursier aura bien lieu cette année ?

Contrairement à la pensée collective, la trêve des confiseurs n’est pas une période particulièrement favorable pour les actions américaines. Ainsi, sur 25 ans, la performance de l’indice S&P 500 n’est positive qu’une fois sur deux au cours de la dernière semaine de l’année. Pire encore, cet indicateur a régressé 7 fois au cours des 10 dernières années si l’on prend comme début de période la mi-décembre ou le 20 décembre, avec comme échéance la fin de l’année. Vous l’aurez compris, cet adage ne fonctionne pas outre-Atlantique. Ce n’est pas vraiment mieux en France. Avec 11 chances sur 25 depuis 2000 et une chance sur deux de gagner de l’argent au cours de la dernière semaine ou de la dernière quinzaine.

Les trois dernières années où la performance de l’indice S&P 500 après Thanksgiving a été négative ont été 2015, 2018 et 2022. Or, ce sont des millésimes où la Fed était en phase de durcissement monétaire.

Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. En effet, la Réserve fédérale devrait encore baisser ses taux directeurs le 10 décembre ou le 28 janvier prochain. Même s’il y a un débat autour de l’ampleur du mouvement à venir avec l’inflation actuelle, la tendance est à un assouplissement monétaire au cours des prochains mois. Sous la pression de Donald Trump.

Le nom de Kevin Hassett, l’actuel directeur du Conseil économique national et proche du président, circule de plus en plus comme étant le grand favori. C’est une certitude : la Fed sera plus encline à réduire le loyer de l’argent. L’attitude de la Maison-Blanche n’est pas un hasard. Il faut absolument réduire les taux d’intérêt à court terme, afin de permettre au Trésor américain d’emprunter massivement sur cette partie de la courbe, car moins chère. De plus en plus de stratégistes croient même possible un plan massif d’achats de bons du Trésor (donc d’une maturité de moins de 12 mois) réalisé par la Fed dès 2026. Le but ultime étant de réduire la charge financière fédérale dans un environnement de déficit et d’endettement élevé.

Ce n’est évidemment pas parce que la dinde de Thanksgiving est meilleure que celle de Noël. Surtout aux États-Unis. Certains pourront croire que cette fête du remerciement et de la grâce déteint sur les investisseurs. Et donc sur les marchés avec une période de clémence. L’année 2008 en serait la preuve, puisque, en pleine crise financière, après la faillite de la banque Lehman Brothers et de l’assureur AIG, l’après-Thanksgiving s’est miraculeusement traduit par une performance positive de 1,75 %. Après une perte de plus de 38 % auparavant.

Nous pensons que l’explication est plutôt comptable. Ainsi, les hedge funds clôturent leurs comptes à fin novembre et, au cours du dernier mois de l’année, la spéculation à la baisse est bien moindre. Ce phénomène, avec certes l’espoir d’une année suivante meilleure, entraîne probablement des achats à bon compte, avant d’affronter la dure loi de la réalité des chiffres. L’autre explication repose sur des « rebalancements », ou rééquilibrages, favorables aux actions  dans les portefeuilles de fonds diversifiées à cette période de l’année.

La plus importante partie de la traditionnelle hausse a eu lieu en réalité entre Thanksgiving et la mi-décembre. Dans un contexte où les bénéfices par action ont été sensiblement révisés à la hausse ces dernières semaines. Après la publication des résultats du 3èmetrimestre, nous serions d’avis de rester investis avant la prochaine réunion de la Fed du 10 décembre. On peut prendre des profits dans le cas où le mouvement de hausse se matérialiserait auparavant. Afin de sécuriser les performances de l’année en cours. Toutefois, ce sont des arbitrages à court terme. Sur le moyen terme, nous sommes toujours dans un environnement favorable aux actions, avec des taux d’intérêt réels faibles et une croissance des profits.

52 livres, soit 23 kilos. Le poids de Gobble, la première dinde de Thanksgiving  sauvée par Donald Trump en 2025.

17 fois sur 25. La fréquence où l’indice S&P 500 a terminé positivement l’année depuis la veille de Thanksgiving. 

Le diable ne s’habille pas en Nvidia

C’était encore une fois la publication la plus attendue de la saison des résultats. Un évènement devenu aussi important pour les marchés qu’une réunion d’une banque centrale. Surtout dans un contexte de craintes d’une bulle parmi les acteurs de l’intelligence artificielle.

Que les investisseurs se rassurent : la firme de Santa Clara, en Californie, a une nouvelle fois annoncé des résultats solides. Ils sont en effet supérieurs aux attentes, avec des perspectives revues à la hausse. Pourtant le soulagement n’aura duré que quelques heures, avec un titre en hausse à l’ouverture de la bourse de New-York et une clôture en baisse de 3,15%. 

Est-ce la fin de l’histoire d’amour avec Nvidia ?

Rappelons les chiffres déjà largement commentés. Hausse respective sur un an de plus de 62% et de 66% des revenus et du bénéfice par action en norme comptable US GAAP, avec une croissance record des revenus de plus de 10 milliards de dollars sur un trimestre.

C’est donc quasi une certitude, avec les prévisions annoncées par la société pour le 4ème trimestre (des revenus de 65 milliards de dollars, avec une marge d’erreur de 2%), le chiffre d’affaires annuel de l’exercice en cours sera supérieur à 200 milliards de dollars. Convaincus par la publication, les analystes ont révisé à la hausse leurs estimations de bénéfices et de revenus pour les cinq prochaines années. Les inquiétudes sur l’avenir de la société auraient donc dû disparaître.

Nous assistons à un phénomène jamais égalé auparavant. En trois ans, les ventes de Nvidia devraient passer de 26 milliards à plus de 200 milliards de dollars. Aucunes des 26 autres sociétés cotées dans le monde, réalisant au moins ce niveau d’activité, n’a connu un boom aussi rapide.

Ainsi, il aura fallu 8 années pour Apple (de 2007 à 2015), 9 pour Meta Platforms (de 2016 à 2025), 12 chez Alphabet (de 2009 à 2021) et 21 chez Microsoft (de 2001 à 2022) pour connaître une telle progression.

Encore plus impressionnant, Nivida passera de 100 milliards à 200 milliards de chiffres d’affaires annualisé en cinq trimestres. C’est du jamais vu.

Nous vivons donc un phénomène de croissance historique, grâce à la révolution de l’intelligence artificielle qui se propage aussi vite que l’éclair. Nous oublions un point crucial mis en avant par son fondateur, Jensen Huang, pendant la conférence de presse, qu’est l’exécution logistique nécessaire pour afficher une telle performance.  

Pour satisfaire une telle demande, il faut des prouesses au quotidien pour assurer une telle offre dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Il est évident que les origines taiwanaises du président de la société ont facilité les liens avec le principal fournisseur mondial de puces qu’est TSMC. Et ce, même si une toute nouvelle usine en Arizona a été récemment ouverte.  

La directrice financière Colette Kress a affirmé que l’entreprise avait de la visibilité pour des commandes à hauteur de 500 milliards de dollars en 2025 et en 2026. Rien que pour les produits phares que sont Blackwell et Rubin. Étant donné que ce n’est pas la seule activité du groupe, ce chiffre prévisionnel, sans aucune activité prévue en Chine, rend le consensus des ventes anticipées pour l’année prochaine (307 milliards de dollars) très conservateur. 

Nvidia devrait donc nous surprendre encore positivement ces cinq prochains trimestres. Ce qui rend le cas d’investissement sur ce titre très lisible.

La question a été posée sur le financement des clients du groupe. Cela fait référence aux besoins d’investissements et d’endettements gigantesques déjà mentionnés dans notre lettre précédente. Sans vraiment répondre précisément sur ce sujet, Jensen Huang a mentionné que les acheteurs de puces Nvidia avaient actuellement un excédent de flux de trésorerie opérationnel. Le problème peut éventuellement se poser en 2027 et en 2028.

Nous sommes convaincus que ces besoins seront satisfaits soit par l’endettement, sans remettre la solvabilité des acteurs concernés, ou par une augmentation des tarifs facturés aux utilisateurs. N’oublions pas que les entreprises de la technologie américaine sont tout sauf philanthropiques. Et qu’historiquement, une utilisation initialement gratuite s’est transformée en modèle payant pour assurer une forte rentabilité, au cas où la facture de l’intelligence artificielle déraperait.   

Le problème n’est donc pas Nvidia. Mais les investisseurs trop enthousiastes, qui ont poussé le titre trop vite au cap des 5 000 milliards de valorisations. Actuellement le titre se paye 39 fois les estimations du résultat de l’exercice en cours et plus de 24 fois l’année suivante.

Sachant que la directrice financière est confiante dans l’exécution opérationnelle pour 2025 et 2026, le consensus est largement atteignable pour l’année prochaine avec une croissance de 48% des revenus et de 55% du bénéfice par action.

Ce qui apparaît cher aujourd’hui le sera beaucoup moins à l’avenir. Patience donc ! Il en est de même avec le positionnement excessif sur la valeur et le faible niveau actuel des liquidités dans les portefeuilles des gérants. Cet excès devrait se corriger dans le temps et l’histoire démontrera, selon nous, que Nvidia est l’acteur à privilégier dans les portefeuilles parmi les acteurs de l’intelligence artificielle. Les analystes de BofA Securities anticipent désormais un bénéfice par action de 30 dollars en 2030 et n’exclue pas un chiffre de 40 dollars en cas de scénario le plus favorable, soit entre 4,5 et 6 fois la valorisation actuelle.

Même en haut de cycle, ces multiples sont encore très raisonnables. N’oublions pas que contrairement aux autres qui dépensent sans compter pour ne pas être distancés dans cette course technologique, Nvidia investit actuellement à peine 9% et 3% de son chiffre d’affaires en dépenses de R&D et en équipements, c’est-à-dire une goutte d’eau. Ce modèle  vertueux pourrait dégager  jusqu’à 1 000 milliards de dollars d’excédents de trésorerie opérationnelle. Une somme astronomique susceptible de satisfaire les actionnaires, même les plus exigeants. 

57 milliards de dollars. Les revenus de Nvidia au 3ème trimestre.

500 milliards de dollars. Les commandes pour 2025 et 2026 en puces Blackwell et Rubin.

Old is beautiful

La perspective d’une fin du shutdown aux États-Unis a dopé cette semaine les marchés actions. Les indices CAC 40 et Dow Jones ont enregistré leur plus haut historique en séance, respectivement à 8 314,23 points le 13/11 et 48 431,57 points le 12/11.

Pourtant, tous les secteurs ne sont pas à la fête, puisque l’euphorie n’aura duré que 24 heures pour les valeurs technologiques. Ainsi, des ventes massives ont porté sur les stars incontournables de la cote, au profit des titres dits de la vieille économie. S’agit-il encore une fois d’un feu de paille ? Ou sommes-nous à l’aube d’une importante rotation sectorielle durable au détriment des « Sept Magnifiques » ?

C’est la une qui hante actuellement tous les esprits depuis début novembre. Michael Burry, ce financier célèbre pour avoir prédit dans le passé la crise dite des subprimes, a encore frappé. Ainsi, un document règlementaire du 5 novembre, déposé auprès de la SEC, a révélé des positions importantes (à hauteur de 1,1 milliard de dollars) sur des options de vente sur Nvidia et Palantir. Et ce, via sa structure Scion Asset Management.

Cette nouvelle a eu tellement d’écho que cet investisseur à contre-courant a décidé cette semaine de désenregistrer son fonds spéculatif de la SEC, afin de conserver plus d’anonymat.

Cette mauvaise nouvelle de la semaine dernière avait été digérée par le marché. Malheureusement, le sujet d’un endettement excessif des acteurs du secteur a pris le relais pour alimenter cette crise d’angoisse. Plusieurs notes d’analystes ont donc sonné l’alerte.

Selon Morgan Stanley, 2 900 milliards de dollars seront nécessaires pour couvrir les besoins en investissements en intelligence artificielle d’ici 2028. Les flux de trésorerie opérationnels générés (cash-flows) au cours de cette période par les hyperscalers (entreprises qui exploitent des infrastructures informatiques à très grande échelle, dont Meta, Alphabet, Microsoft, Oracle et Amazon) sont estimés à 1 400 milliards de dollars.

Par conséquent, il faudra emprunter aux banques ou sur le marché du crédit obligataire la différence. Elle est estimée à 1 500 milliards de dollars, surtout en 2027 et en 2028. Ce processus est en cours, puisque plus de 120 milliards ont déjà été empruntés ces derniers mois. Bien qu’anxiogènes, notons que les besoins d’investissement seront actuellement couverts par les profits jusqu’en 2026. De ce fait, ces entreprises ne risquent actuellement en aucun cas la faillite. D’ailleurs, leurs spreads de crédit (écart de taux avec la dette souveraine américaine) restent contenus à 78 points de base (0,78 %).

La baisse de 25 points de base (0,25 %) des taux directeurs lors de la prochaine réunion était auparavant acquise. Dorénavant, la probabilité anticipée par les futures Fed Funds est descendue à 50 %. La prochaine réduction du loyer de l’argent est quasi acquise seulement d’ici le 28 janvier (à hauteur de 93 %) et certaine d’ici le 18 mars (140 %). Ces moindres anticipations de baisse des rendements américains font mécaniquement réagir négativement les valeurs de croissance. Dont les « Sept Magnifiques », ayant les multiples de valorisation parmi les plus élevés du marché.

Le record de l’indice Dow Jones de cette semaine a été possible grâce à la performance des titres Goldman Sachs, McDonald’s Corp, 3M, Honeywell International, ainsi que UnitedHealth Group, Merck & Co et Amgen dans la santé. Celui de l’indice CAC est lié au fort rebond des titres Hermès International, LVMH, TotalEnergies, Sanofi, BNP, Société Générale et Stellantis, qui se sont tous octroyés de 5,6 à 6,3 % depuis vendredi. Les titres technologiques des deux côtés de l’Atlantique sont à la traîne.

Le géant de l’intelligence artificielle va annoncer ses résultats du 3ème trimestre (arrêtés à fin octobre) ce mercredi 19 novembre. Le consensus attend une croissance des revenus et du bénéfice par action sur un an glissant. Respectivement de 57 % et 54 %. Il faudra une belle publication pour redonner des couleurs à tout le secteur, surtout avec des perspectives rassurantes. C’est le facteur primordial qui peut, à court terme, stopper la forte réallocation actuellement en cours vers les autres secteurs au détriment des acteurs de l’intelligence artificielle. Toutefois, nous restons positifs sur ce segment de la cote. En effet, les profits devraient continuer à croître ces prochaines années. Tout retrait excessif est une opportunité pour se renforcer, sans toutefois oublier la notion essentielle de diversification des actifs dans un portefeuille.

8 314,23 points. Le nouveau record historique en séance du CAC40.

48 431,57 points. Le nouveau record historique en séance du Dow Jones.

2 900 milliards de dollars. Les dépenses d’investissement dans l’IA d’ici 2028, selon Morgan Stanley.

Des marchés à bout de souffle

Saluons l’exploit des deux alpinistes français, Benjamin Védrines et Nicolas Jean. Ils ont réalisé le 14 octobre dernier la première ascension sans oxygène et sans corde fixe du Janu Est dans l’Himalaya.

C’était l’un des derniers grands sommets vierges de la planète, culminant à 7 468 mètres, que beaucoup pensaient imprenable. Bonnet bas !

Par analogie, les indices actions mondiaux ont également atteint cette année des pics qui semblaient infranchissables. Ainsi, le NASDAQ 100 a pulvérisé plusieurs fois son précédent record de 22 133 points du 16 décembre 2024. Il a atteint la cime des 24 000 points le 13 août et celle des 26 000 points le 28 octobre. Après un point culminant à 26 182 le lendemain, l’oxygène se fait rare et les investisseurs ont le tournis, éprouvant le besoin de souffler et de reprendre de l’énergie. Après une première consolidation de 1 000 points en six séances, à quelle altitude se trouve le prochain camp de base pour un repli ordonné des marchés sans provoquer une avalanche ?

Restons objectifs. À l’exception de la technologie américaine et de quelques secteurs en Europe, la croissance des résultats des entreprises est faible. Voire nulle. Ce qui signifie que la progression des indices actions européens s’est faite grâce à une extension des multiples de valorisation. Ainsi, le PER de l’indice STOXX Europe 600 était de 14,34 l’année dernière au 6 novembre 2024 contre 16 aujourd’hui. Ce phénomène d’appréciation a été rendu possible grâce à la poursuite de l’assouplissement monétaire des banques centrales, améliorant les conditions financières des entreprises. Et à la résilience de l’économie mondiale, malgré les incertitudes liées à la guerre commerciale américaine. Ce processus ne peut pas continuer ad vitam aeternam sans amélioration des fondamentaux, c’est-à-dire sans réelle progression des profits des sociétés.

Nous assistons une fois encore à une forte dichotomie des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, 84 % des sociétés membres de l’indice S&P 500 ont battu le consensus des analystes sur le BPA (bénéfice par action) du 3ème trimestre. Contre 56 % pour celles de l’indice STOXX Europe 600. Cependant, les deux zones connaissent une révision haussière depuis plusieurs semaines et la croissance annuelle des BPA pour ce 3ème trimestre s’établit désormais à +1 % en Europe et à +12 % aux États-Unis. Cette dynamique haussière explique et justifie le rallye d’octobre dans les indices mondiaux.

La plupart des investisseurs sont positionnés pour ne pas rater la traditionnelle hausse des marchés actions du dernier trimestre. Ce qui explique la pondération élevée des actions dans les portefeuilles, aussi bien chez les particuliers que chez les institutionnels. Le dynamisme économique et des profits étant plus fort outre-Atlantique, la tendance était à la surpondération des actions américaines. Au détriment de leurs consœurs européennes, avec des attentes beaucoup plus élevées. À quelques exceptions près chez les « Sept Magnifiques ». Les réactions des cours de bourse aux publications des résultats ont été généralement plus modérées sur les titres américains qu’européens. C’est assez symptomatique d’un marché ayant besoin d’oxygène et donc de souffler en effectuant une consolidation ordonnée.

Précédemment, les investisseurs anticipaient trois baisses de 0,25 % des taux directeurs de la Banque centrale américaine entre septembre et décembre. Lors de sa conférence de presse du 29 octobre, Jerome Powell a clairement indiqué que celle de décembre était tout sauf acquise. Ce doute sur la poursuite du cycle d’assouplissement monétaire de l’institution met un sérieux coup de frein à l’expansion des multiples précédemment décrits.

Par ailleurs, le shutdown prolongé pèsera sur la croissance du 4ème trimestre. Faute de budget voté par le Congrès, nous sommes au 38ème jour de cette période si particulière. Période, où le gouvernement fonctionne uniquement avec ses fonctionnaires jugés essentiels. Dès ce week-end, le nombre de vols sur les lignes intérieures devra être réduit de 10 %, faute de contrôleurs aériens. Cette mise au chômage prolongée de plus de 700 000 fonctionnaires devrait réduire la croissance de 0,6 % à 1 % au 4ème trimestre, si cette situation s’arrêtait la semaine prochaine. 

Les seules données annoncées aux États-Unis sont celles compilées par des organismes privés. Le nombre record depuis 2003 de 153 074 licenciements pour un mois d’octobre laisse encore plus planer le doute sur la pérennité de la croissance américaine. Or une expansion économique est nécessaire, même en période de baisses des taux, pour la poursuite du rallye boursier. La consolidation actuelle devrait se prolonger aussi longtemps que le shutdown. Sa fin en novembre laisse espérer un net rebond d’ici la mi-décembre. 

153 074. Le nombre de licenciements annoncés en octobre aux USA selon l’indicateur Challenger, un record depuis 2003 pour un mois d’octobre.

158 000 ampères. La puissance de l’éclair « superbolt » ayant frappé Toulouse le 6 novembre

L’obésité fait grossir les profits d’Eli Lilly

À l’heure où tous les projecteurs sont braqués sur l’intelligence artificielle, où la capitalisation de Nvidia a dépassé les 5 000 milliards de dollars, intéressons-nous à d’autres sociétés de la cote. Et dont la croissance actuelle est supérieure à celle des superstars américaines.

Le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont époustouflants. Les revenus ont crû de 54 % sur un an, à 17,6 milliards de dollars. Le résultat opérationnel (en normes comptables US GAAP) est passé de 1,5 à 7,36 milliards de dollars.

Si l’on exclut les charges exceptionnelles pour acquisitions au cours des deux exercices, la progression de ce dernier ressort à 121 % ! C’est d’autant plus remarquable que les médicaments vedettes de la firme d’Indianapolis (les fameuses molécules dites GLP-1 contre le diabète et l’obésité) font l’objet de pressions énormes de la part des politiques. Et, plus particulièrement de l’administration américaine. 

Quelle est la recette de ce succès dans un environnement de baisse des prix ?

C’est un fait : le marché du diabète et celui de l’obésité sont malheureusement voués à croître fortement. Notamment du fait d’une augmentation importante de la prévalence. Ainsi, selon la Fédération internationale du diabète, 11 % de la population mondiale adulte (de 20 à 79 ans) était diabétique en 2024. Ce qui représente 589 millions d’individus.

Ce chiffre passera à 853 millions en 2040. Essentiellement en raison du vieillissement, de l’urbanisation et du manque d’activité physique. En ce qui concerne l’obésité, les données sont encore plus alarmantes. En effet, plus d’un milliard d’êtres humains devraient être concernés par cette pathologie dans un avenir encore plus proche (2030).

La Fédération mondiale contre l’obésité ne peut que constater son impuissance face à ce phénomène inéluctable. Et ce, en dépit de tous les efforts entrepris pour inverser cette tendance.

C’est une réalité pour Eli Lilly : les volumes de tous ses médicaments vendus dans le monde sont en forte progression (+ 62 %). La tendance est générale : +60 % aux États-Unis, +98 % en Europe, +24 % au Japon et +21 % en Chine. Cela contraint le groupe pharmaceutique à investir cette année 5,3 milliards de dollars dans ses capacités de production, afin de répondre à cette incroyable demande.

Prenons-en bien conscience. Les Européens devront payer plus cher les médicaments innovants ces prochaines années. Ce qui pèsera sur nos systèmes de santé.

Donald Trump a signé le 12 mai dernier un décret (executive order) intitulé « Offrir un prix des médicaments sur ordonnance aux patients américains sur la base de la nation la plus favorisée ».

Le but étant d’aligner le prix des traitements à celui le plus faible pratiqué dans les pays de l’OCDE. Cette contrainte avait initialement fortement inquiété les investisseurs, qui redoutaient – à tort, car illégal – une baisse des prix généralisée.

L’accord individuel du 30 septembre signé entre la Maison Blanche et Pfizer a démontré que cette nouvelle politique concernerait uniquement les nouveaux médicaments et non les anciens. Le point crucial est que Pfizer garde la main et est donc libre de fixer lui-même le tarif unique facturé aux patients du monde entier. Le but étant d’assurer une profitabilité suffisante pour rémunérer l’innovation. Cette uniformisation se traduit forcément par un rabais en Amérique du Nord (prix le plus élevé) et une remontée ailleurs (prix les plus faibles). 

Bien qu’Eli Lilly n’ait pas encore signé un tel accord, le laboratoire commence à s’aligner sur cette politique. En effet, sur un an, la baisse sur l’ensemble de ses produits a été de   15 % aux États-Unis. Contre une augmentation de 6 % en Europe.

Dans ce duopole partagé actuellement avec Novo Nordisk, l’avantage est clairement à l’Américain. En effet, sa part de marché sur le segment de l’incrétine (hormone présente dans l’estomac dont sont issues les molécules GLP-1 en version analogique) ne cesse de grimper. Elle affiche désormais 57,9 % contre 41,7 % pour le Danois.

De nombreux entrants vont arriver et donc la compétition sera plus rude. Cependant, le gâteau sera beaucoup plus gros ces prochaines années. Et les nouveaux acteurs visent plutôt des segments de niche, pour des patients non satisfaits par les traitements de référence actuels. Notons qu’Eli Lilly reste bien positionné dans la course avec son portefeuille de produits en phase de recherche.

Son traitement oral contre l’obésité (Orforglipron) reste bien positionné. En effet, il est économiquement facile à fabriquer et sans contrainte de régime alimentaire. Tous ces éléments renforcent nos convictions sur l’avenir de ce laboratoire américain.

54 %. La croissance des revenus d’Eli Lilly au 3ème trimestre.

7,36 milliards de dollars. Le résultat net d’Eli Lilly au 3ème trimestre contre 1,5 en 2024.

5 031  milliards de dollars. La capitalisation boursière de Nvidia le 29 octobre. 

L’or : une valeur refuge devenue hautement spéculative

Les données recensées par le Conseil Mondial de l’Or (World Gold Council) sont sans ambiguïté. Les flux vers les ETF investis en or physique (26 milliards de dollars au troisième trimestre) ont battu leur record historique.

Depuis le début de l’année, ce sont 64 milliards de dollars qui se sont déversés dans ces supports financiers, dont les actifs dépassent les 472 milliards de dollars et détiennent maintenant plus de 3 837 tonnes de ce métal précieux. Cette véritable ruée vers l’or des investisseurs financiers entraîne le cours de l’once au zénith. Mais pose aussi la question de sa déconnexion avec la réalité.

Ainsi, les échanges moyens quotidiens sur le mois de septembre ont atteint également un record à 388 milliards de dollars. Tirés par la hausse enregistrée sur les marchés de gré à gré, mais surtout par celle sur les marchés à terme (+58 % sur le COMEX de New York et 84 % sur le Shanghai Future Exchange). 

Ces montants échangés représentent dorénavant plus de 200 fois la production quotidienne extraite des mines. Ce multiple démontre que le sort du cours de l’or est plus que jamais dans les mains des spéculateurs. Cette frénésie ou hérésie peut-elle encore durer ?

La volatilité est une mesure du niveau de risque associé à la détention d’un actif, qu’il soit financier ou non. Plus celle-ci est élevée, plus les fluctuations des cours sont importantes.

Elle peut être historique (recensée sur une période donnée) ou implicite (anticipée sur une période à venir). À cause de cette spéculation, nous vivons une période atypique où la volatilité de l’or, valeur refuge par excellence, est devenue plus élevée que celle d’autres actifs dits risqués, tels que les actions.

Cela sous-entendrait que détenir de l’or dans son portefeuille est désormais plus risqué que détenir un portefeuille boursier sectoriellement diversifié. Les chiffres de la volatilité historique de l’or au 22 octobre le prouvent : à 30 jours 26,13 %, 90 jours 18,37 %, 180 jours 19,59 % et 360 jours 17,33 %. Contre respectivement 12,91 %, 13,31 %, 17,47 % et 16,08 % pour l’indice CAC 40.

Seuls des indices comme le NASDAQ 100, connu pour ses fortes variations, ont une volatilité supérieure à partir de 180 jours et 360 jours (25,67 % et 22,81 %). Sur 90 jours, la volatilité de l’or (18,37 %) se classe entre celle du NASDAQ 100 (13,28 %) et celle du Bitcoin (27,81 %).

Les investisseurs sont donc prévenus : le risque de baisse de l’once d’or, comme celle de plus de 5 % le 21 octobre, après avoir battu son record historique la veille en séance à 4 381 dollars, est bien réel.

D’ailleurs, la volatilité implicite (anticipée) sur les options à la monnaie sur l’or à échéance février 2026 reste bien supérieure à celle du NASDAQ 100 (22,3 % contre 19,6 %). Les opérateurs de marché anticipent donc que ce phénomène de forte fluctuation va se prolonger en 2026.

Toujours selon les données recensées par le Conseil Mondial de l’Or, la production minière a été stable. Autour de 3 661 tonnes en 2024 contre 3 644 tonnes en 2023. Celle du 2ème  trimestre 2025 (les chiffres du 3ème trimestre ne seront connus qu’en novembre) a été en progression de 1 % à 954 tonnes.

Par conséquent, l’industrie n’est pas actuellement capable de faire face à un brusque emballement de la demande. La seule barrière d’ajustement de l’offre provient du recyclage. Cependant, cette source n’est en progression que de 4 % au 2ème trimestre à 347 tonnes. Cela demeure totalement insuffisant pour répondre à la ruée actuelle vers l’or.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février et la décision de l’Union européenne de geler les avoirs russes ont constitué un revirement majeur dans l’attitude des banques centrales. Celles-ci ont alors effectué des achats records pour 1 135 tonnes en 2022 contre 450 l’année précédente. Depuis, ces acquisitions ont toujours été supérieures à 1 000 tonnes en 2023 et en 2024. Soit environ 20 % de la demande mondiale.

Aujourd’hui, la demande de la joaillerie, en baisse, représente moins de 28,5 % de la demande totale. Le reste provient de la demande pour l’industrie et l’électronique (6,5 %) et de l’investissement (plus de 45 %). C’est dans ce segment, en forte hausse de 78 %, que se trouvent les achats directs en pièces, lingots et barres en or. Ainsi que les flux vers les ETF et le gré à gré, constitué essentiellement des dérivés.

Depuis l’abandon de l’étalon-or par Richard Nixon le 15 août 1971, le cours du métal jaune est passé de 40 à 4 133 dollars l’once le 23 octobre. 

En plus d’un demi-siècle, la relique barbare a connu plusieurs cycles haussiers liés, entre autres, soit à une poussée de l’inflation, une politique monétaire accommodante de la Fed, des conflits armés ou géopolitiques, des achats de banques centrales ou à une hausse de la spéculation. Celui que nous vivons actuellement est en réalité une accumulation de plusieurs de ces facteurs. Toutes les planètes sont ainsi alignées en même temps pour une flambée de l’or. Deux conflits majeurs en Europe et au Moyen-Orient, la Fed qui baisse à nouveau ses taux directeurs, la guerre commerciale de Donald Trump et son impact inflationniste, la confiscation des avoirs russes qui entraîne un mouvement de dédollarisation, la faiblesse du dollar liée au sujet de l’indépendance de la banque centrale et au déficit fiscal fédéral, des achats importants des banques centrales et une frénésie en or physique et en actifs financiers investis en or.

Cette baisse en un jour de plus de 233 dollars l’once, soit la plus importante en valeur de l’histoire, a fait couler beaucoup d’encre. Elle proviendrait de l’annonce de la future rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping. Au fond, cette chute n’a rien d’étonnant pour un actif dont la progression ressort toujours à plus de 57 % depuis le début de l’année au 23 octobre. Sans doute sommes-nous entrés dans une phase salutaire de consolidation. Une question légitime se pose : quelle est la prime spéculative sur le cours du métal jaune aujourd’hui ?

Sans être devin, ni propriétaire de modèles quantitatifs révolutionnaires, notons que la progression des cours de l’once de 13,5 % en 2023 et de 27 % en 2024 semble mieux refléter la situation. En effet, la hausse de la demande provenait alors des banques centrales et des investisseurs en or physique. Sans emballement des acteurs financiers.

Dans ces conditions, la surprime de l’or semble être autour de 30 %. Ce chiffre nous semble constituer une perte potentielle que tout acheteur d’or physique ou d’actifs financiers investis sur l’or pourrait subir sur un horizon de plusieurs mois. Toutefois, nous sommes convaincus que si aucun des facteurs précités ne change sensiblement, la barre des 5 000 dollars l’once devrait être franchie ces prochains mois.

En revanche, il est fortement recommandé de garder en tête qu’en cas de dégonflement de la spéculation, le choc créé serait au moins identique à celui vécu lors du minikrach de la bourse japonaise le 5 août 2024. Dans ce cas, cette situation serait provoquée par un accord de paix ou de cessez-le-feu durable, d’un changement de politique monétaire et fiscale américaine, d’une récession et d’un arrêt des achats des banques centrales, voire de ventes. Il vaut mieux être prévenu et appliquer les règles de diversification. L’or, c’est bien, mais ne pas en abuser, c’est encore mieux !  

4 381 dollars l’once. Le record historique en séance de l’once d’or, le 20 octobre.

8 271 points. Le nouveau record historique en séance du CAC 40, le 21 octobre.

88 millions d’euros. La valeur estimée des bijoux volés au musée du Louvre.

 « La mode est un langage de l’instant » – Miuccia Prada

Les paradoxes sont nombreux sur les marchés financiers.

Grâce à une hausse du titre de 12,22 % ce mercredi 15 octobre, soit la plus forte depuis 16 ans, la capitalisation boursière de LVMH a bondi de plus de 32 milliards d’euros.

Cette superbe progression apparaît à première vue surprenante. En effet, celle-ci intervient après l’annonce d’une baisse de plus de 2,6 milliards de son chiffre d’affaires sur les 9 premiers mois de l’année, à 58,09 milliards d’euros. Ce bilan n’apparaît donc pas réjouissant au premier regard. Pourtant, trois analystes financiers n’ont pas tari d’éloges lors de la conférence en ligne organisée pour l’occasion par la société : « Félicitations à toute l’équipe pour une amélioration aussi visible ». « Félicitations pour la forte performance dans cet environnement difficile ». « Félicitations pour ces résultats résilients ».

Pour deux raisons essentielles. Tout d’abord parce que les données publiées étaient supérieures aux attentes. Ensuite, parce qu’en Bourse, comme dans la mode, la tendance est ce qui compte le plus. Nous allons ainsi disséquer en détail les chiffres du leader mondial du luxe qui ont autant séduit. Tout en soulignant les difficultés qui demeurent. 

À cause de la forte hausse de l’euro, aucun de nos champions européens n’échappera cette année à ce terrible effet de change négatif. Ce dernier lamine les chiffres d’affaires et, dans une moindre mesure, les résultats opérationnels. Pour LVMH, cet effet de change est négatif de 2 % sur 9 mois et de 5 % au troisième trimestre.

La parade pour y échapper, et présenter des données les plus pures possibles, consiste à afficher le taux de croissance organique. Cette pratique, utilisée par la plupart des entreprises, permet de mesurer le plus justement possible la performance opérationnelle, en séparant l’effet de change et l’effet de changement de périmètre.

LVMH est experte en la matière, puisque la communication financière est historiquement centrée sur cette donnée, aussi bien pour la totalité du groupe que pour toutes les branches d’activité. Retraité de cet impact négatif, la croissance organique est tout de même restée négative de 2 % sur 9 mois.

Pour autant, les investisseurs ont salué l’amélioration séquentielle flagrante dans les chiffres trimestriels. -2 % au premier trimestre, suivi de -3 % au deuxième trimestre et de +1 % au troisième trimestre. Cette dernière donnée, enfin positive, marque un retour de la croissance organique au niveau du groupe et a donc été largement saluée par les investisseurs. Cette inflexion de tendance apparaît clairement comme un signal d’achat. S’agit-il d’un phénomène durable ?

Notre champion mondial du luxe est divisé en cinq entités. Toutes connaissent ce phénomène d’amélioration séquentielle. La première, et la plus petite de toutes, concerne les vins et spiritueux, pourtant sinistrée au premier trimestre avec un taux de croissance organique de -9 %.

Cette branche a fait preuve d’un beau redressement, puisque celle-ci est désormais en croissance au troisième trimestre (+1 %). Pourtant, tout le monde n’est pas à la fête. En effet, l’activité Cognac a connu une décroissance organique de 12 % sur neuf mois. Et les buveurs de champagnes et de vins festoient avec +3 % de croissance organique sur cette même période.

Cette entité, qui intègre Sephora, DFS (spécialisée dans le duty free) et Le Bon Marché, affiche le meilleur taux de croissance organique au sein de la société depuis deux trimestres et croît actuellement fortement (+7 %). Sephora continue de gagner des parts de marché et DFS bénéficie d’une amélioration du trafic aéroportuaire mondial, surtout à Hong Kong et Macao. 

C’est de loin la branche la plus importante du groupe, avec 27,61 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur neuf mois. C’est là où se trouvent toutes les marques prestigieuses comme Louis Vuitton, Christian Dior, Fendi, Céline, Givenchy et Kenzo.

Ce segment n’est pas seulement la vitrine ou l’étendard de LVMH, mais a également été le fer de lance de l’entreprise, avec des taux de croissance impressionnants ces dernières années (+47 % en 2021 avec l’effet rattrapage du Covid, +20 % en 2022 et +14 % en 2023). Ces performances exceptionnelles se sont soudainement arrêtées en 2024. Principalement du fait de la décroissance de la Chine. La zone Asie hors Japon, où est intégrée aussi bien la Chine continentale que Hong Kong et Macao, a enregistré six trimestres consécutifs de baisse d’activité. Cette région a enfin connu une croissance organique de 2 % au troisième trimestre. Ce passage au-dessus de la ligne de flottaison méritait bien d’être salué par les investisseurs.

LVMH continue d’investir dans ses points de distribution et particulièrement dans ses immenses magasins dits « flagship ». Le plus bel exemple est « The Louis » à Shanghai pour Louis Vuitton.

Cet immeuble, en forme d’un immense paquebot et dont les étages supérieurs prennent la forme de bagages de la marque, a créé l’évènement cet été. Il constitue désormais un nouveau concept de la distribution d’articles de luxe. L’expérience étant jugée concluante, un immense immeuble doté d’une autre architecture verra le jour à Ginza au Japon. Dior ouvrira deux sites aux États-Unis. Tiffany et Bulgari, dans la joaillerie, ont également bénéficié de ce type de magasin exceptionnel. Le groupe va continuer à investir pour augmenter la valeur de ses marques.

Cette question a été centrale lors de la conférence téléphonique de mardi soir. Le luxe étant un secteur où les acteurs disposent d’un énorme pouvoir de fixation des prix sur leurs clients, il aurait été facile pour LVMH d’utiliser cette arme pour redresser ses comptes. La direction a répondu sur ce point en stipulant que les prix au troisième trimestre n’ont pas été très différents de ceux du deuxième trimestre. Tout en précisant que l’amélioration a été réalisée à travers une hausse des volumes et du trafic.

« Nous sommes encouragés par la poche d’amélioration que nous observons dans toutes nos activités ». « En résumé, nous sommes confiants. Tout en restant prudents à cause de l’environnement macroéconomique, qui demeure difficile et très volatil ». Cécile Cabanis, la directrice financière du groupe (CFO), a terminé sa présentation par ces deux phrases. Pour montrer sa prudence sur la situation actuelle.

Selon elle, la bataille n’est pas encore totalement gagnée. D’autant plus que la bonne performance du quatrième trimestre de l’année dernière, notamment aux États-Unis avec un effet Trump positif, constitue un comparable difficile cette année pour afficher de la croissance organique. Fort heureusement, la faiblesse des chiffres du premier semestre de 2025 renforce pour elle sa confiance dans les performances de 2026. Et dans l’avenir du groupe. Toutefois, sur la question des marges, la CFO n’a pas fait miroiter d’amélioration immédiate, car celles-ci dépendent d’une amélioration du chiffre d’affaires.

Par conséquent, le fort rebond du titre de mercredi constitue une première étape et le voyage pour retrouver ses plus hauts historiques est encore long. Il faudra pour y arriver un retour de la croissance organique de la division Mode et Maroquinerie à sa moyenne historique. Avec une homogénéité géographique, ainsi qu’une bonne dynamique dans les quatre autres divisions. Cela devrait prendre encore quelques trimestres.

+12,22 %. La hausse du titre LVMH ce mercredi 15 octobre.

13 460 milliards de dollars. Les actifs gérés par BlackRock à fin septembre.

400 milliards de dollars. La baisse de valorisation des cryptomonnaies lors du mini krach du week-end dernier.

Les dividendes au service d’une gestion de conviction

Dans ce Face à Face, Amandine GERARD, présidente de La Financière de l’Arc, échange avec Gérald Grant, CFA (Fundesys) sur la stratégie du fonds Arc Actions Rendement.

Alors que les valeurs de rendement européennes surperforment les valeurs de croissance sur 3 ans, Amandine revient sur les critères d’identification et de sélection des titres qui composent le portefeuille.

🎥 Une interview signée Zoom Invest, à découvrir 👉 ici