Les investisseurs ont déjà avancé tous leurs pions pour 2025. Dans le passé, ce déploiement tactique n’avait lieu qu’en janvier, après un rallye de fin d’année.
Fièvre acheteuse sur les marchés américains
Désormais, plus rien ne se passe comme auparavant avec l’élection de Donald Trump. Une fièvre acheteuse s’est produite en bourse avant et après la triple victoire républicaine du 5 novembre. Et ceci a propulsé les marchés américains et même le bitcoin à des sommets, au détriment des autres zones géographiques.
Le futur programme économique du 45ème et 47ème président des États-Unis est tellement disruptif au profit de l’Amérique, qu’il a provoqué un choc dans les allocations d’actifs. Egalement un comportement moutonnier des financiers. Sauf retournement brutal en décembre, 2024 restera une année record pour les flux vers les actions américaines (> 400 milliards de dollars). À l’inverse, les fonds en actions européennes et japonaises ont continué cette semaine de subir des sorties de capitaux.
Cette cote d’amour pour les actifs du pays de l’Oncle Sam est-elle justifiée et va-t-elle se prolonger en 2025 ?
Les chiffres s’accumulent et donnent le tournis pour démontrer l’exagération de cet appétit en actions américaines, que ce soit tant en matière macroéconomique que microéconomique.
Ainsi, le ratio capitalisation boursière sur PIB a battu un nouveau record à 207 %, selon GuruFocus.com. Celui de la capitalisation boursière relatif à celle du reste du monde a bondi à plus de 3. Soit un niveau historique depuis la Seconde Guerre Mondiale, selon les données recensées par BofASecurities.
Un poids record pour les actions américaines
La conclusion est claire. Jamais, outre-Atlantique, le poids des actifs financiers cotés investis en actions a été aussi important par rapport à la richesse créée par le pays et différencié par rapport au reste du monde. Ce qui démontre que ce phénomène est bien plus qu’un simple processus de financiarisation. Il se définit bien comme un mouvement d’enrichissement spécifique et plus prononcé dans ce pays qu’ailleurs.
Une action américaine est plus chère qu’ailleurs
Si l’on prend les ratios classiques de valorisation par rapport aux indices, le ratio prix sur bénéfice par action est de 22 fois pour l’indice S&P 500 contre 13,3 fois et 14,5 fois pour les indices Stoxx Europe 600 et Topix. Soit une prime respective de 65% et de 50%, au plus haut depuis l’existence de l’euro. Ajusté de leur différence sectorielle, cette survalorisation tomberait à 35%, ce qui reste élevée.
Si l’on se réfère au prix sur l’actif comptable, le ratio atteint plus de 5 fois pour l’indice américain, contre 2 et 1,4 fois pour ses homologues européen et japonais. Le prix d’une action américaine par rapport à ses actifs réels est donc 2,5 à plus de 3 fois plus cher qu’ailleurs !
Cet engouement pour le marché américain est-il justifié ?
Le passé a montré que plus le PER (ratio cours sur bénéfices) d’un marché est élevé en dehors des périodes de récession, moins l’espérance de gain sur le long terme (au-delà de 5 ans) est élevée. Pourquoi cet engouement persiste-t-il et s’est-il amplifié ?
Les actions américaines délivrent historiquement plus que les autres continents
Le prix d’un actif financier aujourd’hui est censé être égal, en théorie, à la somme des flux financiers futurs actualisés.
Factuellement, il est incontestable que les actions américaines délivrent plus historiquement que celle des autres continents. Ainsi, le retour sur fonds propres des actions américaines ces 3 et 10 dernières années est respectivement de 18,6 % et de 15,10 %. A comparer à 12,9 % et 10,1 % en Europe et à peine de 8,45% et 7,8% au Japon. Cela signifie qu’un dollar d’actif investi dans une entreprise cotée outre-Atlantique sur 10 ans est 50% plus rentable que dans une entreprise du Vieux Continent et 2 fois plus que celle au pays du soleil levant.
Une prime est donc largement justifiée. Cet écart considérable s’explique par toute une série de facteurs : le coût (en intégrant la productivité et donc la qualification) du travail, la flexibilité de la main d’œuvre, la règlementation, le coût du capital, la fiscalité, la croissance des revenus et la concurrence, entre autres.
L’exception américaine de ces dernières années devrait-elle perdurer ?
En 2024, la croissance estimée du PIB américain (2,7%) devrait écraser celle en zone euro (0,7%) et au Japon (0%). Le ralentissement de l’activité américaine anticipée pour 2025 a vécu avec Donald Trump au pouvoir. Et la faible croissance dans les autres régions est encore plus en risque. Par conséquent, les bénéfices par action aux États-Unis devraient croître de 14,3% et de seulement de 8,4% en Europe. Ce dernier chiffre semble trop optimiste. Nul doute que les ours européens resteront dans leur tanière cet hiver, en attendant des jours meilleurs et plus de stabilité politique sur le Vieux Continent.
Les chiffres de la semaine
– 207 %.
Le ratio de la capitalisation boursière sur PIB aux États-Unis, au plus haut historique.
– 75 %.
La pondération des actions américaines dans le MSCI World, nouveau record.
– 15,10 %.
Le retour sur fonds propres moyen des actions américaines ces dix dernières années contre 10,1% en Europe et 7,8% au Japon.