Quand la fée électricité devient sorcière

C’est une énergie déjà observée par les Grecs dans l’Antiquité et dont les travaux de nombreux savants depuis le 17ème siècle ont abouti à des inventions majeures. Parmi elles, la pile de Volta en 1799, le moteur électrique rotatif en 1822 ou encore le téléphone en 1876. Et surtout la lampe incandescente de Thomas Edison en 1879.

L’électricité a été baptisée ainsi « electra » par l’Anglais William Gilbert en 1600 en référence au Grec Thalès de Milet. Il avait observé que l’ambre jaune ou « elektron » pouvait être porteuse d’une charge magnétique.

La révolution industrielle et technologique se prolonge encore aujourd’hui et améliore tellement notre quotidien et notre productivité qu’elle est devenue tout simplement indispensable. L’Homo sapiens ibérique vient de se le rappeler à ses dépens en ce lundi 28 avril 2025. Vers 12h30 une coupure géante de tout le réseau électrique paralysa toute la péninsule, soit l’Espagne et le Portugal.

Au-delà de la pagaille et du quasi-chaos vécu par la population pendant moins de 24 heures, il est peut-être temps de prendre de la hauteur et du recul pour évaluer si la stratégie du tout électrique dans un dessein noble de décarbonisation est une illusion ou un danger. Avons-nous été trop loin et peut-on vivre sans ?

Le monde s’est ainsi brusquement arrêté de tourner normalement et le temps semble s’être figé. Toutes les horloges publiques ont marqué 12h30 pendant des heures.

Plus de courant, donc plus d’internet. Ceci signifie que tous les appareils branchés sur un réseau d’alimentation et par conséquent tous les systèmes deviennent hors service. Tous les moyens de transport en commun sont devenus inutilisables : les trains, les métros et les tramways se sont immobilisés.

Même ceux fonctionnant avec une énergie fossile ne peuvent circuler normalement car bloqués au sol.

Les avions ne peuvent ni décoller, ni atterrir et les voitures ainsi que les bus évoluent sans signalisation et dans les bouchons en zone urbaine. Les ascenseurs sont bloqués avec les utilisateurs à l’intérieur.

Vous vous imaginez que l’autoroute soit la seule voie dégagée ? Que vous pourrez rouler des milliers de kilomètres, contrairement à un véhicule électrique ? C’est possible, à condition que vous puissiez franchir les barrières de péage qui ne peuvent plus se lever. Votre bonne vieille voiture thermique fonctionne toujours ? Ne soyez pas sur la réserve, car vous ne pourrez pas faire le plein d’essence étant donné que les pompes à essence sont elles aussi hors service.

Impossible de faire ses courses même si vous avez des espèces. En effet, vous ne pouvez plus payer par carte ni par téléphone et toutes les caisses ne sont plus enregistreuses. C’est l’angoisse absolue pour tous les caissiers qui doivent donc revenir au papier et au crayon. Tout à coup il va falloir compter et refaire ses additions et ses soustractions.

Ne portez pas le vice à demander une addition séparée au restaurant, car votre serveur devra revivre le supplice des divisions euclidiennes. L’instinct généralisé de survie entraîne une ruée vers le papier toilette, l’eau et surtout les piles et les batteries pour pouvoir ainsi prolonger la vie des appareils toujours utilisables.

Leurs groupes électrogènes ou autres générateurs sont conçus pour s’activer et prendre le relais dans les dix secondes. Tout va bien, ceux-ci fonctionnent le plus généralement au diesel, mais là aussi leur autonomie est comptée, certainement en jours. Plusieurs entreprises privées ont élaboré des plans de continuité qui se sont révélés efficaces.

Ainsi, la bourse de Madrid n’est pas revenue au temps de la corbeille et de la criée. Les agents de change ne se sont pas échangés les titres avec des signes en notant les opérations dans un petit carnet. Chapeau bas, car le système de cotations n’a jamais été interrompu et les moindres clients toujours connectés ont pu négocier un volume d’échanges réduit de 1,4 milliard d’euros ce jour-là contre plus de 2 milliards d’euros en moyenne.

Le constat est sans appel. Pas plus de quelques jours. Et ce, à condition que le gouvernement organise ou prenne en main la distribution des énergies fossiles afin que le transport des biens essentiels soit assuré. Sinon, il va falloir revenir au temps du cheval et de la calèche.

Fort heureusement, ce calvaire a duré moins de 24 heures. La perte pour l’économie pour moins d’une journée de travail sur plus de 250 ouvrées est donc minime et récupérable : moins de 0,3 % du PIB. En attendant, les foyers ont passé une nuit à la chandelle en mangeant froid, sauf s’ils ont pu cuisiner au gaz leur nourriture, avant que celle-ci soit avariée.

L’origine de cette panne est encore indéterminée. Les 15 gigawatts perdus en demande d’électricité, selon les données en temps réels observées sur le site internet de l’opérateur espagnols REE font l’objet d’une enquête nationale et européenne. 

-0,3%.
La baisse du PIB américain au 1er trimestre.

15 gigawatts.
La baisse soudaine de la demande électrique sur le réseau le 28 avril selon les données de REE.

70,07 milliards de dollars. 
Les revenus du dernier trimestre de Microsoft. 

Le moonwalk de Donald Trump

C’est une figure de danse popularisée par Michael Jackson. Son origine remonte au temps du célèbre mime Marceau, qui l’aurait lui-même apprise de son professeur Étienne Decroux.

Ce mouvement de danse, très « stylé », de pas glissés vers l’arrière au ralenti, tout en donnant l’impression de marcher, illustre bien la posture actuelle du président américain vis-à-vis des droits de douane et des pressions sur la Fed.

Dans un premier temps, il sème la tempête sur les marchés avec des tweets et des décrets. Dans un deuxième temps, il décide de temporiser ou de modifier son phrasé sur un média quelconque. Cette annonce rectificative peut également provenir des autres membres de son administration. Notamment par la voix ou les écrits du secrétaire d’État au Trésor Scott Bessent.

Ce dernier a beaucoup agi ces deux dernières semaines pour rassurer les investisseurs et faire rebondir les marchés actions et obligataires. Son dernier slogan choc a été « l’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule ».

Tout cela fonctionne pour le moment, mais pour combien de temps ?

La panique provoquée par le tristement célèbre tableau des droits de douane réciproques, présenté à la Roseraie de la Maison-Blanche lors de la soi-disante journée de la libération du 2 avril, avait abouti, après une semaine, à de fortes baisses et des cours irrationnels.

La meilleure illustration est le titre Alphabet. Son cours a atteint un plus bas annuel à moins de 141 dollars le 7 avril. C’est 15 fois le bénéfice par action anticipé pour cette année.

Les solides résultats du 1er trimestre publiés hier, affichent une croissance sur un an de 12 % des revenus. A plus de 90 milliards de dollars et de 20 % du résultat opérationnel, supérieur à 30 milliards de dollars. Ceci démontre la solidité de l’entreprise dans cet environnement si incertain.

La progression de 28 % des revenus dans le cloud et un nouveau programme de rachat d’actions de 70 milliards de dollars ont rassuré les actionnaires. Il est important de noter que le géant californien a également maintenu son immense plan d’investissements de 70 milliards de dollars. Rassurant sur les craintes d’une baisse des dépenses dans l’intelligence artificielle, après le choc de la révélation du modèle à bas coût du chinois DeepSeek.

Certes, il est illusoire d’espérer revoir, tout prochainement, le titre Alphabet coter sur ses plus hauts historiques de 207 dollars de janvier dernier. Il existe actuellement trop d’incertitudes pour mesurer l’impact favorable ou non des divers changements qui interviendront ces prochains mois. Une nouvelle frénésie d’achats pour les valeurs américaines est donc, selon nous, exclue. Et ce, tant que la hache de guerre ne sera pas enterrée, ni le calumet de la paix fumé avec tous les dirigeants des autres nations. 

En réalité, la posture actuelle de Donald Trump ressemble plus au mouvement révélé en 1953 par l’artiste français, qui consistait à faire du surplace tout en donnant l’illusion d’avancer, qu’à celle du roi de la pop, qui, lui, reculait.

Dans les faits, le locataire de la Maison-Blanche laisse espérer la signature de nombreux accords commerciaux plus favorables aux États-Unis. Mais moins avantageux pour les autres pays que ceux en place actuellement. Au bout du compte, il temporise mais ne cède pas grand-chose. Le commerce mondial devra donc vivre sous la contrainte de tarifs douaniers plus élevés, même s’ils s’avèrent plus légers que ceux redoutés lors des annonces initiales.

Une modification des échanges et des investissements aura bien lieu. C’est tout le paradoxe : le marché monte dans l’espoir d’une phase de désescalade. Même si la croissance mondiale sera moindre ces prochains trimestres. C’est pour cette raison que dans cette période inconnue dans l’histoire moderne de la finance, nous ne céderons ni à la panique, ni à l’euphorie.

Les marchés devraient rester volatils ces prochaines semaines. Ils évolueront en fonction des nombreuses bonnes et mauvaises nouvelles diffusées quotidiennement, sans dessiner une réelle tendance haussière ou baissière. Dans cette configuration particulière, acheter des titres de qualité dans les phases de baisse et revendre dans les phases de rebond ceux du portefeuille jugés plus fébriles, nous semble être la stratégie la plus appropriée.

De surcroît, même s’il est encore trop prématuré pour tirer une conclusion de la saison des résultats, qui vient de débuter, les accidents sont peu nombreux. Et le consensus devrait être battu pour la grande majorité des entreprises de la cote. C’est un facteur de soutien face à cet environnement incertain et inédit depuis la première moitié du XXème siècle.

28 %.
La croissance des revenus dans le cloud d’Alphabet au 1er trimestre sur 1 an.

70 milliards de dollars.
Le montant du nouveau programme de rachat d’actions annoncé par Alphabet.

1,7 million de dollars.
Le montant dépensé par UnitedHealth Group en 2024 pour la sécurité de ses dirigeants.

Capitulation et rebond historique

Nous vivons une période exceptionnelle. Les indices S&P 500 et Nasdaq 100 ont connu, ce mercredi 9 avril, une progression de 9,52 % et de 12,02 %, soit respectivement leur plus forte et leur 3ème plus forte hausse depuis 2008 et 1980.

Certes, ce n’est pas la première fois que les marchés sont aussi volatils, avec des séances de forte amplitude, voire de krach. Ce qui est totalement atypique aujourd’hui est que ces forts mouvements quotidiens, à la hausse comme à la baisse, soient provoqués par la décision d’une seule personne. Qui fait la pluie et le beau temps.

L’ouragan est tout d’abord venu de la Roseraie de la Maison-Blanche, en ce jour du 2 avril 2025. Avec la décision du Président d’instaurer un droit de douane minimal et universel de 10 % pour toutes les importations sur le sol américain. Et ce, en complément d’un tarif dit de réciprocité, pouvant aller jusqu’à 46 % pour le Vietnam.

Le taux additionnel de 34 % pour la Chine (en plus des 20 % annoncés précédemment), a immédiatement provoqué une chute des bourses mondiales, avec la hantise de la récession. Ensuite, l’éclaircie est venue par la décision du 9 avril de Donald Trump de suspendre pendant 90 jours ces tarifs de réciprocité, à l’exception de ceux de la Chine. Pékin, ayant eu l’outrage de répliquer, se voit imposer, par jeu de surenchères, un taux cumulé désormais fixé à 145 %.

Que faire dans cette période d’instabilité et surtout de faible visibilité ?

 « Restez cool ! » et « c’est un super moment pour acheter ! ». L’omniprésent et très médiatique Président a décidément le sens de la formule. Ces tweets de 9h30 et de 9h37 (heure locale) ont été postés en pleine tempête boursière. À l’aube de cette journée du 9 avril, les marchés sont proches de la rupture. L’escalade entre les États-Unis et la Chine se poursuit. Après le mini krach de Hong Kong du 7 avril, une quasi panique ambiante s’est installée.

La baisse cumulée depuis le 2 avril des indices boursiers des deux côtés de l’Atlantique dépasse allègrement les 11 % ce matin-là, heure américaine. Un fait nouveau fait flancher les investisseurs : la forte remontée soudaine des taux d’intérêt. En pleine tension commerciale, le spectre que la Chine, avec Hong Kong, détenait plus de 1 017 milliards de dette américaine en janvier 2025, selon le site du Département du Trésor, fait craindre le pire. Les taux à 10 ans se sont ainsi tendus de 0,60 % en deux séances pour flirter avec le seuil des 4,50 %. Le premier emprunteur de la planète peut vaciller, car son fort taux d’endettement sur PIB constitue son talon d’Achille.

L’indice de volatilité VIX, baptisé également indicateur de la peur, se tend à plus de 57 %. Du jamais vu depuis le mini krach de Tokyo du 5 août dernier. Les carnets d’ordres des actions sont presque vides, faute d’acheteurs, et les vendeurs font massivement baisser les cours. La spéculation baissière est à son apogée aussi bien sur les titres que sur les contrats à terme des indices boursiers.

Il faut plus que de simples tweets pour sauver les États-Unis.

C’est dans ce contexte de capitulation qu’intervient soudainement à 13h18 l’annonce sur Truth Social de la suspension des nouveaux droits de douane dits « réciproques », à l’exception de ceux de la Chine. C’était la nouvelle que les opérateurs attendaient. Il s’ensuivit un fort mouvement de rachat des positions à découvert. Ce dernier provoqua le formidable rebond jusqu’à la fin de séance. Le choix du calendrier de cette décision est tout sauf un hasard. Et celle-ci s’est avérée très efficace ! Des accusations de manipulation de cours surgissent contre le Président.

Le marché va-t-il rester volatil ces prochains jours ? Le point bas du marché du 9 avril constitue-t-il un nouveau support technique et psychologique ?

Même si la panique s’est estompée, les tensions avec la Chine perdurent et le reste du monde est en sursis jusqu’au 9 juillet. Celui-ci est, en quelque sorte, dans l’œil du cyclone (zone de faibles vents au milieu de la dépression). Cependant, l’ouragan peut se déplacer à tout moment, selon la même volonté du locataire de la Maison-Blanche. Néanmoins, le fort mouvement de rachats du 9 avril a provoqué de lourdes pertes chez les spéculateurs. Et ceci va laisser des traces. La période de pause actuelle, avec la perspective de voir des négociations aboutir avec le reste du monde (à l’exception de la Chine), laisse entrevoir la possibilité d’éviter cette tant redoutée récession. Par conséquent, selon nous, le plus bas des indices et des cours de mercredi dernier constitue à court terme un seuil qui sera difficile à franchir.

De surcroît, nous rentrons en période de publication des résultats. Les banques américaines ouvrent le bal dès aujourd’hui. En période de pause, même contrainte et forcée, décidée par Donald Trump, les projecteurs vont désormais se  braquer sur les directions des entreprises. Leurs commentaires sur les perspectives pour le reste de l’année, dans un environnement international si compliqué, vont être scrutés par les investisseurs.

Comment piloter une société avec aussi peu de visibilité ? C’est la question que tout le monde se pose. La volatilité devrait se déplacer aux titres individuels, plutôt qu’aux indices boursiers en général.

12,2%.
La plus forte hausse quotidienne de l’indice Nasdaq 100 depuis octobre 2008, en ce mercredi 9 avril.

145%.
Le taux des droits de douane instauré par les USA aux importations chinoises.

1017 milliards de dollars.
Le montant de bons et obligations du Trésor américain détenu par la Chine et Hong-Kong.

Le jour de la démondialisation

C’était l’événement le plus redouté de l’année. Celui-ci a été finalement le plus redoutable depuis mars 2020 pour les marchés actions.

Les investisseurs tremblaient avant le fameux « jour de la libération », tant voulu par Donald Trump en ce 2 avril 2025 avec l’annonce de nouveaux droits de douane. Ils ont été plus que sonnés par la longue liste des nations concernées. Ainsi que par les nouveaux taux vertigineux appliqués sur certains pays par la nouvelle administration américaine, dès le 5 avril.

Ce choc tarifaire, inédit depuis le début du 20ème siècle, rebat actuellement les cartes du commerce mondial et laisse perplexes les économistes. Devant une nouvelle ère inconnue dans l’histoire de la finance moderne, les professionnels vendent massivement leurs actions pour réduire le risque dans leur portefeuille.

Le bilan est lourd : plus de 4 180 milliards d’euros de capitalisation boursière évaporée en cette séance tristement mémorable du 3 avril. Une perte inédite depuis la pandémie de 2020.

Quel sera l’impact réel sur la croissance et l’inflation, aussi bien pour les États-Unis que pour le reste du monde ? Sommes-nous à l’aube d’un fort mouvement de relocalisation des acteurs de production ou s’agit-il d’un bras de fer voué à ne pas durer ? Quelle sera l’importance des révisions bénéficiaires des entreprises ?

Tout d’abord, Washington a frappé fort. Les droits de douane sur toutes les importations américaines feraient un bond de 22 % tous pays confondus. Passant de 2 % à environ 24 %, soit du jamais vu depuis la loi Hawley-Smoot de 1930.

Le montant total des nouvelles taxes est estimé à plus de 700 milliards de dollars la première année. Un tel choc affole les économistes et les analystes, contraints de reprendre leurs calculettes et d’ajuster leurs modèles. Les premières conclusions tombent et tout le monde est perdant.

Le FMI s’alarme d’un risque important pour la croissance mondiale. Il est en train de réviser à la baisse ses prévisions, qui seront communiquées prochainement. Selon des rapports antérieurs et dans un scénario de riposte généralisée, une hausse globale de 20 % des tarifs sur les échanges mondiaux pourrait impacter le PIB des États-Unis de plus de 2 %. Et celui de la zone euro de plus de 1 %.

Au niveau de l’inflation, le constat est également négatif, avec un surcroît d’inflation de 0,50 % à 1 % pour les États-Unis. Les pays exportateurs subissant ces taxes seraient contraints de brader ailleurs leurs produits invendus, ce qui réduit le risque d’une forte hausse des prix.

Bien que toute entreprise américaine du même secteur subisse le même taux, les conséquences seront bien différentes pour chacune d’entre elles. Tout dépendra en réalité de son niveau de marge brute et de sa faculté à augmenter ses prix. Factuellement, il vaut mieux investir sur des sociétés à forte marge brute (de 75 à 80 %). En effet, une augmentation raisonnable des prix de vente de 4 à 5 % sera suffisante pour faire passer la totalité du surcoût au consommateur.

À l’inverse, dans l’automobile, où les marges brutes sont à peine de 20 %, le coût des intrants représente 80 % du prix de vente. De facto, une augmentation de 25 % (soit les droits de douane instaurés sur les biens en provenance du Mexique) sur les coûts de production représente un surcoût de 20 % sur la base du prix de vente (80 multiplié par 25 %). Il faudra donc augmenter le prix de vente par ce pourcentage pour maintenir les marges. Ce chiffre étant trop élevé pour le client, la conséquence immédiate devrait être un effondrement des volumes.

Les entreprises ont donc des plans de réadaptation, initialement instaurés dans la période de pénurie après la pandémie de 2020, pour faire face aux ruptures dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Vous l’aurez compris, la période de résultats s’annonce cruciale pour bien orienter les investisseurs actuellement déboussolés.

La conséquence directe à plus long terme est une relocalisation vers les États-Unis. Et plus généralement du site de production à son point de vente, pour échapper aux tarifs douaniers. Ce phénomène devrait contribuer à un fort mouvement de démondialisation. Le 2 avril 2025 serait une rupture avec le passé.

Toutes ces conséquences négatives ne tiennent pas compte des baisses d’impôts à venir du programme de Donald Trump. Celles-ci sont évaluées à plusieurs billions de dollars (milliers de milliards). Les Américains les plus riches sont censés en profiter, tandis que les plus pauvres devraient subir les conséquences d’un regain de l’inflation. Les inégalités devraient donc se creuser davantage outre-Atlantique. En attendant une volte-face sur sa politique tarifaire, qui n’est pas exclue dans le communiqué officiel de la Maison-Blanche du 2 avril, Donald Trump a perdu la confiance des marchés.

La perte de richesse depuis le 2 avril pourrait provoquer une récession. Le jeu est effectivement dangereux.

En attendant les mesures de rétorsion des différents États, il vaut mieux rester à l’écart et garder ses liquidités. A l’exception peut être des quelques entreprises à forte marge, non visées par des tarifs douaniers, dont le cours de bourse subit les affres des marchés. C’est une incohérence qui sera corrigée tôt ou tard par les investisseurs. À nous de les trouver ! 

4 180 milliards d’euros.
La perte de capitalisation boursière de l’indice MSCI ACWI (All Country World), ce 3 avril 2025.

700 milliards de dollars.
Le montant supplémentaire des droits de douane instaurés par les États-Unis.

1%.
La baisse probable du PIB mondial provoquée par une guerre commerciale.

Tesla perd sa couronne électrique

Ce sont deux entreprises bien différentes, au firmament du marché du véhicule électrique. Malgré leurs divergences des deux côtés du Pacifique, Tesla et BYD ont des histoires similaires. En effet elles ont lancé leur premier modèle 100 % électrifié quasiment au même moment (2008 et 2009).

Le constructeur américain est considéré à tort comme le pionnier dans ce domaine, même s’il a réussi à transformer un marché marginal de prototypes en succès commerciaux dotés d’innovations. Le chinois, initialement fabricant exclusif de batteries, s’est hissé en janvier sur la plus haute marche du podium. Il a vendu 125 377 véhicules tout électriques contre plus de 101 000 pour la firme texane, selon des données provisoires.

De surcroît, BYD vient d’envoyer un véritable coup de semonce qui résonne encore dans les oreilles des investisseurs, avec l’annonce d’un nouveau système de charge appelé « Super e-Platform ». Ce système permet aux voitures de récupérer plus de 400 kilomètres d’autonomie en 5 minutes. L’américain Tesla, qui était doté de la technologie la plus avancée, se voit démodé avec son temps de charge de 15 minutes pour 320 km.

Est-ce le début de la fin pour Tesla et la consécration pour BYD ?

Nous allons résumer l’histoire de ces deux épopées industrielles, pour analyser les forces et les faiblesses de ces deux sociétés. Nous essayerons de répondre à la question que tout le monde se pose actuellement : Tesla est-elle sur le déclin ?

C’est une aventure qui précède de beaucoup celles de nos deux protagonistes. Ainsi, l’invention du premier véhicule électrique remonte aux alentours de 1830, avec le premier prototype de calèche électrique conçu par l’Écossais Robert Anderson. C’est en 1881 que le Britannique Thomas Parker prétend être l’inventeur de la toute première voiture électrique.

Non, les premiers taxis électriques n’étaient pas des Tesla, mais des Electrobats. Ils circulèrent à New York en 1897, pouvant atteindre la vitesse de 20 miles à l’heure (≈ 32 km/h), et dotés d’une faible autonomie de 25 miles (≈ 40 km) par charge. Ce handicap a fait que, pendant plus d’un siècle, les nouveaux modèles qui suivirent n’ont rencontré que des échecs ou de faibles succès. C’est dans ce contexte que naissent BYD en 1995 en Chine et Tesla en 2003 en Californie. La première est à l’origine un fabricant de batteries rechargeables. BYD se lança dans l’automobile en 2003, avec le rachat de Tsinchuan Automobile Company.

En 2008, la firme de Shenzhen présente son premier modèle tout électrique, la BYD e6, doté d’une autonomie de 200 kilomètres et commercialisé en 2011. Tesla naquit en 2003, avec, dès l’origine l’ambition de créer des voitures tout électriques. C’est en 2008 que l’entreprise texane lança son roadster. Le bilan de ces deux véhicules est assez similaire : à peine quelques milliers d’exemplaires vendus.

Tout changea pour Tesla, avec une introduction en bourse en 2010 et le lancement du modèle S en 2012, d’une autonomie maximale de 426 km et un temps de charge d’une heure pour 350 km. Les ventes du constructeur sont passées de plus de 22 000 en 2013 à plus de 1,77 million en 2024, grâce à une gamme variée. Le succès du groupe repose sur ses batteries et ses modèles aux performances remarquables. 

BYD a construit des automobiles 100 % thermiques jusqu’en 2022. Et a vendu un total de 4,25 millions de véhicules en 2024 dont 2,48 millions d’hybrides et 1,76 million de tout électriques. Son chiffre d’affaires a dépassé les 107 milliards de dollars en 2024, contre 98 milliards de dollars pour Tesla. L’avantage en taille est pour le Chinois, dont 71 % des ventes sont réalisées en Chine, en croissance de plus de 40 % en 2024 et qui bénéficie de subventions importantes. 

Malgré tout, Tesla dispose encore des meilleures batteries, connues pour leur haute densité énergétique de 241 Wh/kg et de 643 Wh/l de technologie nickel, manganèse et cobalt. La société envisage d’innover davantage avec des batteries à électrodes sèches et des batteries à état solide. Bien que moins chères et moins sujettes à la surchauffe, les batteries de BYD utilisent une technologie de lithium, fer et phosphate, de densité énergétique inférieure (160 Wh/kg et 355 Wh/l).

Néanmoins, l’image de marque de Tesla a été affectée par les injonctions politiques d’Elon Musk. Les ventes se sont écroulées en Europe en 2025 et ont reculé nettement en Chine, dans un marché en progression. Selon nous, l’objectif trimestriel proche des 500 000 véhicules est irréalisable. Les courbes se sont donc croisées et ne risquent pas de s’inverser de sitôt. Il faut un changement d’image et de nouveaux modèles. Cela prendra du temps. Pour autant, l’entreprise d’Austin n’a pas de dettes nettes, dispose des meilleures batteries et contre-attaquera avec de nouveaux chargeurs. Le sursaut aura bien lieu, mais plutôt ces prochaines années. En attendant, des droits de douane permettent de contrer BYD aux États-Unis, même s’ils bloquent Tesla dans sa stratégie d’une meilleure accessibilité des modèles en produisant au Mexique. Le matche reste donc à suivre.

5 minutes.
Le temps de charge pour récupérer 400 kms avec le chargeur ultra rapide de BYD.

4,27 millions.
Le nombre de véhicules électriques et hybrides vendus par BYD en 2024.

300 milliards de dollars.
La valorisation d’OpenAI, selon les conditions des prochaines augmentations de capital.

Moins de croissance, plus de relance

C’est un fait. Depuis quelques semaines, les indicateurs américains indiquent un ralentissement dans les services et un consommateur inquiet et prudent.

Il semble qu’Elon Musk et sa tronçonneuse, ainsi que les volte-face de Donald Trump aient un impact à court terme plus néfastes que prévu. La banque britannique Barclays relevait, dans une note du 17 mars, des dépenses en cartes de crédit plus faibles dans les comtés à forte concentration de fonctionnaires. Ces derniers ont pleinement pris conscience du risque de licenciement qui plane sur eux d’ici septembre.

La ferveur des investisseurs a ainsi laissé place au scepticisme devant l’acharnement à instaurer des tarifs douaniers potentiellement néfastes pour l’économie. La politique économique du nouveau président, qui consiste à baisser drastiquement les dépenses fédérales et à instaurer des mesures tarifaires pour financer partiellement un programme gigantesque de baisses d’impôts, a un effet négatif dans l’immédiat et positif pour 2026.

En Europe, la zone boursière est en effervescence actuellement. Les importants plans d’investissement allemands dans la défense et les infrastructures auront un impact pleinement positif sur l’activité seulement à partir de l’année prochaine. En Chine, où le secteur privé est atone et la croissance uniquement soutenue par le gouvernement et les exportations, un plan spécial a été annoncé cette semaine pour relancer la consommation et fortement augmenter les revenus.

Dans son rapport intermédiaire de mars, l’OCDE vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2025 à 3,1 %, et a fait toute la synthèse dans son titre « Garder le cap dans l’incertitude ».

Les investisseurs suivront-ils ce conseil et seront-ils assez patients ?

L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a officiellement fermé la porte à une reprise économique en ce début d’année. Dans son scénario précédent, établi en décembre dernier, l’agence intergouvernementale prévoyait une accélération de la croissance en 2025.

Dorénavant, ce sera une diminution constante tout au long de l’année, passant d’un rythme de 3,3 % à 2,9 %. Le coupable est tout trouvé : l’instauration de droits de douane bilatéraux entre les États-Unis, le Canada, le Mexique, la Chine et l’Europe. Environ 8,2 % du total des échanges mondiaux de biens et de services seraient affectés par ces mesures.

Au niveau sectoriel, une baisse des volumes d’exportations de 2 à 3 % est envisageable sur les véhicules et pièces automobiles, les machines et biens d’équipement, les produits du pétrole et du charbon, les équipements électroniques, les métaux et les produits chimiques. L’agriculture et l’alimentaire ne seraient pas non plus épargnés. L’OCDE estime même que le PIB mondial pourrait être réduit de 0,3% les deux années suivant la mise en place des droits de douane, si ces mesures ne sont pas annulées. Le choc est bien réel et potentiellement durable. 

Dans l’immédiat, il ne faut pas espérer un soutien de la part de la banque centrale américaine, puisque celle-ci a maintenu ses taux directeurs inchangés ce mercredi 19 mars. Jerome Powell a précisé dans sa conférence de presse que la Fed n’était pas pressée d’ajuster sa politique monétaire. De ce fait, le statut quo devrait perdurer lors de la prochaine réunion du 7 mai. Les membres du comité FOMC ont relevé leurs prévisions d’inflation à 2,80 % contre 2,50 % auparavant. Ils ont abaissé celles de la croissance du PIB à 1,7 % contre 2,10 %. L’incertitude sur la situation économique ayant augmenté, deux baisses de taux directeurs sont encore possibles d’ici fin 2025. Selon les investisseurs, celles-ci interviendraient en juin et en septembre.

Les économistes sont tous enthousiastes sur les plans allemands de relance en infrastructure et de défense. À plein régime, ceux-ci pourraient doper la croissance allemande de 0,7 % entre 2027 et 2030. Certains, comme BNP Paribas Exane prévoit même davantage (au-delà de 1 %). Grâce à l’effet positif d’un regain de confiance qui débriderait l’économie d’outre-Rhin. L’impact final pour la zone euro serait positif aux alentours de 0,40 %. 

En résumé, les investisseurs doivent naviguer entre une faible croissance à court terme et une reprise de l’activité plus marquée en 2026. Que faire en attendant ? Le fort rebond des marchés européens semble intégrer les bienfaits des plans de relance dans leur globalité. Des prises de profits sont donc envisageables ces prochaines séances. Cependant, selon les discours des sociétés du secteur industriel lors d’un forum à Londres, les besoins sont énormes. En effet les infrastructures et les capacités de production actuelles sont très vieillissantes et totalement insuffisantes pour satisfaire une demande énorme. L’histoire boursière n’est donc pas terminée, alors qu’une grosse partie des ventes sur le marché américain est derrière nous. Ne désespérons pas et gardons le cap ! 

3,1 %.
La croissance du PIB mondial en 2025, selon l’OCDE.

 1 %.
Le supplément de croissance du PIB allemand, grâce aux plans de relance, selon BNP Paribas Exane.

230 000.
Le nombre de passagers affectés par l’annulation de plus de 1 300 vols à l’aéroport d’Heathrow.

France, Allemagne… La Zone Euro reste en tête

L’Allemagne est de retour, la France est épargnée par Fitch. La Zone Euro prend à contre-pied le consensus.

Aujourd’hui, Amandine GERARD, s’est penchée sur la sur-performance des bourses européennes. Elle analyse l’Allemagne et son plan de financement ainsi que les signaux positifs de la zone euro. Une émission proposée par BFM Bourse et présentée par Antoine Larigaudrie.

Actions américaines : le blues du businessman

Les investisseurs sont désorientés, comme s’ils avaient perdu leur boussole. L’eldorado sur les actions américaines, promis par les stratèges les plus influents depuis la victoire de Donald Trump en novembre dernier, se transforme en véritable fiasco.

Ainsi, nous vivons la pire sous-performance du marché américain depuis 20 ans. À ce jour, la performance en euro de l’indice S&P 500 et du NASDAQ 100 est respectivement de – 10,27 % et de -12,63 %. Contre +9,15 % pour celle de l’indice Euro Stoxx 50 sur la même période.

De surcroît, tous les gains latents sur les portefeuilles américains observés depuis l’élection présidentielle du 5 novembre ont été effacés en moins d’un mois (depuis le 19 février). Et ce, du fait du double effet négatif des baisses des marchés et du dollar.

Dorénavant, les mêmes stratèges qui recommandaient d’acheter des actions américaines au détriment des actions européennes préconisent l’inverse. Alors que l’indice Euro Stoxx 50 a effacé son important retard accumulé depuis fin 2023 sur son homologue américain en euro (qui avait culminé à 25 % le 27 novembre). 

Faut-il les croire, après un tel retracement ? Quelles sont les causes de ce brutal revirement d’opinion ? Qui sont les acteurs qui ont vendu leur portefeuille ? Et ceux ayant renforcé leurs positions au cours de cette violente vague de baisse ?  

Rien ne se passe comme prévu. Une fois encore, ce fameux dicton, applicable à de nombreuses prédictions dans divers domaines, s’est matérialisé sur les marchés.

L’exception américaine, qui a prévalu en 2024 et qui devait se prolonger cette année, semble avoir vécu. Les taux longs américains, qui devaient se tendre – avec une économie florissante et une inflation orientée à la hausse – se sont, en réalité, contractés de 0,26 %.

À l’inverse, les rendements obligataires européens, qui devaient baisser grâce à la poursuite de l’assouplissement monétaire de la BCE, se sont tendus de 0,50 %. L’euro, qui devait se déprécier face au dollar, s’est en réalité renforcé contre le billet vert de presque 5 %.

Devant tant de surprises, certains investisseurs sont pris à revers et enregistrent de lourdes pertes.

Une étude de la banque JP MORGAN du 12 mars, analysant les flux et les liquidités, permet d’identifier ce qui s’est concrètement passé. Tout d’abord, le positionnement sur les États-Unis dans les portefeuilles était extrême jusqu’en février. Les investisseurs avaient quasiment tous favorisé cette zone géographique dans leur allocation, cédant aux sirènes de Donald Trump. De surcroît, l’optimisme était fort et la volatilité était faible. Ce qui a entraîné une prise de risque élevée et une importante pondération en actions dans les portefeuilles. Même au sein des fonds diversifiés.

Le retour aux commandes du président américain, si propice aux affaires et à la dérégulation, devait entraîner une hausse durable de la bourse et des cryptomonnaies. Tout s’est enrayé avec l’instauration des droits de douane élevés et des données macroéconomiques faibles. Ces éléments ont provoqué une révision baissière des prévisions de croissance du PIB outre-Atlantique.

Les fonds quantitatifs ont coupé leurs positions en février pour passer dorénavant vendeurs. Les fonds spéculatifs dits « long/short » ont tardé à réagir. Ils ont enregistré de lourdes pertes sur leurs positions à effet de levier, les contraignant à liquider leurs positions. Ce mouvement ne semble pas terminé à ce jour. Le phénomène est identique sur le change. Les positions vendeuses sur les contrats euro contre dollar ont été réduites, entraînant une forte appréciation de la devise européenne.

Après ce triste tableau, il convient de relativiser. Et ce, même si le mot récession revient en boucle dans les salles de gestion. Le marché du crédit, qui a mieux évalué le risque de contraction de l’activité ces deux dernières années, reste solide. Et les particuliers américains, même s’ils sont devenus pessimistes, continuent d’acheter des actions américaines. Les fonds souverains et de pension devraient procéder à leurs fameux recalibrages trimestriels. Le montant des achats à effectuer par ces entités est estimé à plus de 135 milliards de dollars en fin de mois.

Rien n’est donc perdu, même si le marché reste morose et l’euphorie a laissé place au pessimisme.

Nous vivons un ralentissement aux États-Unis, et non une récession, couplé à une vague de contraction des multiples de valorisation, lié au débouclement d’un excès de positions sur les  actions américaines. Ce mouvement n’est pas terminé et la volatilité se tend, ce qui est synonyme de réduction supplémentaire de positions. Il convient donc d’être patient, avant de procéder à des achats à bon compte et de ne pas désespérer en attendant.

Les nouveaux plans européens de défense et allemand d’infrastructure ont changé la donne pour l’Europe et surtout pour l’Allemagne. Les investisseurs se mettent à croire en un nouvel eldorado, pour se remettre de leur dépression, en achetant les rares valeurs cotées du secteur de la défense. Notre lettre du 21 février était optimiste pour ce segment de la cote. Dorénavant, le titre Rheinmetall se paie 45 fois les résultats 2025 contre 25 fois pour Nvidia.

Attention à ne pas commettre les mêmes erreurs dans l’autre sens, même si le vent a tourné provisoirement et que les cycles sont différents.

3 004 dollars.
Le nouveau record historique en séance de l’once d’or au 14 mars.

200 %. Les droits de douane imposés par les USA sur tous les vins et le champagne, si l’Union européenne ne retire pas les siens sur le whisky américain.

L’art de la guerre

En ces temps de tensions géopolitiques, l’Europe semble redécouvrir les enseignements de Sun Tzu, le célèbre stratège chinois. « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre », écrivait-il.

Cette maxime résonne particulièrement, alors que l’Union européenne revoit ses priorités en matière de défense.

Cette semaine, l’Union européenne a décidé d’autoriser les États membres à exclure les dépenses de défense de la règle des 3 % de déficit public. Cette mesure, proposée par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, vise à permettre aux États de renforcer leurs capacités militaires. Et ce, sans risquer de déclencher une procédure de déficit excessif.

Ce plan, baptisé « ReArm Europe », prévoit d’injecter jusqu’à 800 milliards d’euros dans la défense du Vieux Continent. Avec une enveloppe supplémentaire de 150 milliards d’euros de prêts.

Cette initiative de réarmement revêt une importance particulière à la suite de la rencontre tendue entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président américain Donald Trump. En effet, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Il a également déclaré que les États-Unis ne soutiendraient plus les efforts européens en matière de défense.

Cette décision semble surtout motivée par la frustration de ne pas avoir conclu d’accord avec l’Ukraine concernant le partage de ses ressources naturelles. Une telle mesure pourrait créer un vide que l’Europe devra comble. Offrant ainsi un potentiel de croissance significatif pour les entreprises de défense européennes. 

L’Allemagne, en particulier, a pris des mesures audacieuses pour renforcer son budget de défense. Les partis conservateur et social-démocrate allemands, qui négocient la formation du futur gouvernement, ont annoncé leur intention de réaliser des investissements sans précédent. De plusieurs centaines de milliards d’euros pour renforcer la défense et les infrastructures du pays. Cette initiative est une réponse à la fracture croissante avec les États-Unis et à la nécessité de relancer une économie en récession. Ces projets marquent une accélération spectaculaire des bouleversements dans la première économie européenne.

Après des décennies sous la protection américaine, l’Allemagne s’engage désormais dans un réarmement national et européen d’une ampleur inédite. Pour ce faire, l’Allemagne ouvre les vannes des dépenses publiques, mettant de côté des décennies d’orthodoxie budgétaire. Le maître mot : « quoi qu’il en coûte ! ».

Le futur chancelier allemand Friedrich Merz reprend le célèbre mot d’ordre de la BCE lors de la crise de la dette en 2012. Ainsi, les deux formations politiques vont demander un vote à la Chambre des députés, afin d’assouplir les règles nationales constitutionnelles. Règles qui limitent strictement le déficit budgétaire annuel. Toutes les dépenses de défense dépassant 1 % du PIB pourront être votées sans tenir compte du mécanisme dit du  « frein à l’endettement ». Ce mécanisme limite normalement le déficit annuel du gouvernement à 0,35 % du PIB. L’objectif est d’atteindre au moins 100 milliards d’euros par an de dépenses pour la défense, rapprochant l’Allemagne du seuil de 3 % du PIB consacré à la défense, conformément au nouvel objectif potentiel de l’OTAN.

En France, mercredi soir, Emmanuel Macron a décrit un monde plus brutal marqué par le réveil de la menace à l’Est. Face à cela, il appelle à une Europe plus souveraine. Alors que l’Allemagne lève son frein à l’endettement pour se réarmer, Emmanuel Macron recevra bientôt à Paris les chefs d’état-major des armées des pays européens. Une première qui pourrait marquer l’ébauche d’une Europe institutionnelle de la défense.

Pour financer cette autonomie stratégique européenne, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité de nouveaux investissements et de mobiliser des financements privés. Il a mentionné l’idée d’un nouveau livret d’épargne dédié à la défense pour orienter une partie des 2 000 milliards d’euros d’épargne des Français vers l’armement. Bien que la question de l’impôt se pose, Macron a exclu une hausse de ces derniers, insistant sur la nécessité de réformes et de courage.

Ces décisions, bien que stratégiques, ne sont pas sans risques. La BCE a repoussé, jeudi, le retour de l’inflation vers la cible de 2 % à 2026. Elle a également ajusté sa politique face aux risques inflationnistes liés à la relance allemande et aux potentiels droits de douane de Donald Trump, en baissant ses taux et en envisageant une pause dans l’assouplissement monétaire. Elle devra naviguer avec prudence pour éviter une inflation galopante et maintenir la confiance des marchés.

Ainsi, à l’instar de Sun Tzu qui prônait la victoire sans combat, l’Europe semble adopter une stratégie de renforcement déterminée. Comme le stratège chinois l’enseignait, la véritable force réside dans la capacité à influencer l’ennemi sans engager le combat. Paradoxalement, les décisions de Donald Trump, en retirant l’aide militaire américaine, ont également illustré cette maxime.

En créant un vide, il a contraint l’Europe à se renforcer, influençant ainsi la dynamique géopolitique sans conflit direct. Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits, sans compromettre la stabilité économique du continent. 

800 milliards d’euros.
Le montant du plan historique de la Commission européenne qui vise à réarmer l’Europe.

500 milliards d’euros.
Le montant du fonds spécial allemand qui vise à moderniser ses infrastructures et renforcer sa défense.

« Tango Wall Street ne répond plus »

La bourse cash : « Tango Wall Street ne répond plus ».
Ce vendredi 7 mars, Amandine Gérard, présidente de La Financière de l’Arc, s’est penchée sur l’annonce de Donald Trump au sujet de la suspension des droits de douane entrés en vigueur il y a 48 heures, le plan de financement de la défense européenne, les valeurs de la défense en bourse, et la hausse des taux européens, dans l’émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer.