Profit warning – Baisse des profits des entreprises européennes en 2024

C’est un cauchemar quotidien.

La liste est longue des sociétés européennes révisant à la baisse leurs prévisions pour 2024 : ASML, Nestlé, IPSOS, Rexel, Eramet et Stellantis, entre autres. Dorénavant et selon le consensus des analystes, le bénéfice par action devrait baisser en 2024 pour l’ensemble des entreprises des indices CAC 40, Euro Stoxx 50 et StoxxEurope 600 respectivement de 4%, de 2,8% et de 0,6%. Pourtant, malgré tous ces accidents, dont certains ont été lourdement sanctionnés comme ce fut le cas pour ASML, les bourses font de la résistance et évoluent dans une borne de fluctuations assez étroite depuis trois semaines. 

Pourquoi ?  

La question qui circule actuellement tous les jours dans les salles de marché est : « Quelle société a annoncé un profit warning aujourd’hui ? ».

Encore plus surprenant, l’hémorragie concerne une grande variété de secteurs et pas seulement un segment particulier de la cote. Le luxe, pilier de la bourse de Paris, n’est pas non plus épargné, avec LVMH.

Le champion mondial est même en décroissance organique au troisième trimestre sur un an glissant de 5% dans la mode et maroquinerie, de 7% dans les vins et spiritueux et de 4% dans l’horlogerie et la joaillerie. Une fois de plus, le coupable est tout trouvé : la Chine, avec une baisse de la zone Asie Pacifique hors Japon de 16%, qui s’accélère depuis le début de l’année. Pourtant, le titre LVMH a récupéré à ce jour la quasi-totalité de ses pertes depuis mercredi. En effet, la société n’a pas procédé à une révision de ses perspectives annuelles.  

Néanmoins, la conséquence est sans appel. Les estimations des analystes concernant le bénéfice par action du troisième trimestre de l’entreprise ont été révisées à la baisse de 22% depuis le début de l’année. Dorénavant, les analystes anticipent pour cette année pleine une contraction de 8,2% du bénéfice par action de LVMH. Il faudrait donc un fort rebond des ventes au dernier trimestre pour sauver le mauvais millésime 2024.

L’évolution des marchés surprend toujours, soit positivement ou négativement. Dans ce cas précis, il est logique de se demander pourquoi le titre ne corrige pas davantage.

La raison est double. Premièrement, son cours de bourse a déjà cédé plus de 14% depuis le début de l’année. Sa valorisation est donc en parfait adéquation avec l’évolution négative des profits de l’entreprise. Deuxièmement, être actionnaire c’est acheter les bénéfices futurs et donc les cash-flows à venir sur plusieurs années.

Par conséquent, un investisseur se positionne aujourd’hui pour une durée à moyen et à long terme. Dans notre édito du 4 octobre intitulé « Du rêve à la réalité », nous expliquions que les marchés écrivent un scénario six à neuf mois, au minimum, avant leur réalisation.

La perspective d’un rebond de l’activité est renforcée depuis plusieurs semaines. Aux États-Unis, les dernières ventes au détail publiées pour le mois de septembre ont impressionné. Elles présentent une augmentation mensuelle de 0,7% pour le groupe de contrôle (un échantillon plus précis excluant des éléments très volatils).

La consommation devrait continuer à bien se tenir, grâce notamment à une progression du salaire réel (déduit de l’inflation). De ce fait, l’indicateur actuel du PIB de la Fed d’Atlanta culmine à 3,42%, soit au plus haut depuis le mois de mai.

Le problème se situe donc en Europe et en Chine.

Dans sa conférence de presse du jeudi 17 octobre, la présidente de la BCE a confirmé que la zone euro n’était pas en récession. Mais que certaines données indiquaient un ralentissement. L’institution monétaire a baissé une troisième fois cette année ses taux directeurs, de 0,25%. Le taux de dépôt ressort désormais à 3,25%. Cet assouplissement monétaire, qui se poursuit dans un contexte de désinflation, est un appel d’air pour les marchés, car il ouvre la voie d’une expansion des multiples de valorisation, par effet positif de l’actualisation des flux futurs évoqués précédemment.

Reste l’inconnu de la Chine. Les mesures de soutien ouvrent la voie pour une amélioration de l’activité en 2025, même si leur ampleur est jugée trop timorée pour le moment. Les dernières statistiques indiquent une croissance de 4,6% du PIB au troisième trimestre, toujours en décélération. Néanmoins, l’espoir est permis, car les ventes de détail et la production industrielle en septembre sont ressorties bien supérieures aux attentes et en accélération à 3,2% et  à 5,4%. Ces données accréditent le scénario favorable d’une reprise pour 2025. Les investisseurs sont déjà bien positionnés pour bénéficier de ce potentiel mouvement. Espérons que celui-ci se matérialise.

5 % 
La décroissance organique de LVMH dans la mode et maroquinerie au troisième trimestre.

0,25 % 
La baisse des taux directeurs de la BCE le 17 octobre.

71 mètres 
La longueur du module 1 de la fusée Starship récupéré dans un vol d’essai le 13 octobre .

Batteries à plat en Europe : la Chine laisse l’UE sous tension

L’industrie automobile mondiale est en pleine mutation, et la bataille pour la domination du marché des véhicules électriques fait rage.

Alors que l’Europe peine à suivre le rythme, la Chine s’est imposée comme le leader incontesté, inondant le marché avec des modèles de plus en plus performants et abordables. Face à cette montée en puissance, l’Union européenne tente de reprendre le contrôle en brandissant de nouvelles barrières douanières.

Mais cette lutte commerciale suffira-t-elle à inverser la tendance ?

Depuis des années, Pékin a fait de l’électromobilité une priorité stratégique. Des entreprises comme BYD, Nio, et XPeng dominent le marché chinois. Elles se tournent désormais vers l’international, notamment l’Europe, avec des produits compétitifs.

Cette avance repose sur la maîtrise des batteries, composante essentielle des véhicules électriques. En 2023, plus de 60 % des batteries lithium-ion dans le monde étaient fabriquées en Chine. Ce leadership permet aux constructeurs chinois de proposer des véhicules à prix réduits, tout en restant à la pointe des performances, notamment grâce à l’innovation. Le soutien gouvernemental chinois joue également un rôle clé. Des subventions et incitations fiscales ont permis à la Chine de devenir un leader mondial.

Face à cette concurrence, l’Union européenne a réagi.

Le 4 septembre 2024, la Commission européenne a annoncé des droits de douane allant jusqu’à 20 % sur les véhicules électriques importés de Chine. Ces taxes visent à contrer ce que l’UE considère comme une concurrence déloyale, due aux subventions chinoises. Elles cherchent aussi à protéger les constructeurs européens, qui peinent à rivaliser sur les prix. En effet, les véhicules chinois, souvent plus abordables, séduisent de plus en plus de consommateurs européens.

Cependant cette réponse comporte des risques. La Chine pourrait riposter avec des sanctions commerciales sur les produits européens, créant une escalade des tensions commerciales. De plus, ces taxes risquent d’augmenter le prix des véhicules électriques en Europe, rendant ces véhicules moins accessibles pour les consommateurs.

Pour rester compétitive, l’Europe doit impérativement intensifier ses investissements dans l’innovation et la production locale de batteries. L’initiative de l’Alliance Européenne pour les Batteries va dans cette direction, mais elle reste loin de rivaliser avec les géants asiatiques. 

Les constructeurs européens doivent transformer leurs chaînes de production, centrées depuis plus de 100 ans sur les moteurs thermiques, pour s’adapter aux véhicules électriques. Cette mutation nécessite des investissements massifs, tout en soulevant des enjeux sociaux, notamment en matière de reconversion des emplois. En outre, les constructeurs européens font face à des difficultés d’approvisionnement en matières premières critiques, comme le lithium et le cobalt, dont l’extraction est dominée par la Chine. Cela crée une dépendance qui fragilise l’industrie automobile européenne, qui devra rapidement trouver des alternatives pour sécuriser ses approvisionnements.

Malgré ces obstacles, la concurrence entre l’Europe et la Chine dans le secteur des véhicules électriques ne fait que commencer. Les nouvelles taxes européennes pourraient ralentir la pénétration des véhicules chinois à court terme, mais elles ne suffiront pas à résoudre les problèmes structurels auxquels est confrontée l’industrie automobile européenne. Pour rivaliser à long terme, l’Europe devra renforcer sa compétitivité technologique et industrielle. Il ne s’agit pas simplement de protéger son marché, mais de développer des capacités d’innovation qui lui permettront de se maintenir dans la course mondiale des véhicules électriques.

L’avenir de la mobilité électrique en Europe dépendra donc de sa capacité à innover, à améliorer ses infrastructures et à produire localement des batteries. Si l’Europe parvient à relever ces défis, elle pourra non seulement résister à la concurrence chinoise, mais aussi jouer un rôle clé dans la transition vers une mobilité plus verte et durable. Cependant, la course est lancée, et le temps presse pour que l’Europe rattrape son retard dans cette révolution industrielle majeure.

5 millions
Le nombre de mètres carrés de bureaux vides franchis en Île-de-France.

2,4 %
L’inflation américaine en septembre, sur un an glissant.

Marchés financiers : du rêve à la réalité !

Les marchés anticipent toujours. Ils écrivent un scénario 6 à 9 mois au minimum avant sa réalisation, en fonction des indicateurs actuels et avancés.

Souvenez-vous du 9 novembre 2020, en plein deuxième confinement du Covid en France. Ce jour-là, l’indice CAC 40 avait progressé de 7,57%. Et des titres tels que BNP, Vinci et Accor s’étaient octroyés de 17 à 20% sur les seules données préliminaires du vaccin BioNtech-Pfizer contre le SARS-Cov-2. À l’époque, les investisseurs avaient déjà tourné la page de la pandémie, malgré tous les déboires au quotidien pendant plus d’un an.

Entre temps, il a fallu gérer les pénuries d’approvisionnement. Tout comme les alternances de période de liberté et de restriction, de comportement et de déplacement. Malgré toutes ces contraintes, l’acheteur d’un titre BNP au soir du 9 novembre 2020, après la forte hausse quotidienne de ce jour-là, a réalisé une coquette plus-value de l’ordre de 50% sur 12 mois ! Cette belle performance a été rendue possible grâce à un scénario de reprise, qui s’était réellement concrétisé.

Évidemment, la situation actuelle n’a rien à voir avec celle de fin 2020. Cependant, le point commun est assez simple à trouver. Nous sommes en période de ralentissement économique et de contraction manufacturière aussi bien dans les pays occidentaux qu’en Chine (le deuxième PIB mondial).

Les marchés anticipent déjà le rebond qui ne devrait se matérialiser qu’à partir du début de l’année prochaine. Dans le meilleur des cas. En effet, les économistes prédisent une croissance américaine qui devrait ralentir ces prochains mois (respectivement en rythme annualisé de 2%, 1,4% et 1,6% au 3èmetrimestre 2024, 4ème trimestre 2024 et 1er trimestre 2025). En zone euro, la croissance est déjà atone à 0,30% en séquentiel au troisième trimestre et devrait le rester à ce niveau jusqu’au 1er trimestre 2025. L’Allemagne souffre particulièrement, avec 0,10% de croissance anticipée au 3ème trimestre et une accélération séquentielle modeste de 0,10% au cours des trois prochaines périodes. 

L’environnement actuel n’a donc rien de satisfaisant. Cependant, deux facteurs clés permettent aujourd’hui de prédire en ce moment même, certes sans garantie, une période de ralentissement de croissance dite de soft landing, et non de récession dite de hard landing.

Premièrement, les indicateurs de PIB ne sont pas en contraction. Avec des banques centrales qui ont initié un cycle d’assouplissement monétaire devant se poursuivre à un rythme soutenu.

Ainsi, les projections des membres de la Fed ont surpris positivement avec une baisse totale des taux directeurs de plus de 2% (200 points de base) d’ici fin 2025.

Deuxièmement, le marché du travail, indicateur retardé certes, n’est pas en destruction d’emplois. Il est moins dynamique en matière de créations de postes.

Après la panique de début août sur les chiffres de juillet, les récentes données publiées cette semaine sont même plutôt rassurantes. Ainsi, les offres d’emplois disponibles et non pourvues en août ont grimpé à 8,04 millions. Et les créations selon l’ADP en septembre ont également progressé de 143 000, soit le meilleur chiffre depuis juin.

Au total, l’emploi salarié continue de progresser et le salaire horaire réel (déduit de l’inflation) est repassé en territoire positif.

Avec la baisse de l’inflation, confirmée également en zone euro, particulièrement en France et en Allemagne, la consommation, principal moteur de nos économies, ne devrait pas diminuer prochainement.

Entre l’espoir d’une reprise et sa réalisation, il y a souvent un grand pas. Au quotidien, certains secteurs et entreprises souffrent davantage que les autres. C’est le cas de l’automobile, avec un avertissement de Stellantis sur ses résultats. La société envisage désormais une marge opérationnelle courante entre 5,5% et 7% en 2024, contre plus de 10% auparavant, ainsi qu’une baisse des ventes de 200 000 véhicules en Amérique du Nord.

Après le rebond lié aux mesures chinoises et aux baisses des taux des banques centrales, il est tentant de prendre des profits, d’autant que nous sommes à un mois des élections américaines, traditionnellement une période de faiblesse des marchés. De surcroît, le marché n’envisageait pas une globalisation du conflit au Moyen-Orient, ce qui peut être aujourd’hui présomptueux. De ce fait, nous sommes encore méfiants en amont des résultats du troisième trimestre. Néanmoins, certaines déceptions pourraient constituer des points d’entrée à moyen terme intéressants.

200 000 
La baisse des ventes de Stellantis en Amérique du Nord, prévue au second semestre.

60 milliards d’euros
L’effort annoncé par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire de la France à 5 %.

6,6 milliards de dollars
Le record de levée de fonds d’OpenAI.

Chine – Quand le bâtiment va, tout va !

Ce dicton du 19ème siècle, attribué à un maçon de la Creuse devenu député par la suite, a été parfaitement compris en Chine.

En effet, cette semaine, l’empire du Milieu a annoncé toute une série de mesures. Ces dernières visent à sortir de la crise immobilière, redynamiser la demande intérieure et doper les marchés financiers sinistrés depuis plusieurs mois.  

Certes, cet aphorisme est de moins en moins d’actualité dans le monde occidental depuis la crise immobilière de 2008 aux États-Unis et celle des années 90 en Europe. Mais en Chine, l’activité de construction conserve un poids suffisamment important pour être considérée comme stratégique pour la bonne santé du pays.

La Banque populaire de Chine et le Politburo ont donc agi.

Dans notre édito du 13 septembre intitulé « Quand la Chine se réveillera-t-elle à nouveau ? », nous évoquions le besoin urgent d’adopter des mesures de relance jusqu’alors insuffisantes. Et ce, malgré les moyens colossaux dont dispose la deuxième économie mondiale.

Nous nous attendions toutefois à une action des autorités chinoises après les élections américaines. Une fois le verdict connu sur une potentielle victoire de Donald Trump et de son programme de forte hausse des tarifs douaniers.

Mais Pékin a préféré dégainer tout de suite et c’est tant mieux. Au niveau calendrier, ces annonces de relances budgétaire et monétaire s’accumulent avec les bienfaits d’un nouveau cycle prononcé de baisse des taux directeurs de la Fed américaine.

Les pessimistes et les oiseaux de mauvais augure sont donc pris au dépourvu. Nous sommes entrés – malgré eux – dans un mouvement d’expansion de multiple de valorisation. Ce phénomène de hausse des actifs financiers est assez classique. Il se produit historiquement en amont d’un redémarrage réel de l’activité.

À ce stade, il n’est donc pas surprenant d’observer ce mouvement de progression des bourses, en parfaite déconnexion avec la réalité économique, à condition qu’il soit suivi plusieurs mois après par une amélioration concrète des profits des entreprises. 

Au niveau des annonces, nous avons affaire à toute une série de mesures qui ne sont certes, pas gigantesques. Mais qui cumulées peuvent produire un effet suffisamment bénéfique pour enrayer le déclin de la croissance.

Ainsi du côté de la banque centrale, le taux de réserve de la plupart des banques a été abaissé de 0,50% le 24 septembre. Ceci augmente la capacité de crédit bancaire de 1 000 milliards de yuans (environ 130 milliards d’euros). Soit 7% du PIB.

Le taux de repo à une semaine baisse de 0,20%, à 1,50%. Le taux des crédits immobiliers en cours baisse également de 50 points de base. Ceci diminue la charge d’intérêts pour plus de 50 millions de foyers, de 150 milliards de yuans.

L’apport minimum pour l’acquisition d’une résidence secondaire passe de 25% à 15%. Et les promoteurs ne sont pas oubliés. En effet, l’échéance de leur ligne de crédit spéciale a été prolongée de 2 ans à 2026. De plus, 100% du montant du crédit immobilier sera garanti contre 60% précédemment.

Une facilité à hauteur de 500 milliards sera ouverte en échange (swap) d’obligations diverses et ETF actions contre des obligations gouvernementales. Une autre ligne pour 300 milliards est octroyée pour les banques finançant les entreprises afin d’effectuer des rachats d’actions.

Le 26 septembre, le Politburo a créé la surprise au cours de sa réunion mensuelle, avec l’annonce de deux émissions spéciales supplémentaires de 1 000 milliards de yuans d’obligations gouvernementales. La première est destinée en vue de doper la consommation et la seconde pour aider les provinces très endettées.

Au niveau du bienfait réel sur l’économie, il est encore prématuré de quantifier exactement l’impact de ce gros paquet. Le seul allègement de la charge d’intérêts des ménages représenta à peine 0,30% du revenu disponible. Déduite de l’épargne, la hausse de la consommation pourrait être à peine de 0,10% à 0,20%.

Avec les effets multiplicateurs et cumulé aux autres mesures, cela pourrait avoir un effet un peu plus prononcé et durable. Quoi qu’il en soit, la hausse des liquidités a eu un impact immédiat sur les bourses de Hong Kong et locales. En effet, elles se sont octroyées entre 12% et 16% en une semaine. Par répercussion, les valeurs du secteur du luxe à Paris ont progressé de plus de 9%. Le rallye est sans doute exagéré à court terme, mais avec la plus forte probabilité de reprise de l’activité depuis 2 ans.

4 000 milliards de yuans
Soit plus de 500 milliards d’euros, le montant des mesures annoncées en Chine cette semaine.

9 %
La hausse des titres du luxe en une seule séance, le 26 septembre à Paris.

Taux directeurs US – Un recalibrage réussi

Jerome Powell est un véritable funambule. Il vient de réussir un numéro d’équilibriste hautement périlleux sur un fil tendu au niveau du fameux point pivot. Ce signe est matérialisé visuellement sur un graphique au moment où la Réserve fédérale américaine initie un nouveau cycle d’assouplissement monétaire, en abaissant ses taux directeurs. Cet évènement était très attendu, car maintes fois reporté et ce depuis trop longtemps. En effet, les premières anticipations du marché au sujet d’un changement radical de politique monétaire remontent à l’été 2022, sur un calendrier initial de mars 2023.

Il aura donc fallu attendre 18 mois, pour que la FED soit pleinement convaincue d’avoir gagné sa bataille contre l’inflation, afin de se concentrer désormais sur l’emploi. Le spectacle a été réussi et salué par un beau rallye le lendemain de la prestation.

Ce rebond est-il durable et quels actifs financiers devraient en bénéficier ?

La fête n’était pas facile à organiser, avec de surcroît une faible probabilité de succès. Car elle se passe historiquement à un moment où les invités sont fébriles et inquiets. Ce changement de cible dans le double mandat de la FED est traditionnellement synonyme de doute et de faiblesse des actifs financiers.

Le spectre de la récession hantant les salles de marchés, baisser de 25 points de base peut être perçu comme insuffisant pour contrer une future chute de l’activité. De même que réduire trop brutalement le loyer de l’argent peut être mal interprété. En effet, cela peut être synonyme d’un geste désespéré survenant trop tard pour empêcher le scénario du pire.

Malgré tout cela, c’est la deuxième option qui a été choisie par la banque centrale. Avec une baisse de 50 points de base de l’objectif maximal des FED Funds, fixé à 5%. Pour éviter un mouvement de ventes généralisé, il a fallu, une fois de plus, utiliser l’arme de la rhétorique et du phrasé.

Sur ce point, la communication a été parfaite. Il est bien loin le temps où Jerome Powell lisait, comme au début de son mandat de Président, un discours sur des pages papiers qu’il tournait l’une après l’autre après avoir trempé son index dans sa bouche.

Les points importants, qui ont rassuré la communauté financière sont :

– Il s’agit d’un recalibrage d’une politique monétaire devenue restrictive depuis plus d’un an. Et ce, grâce à l’amélioration de l’inflation et la récente évolution du marché du travail. L’économie reste forte et les tensions sur le marché du travail ont disparu.

– Cette décision intervient au bon moment et non en retard par rapport à la réalité économique. Il s’agit d’initier un processus d’ajustement vers plus de neutralité monétaire. Et ce, dans un contexte où l’inflation, depuis juillet 2023, est passée de 4,20% a légèrement au-dessus de 2%. Et un taux de chômage, toujours bas, mais qui est cependant remonté à 4,2% contre 3,50%. 

L’autre surprise provient des projections des membres de la FED, alias les fameux « dots » en anglais. Ceux-ci sont sensiblement plus bas qu’en juin dernier. Ainsi, les taux directeurs pourraient revenir à 4,40% fin 2024, 3,40% fin 2025 et 2,90% fin 2026.

Ce nouveau cycle d’assouplissement monétaire devrait être sensible. Ce qui soutiendra l’économie, toujours en croissance de l’ordre de 2%, un taux de chômage stabilisé à 4,40% et une inflation qui refluerait à 2,1% en 2025 et à 2% en 2026. 

Si ce scénario d’inflation contenue avec une croissance plus faible, mais toujours solide, se matérialise, la plupart des actifs devraient voir leur prix progresser par effet d’actualisation. Aussi bien les actions, les obligations, l’immobilier, l’or et les cryptomonnaies.

Les spreads de crédit obligataire devraient également se réduire, ce qui favoriserait davantage les obligations d’entreprises face aux souveraines.

Parmi les actions, on retrouve les valeurs de croissance, ainsi que les valeurs endettées, notamment de télécommunications et des services publics. Les investisseurs avaient largement favorisé les valeurs défensives dans leur portefeuille. À court terme, les valeurs cycliques, notamment les financières et les sociétés de petites et de moyennes capitalisation, devraient rebondir plus sensiblement. Ce rallye durera aussi longtemps que ce scénario économique sera crédible, ce qui dépendra des données publiées ces prochaines semaines. 

0,50 %
soit 50 points de base, la baisse des taux directeurs de la FED ce 18 septembre

95 000
Le nombre de centenaires au Japon contre 30 000 en France

Quand la Chine se réveillera-t-elle à nouveau ?

L’Empire du milieu n’a plus la cote. Pire encore, c’est actuellement le cauchemar des investisseurs et des entrepreneurs.

L’indice CSI 300 de la bourse chinoise vient de franchir ses plus bas annuels pour clôturer à un niveau jamais vu depuis 2019.

De nombreuses sociétés cotées européennes sont contraintes de réduire sensiblement leurs perspectives annuelles, à cause de leur activité en Chine. A l’instar de BMW cette semaine. La croissance du PIB est régulièrement révisée à la baisse par les économistes pour se situer désormais à 4,8% en 2024 et à 4,50% en 2025.

La crainte d’une nouvelle guerre commerciale, en cas de victoire de Donald Trump, pourrait se traduire par un impact négatif. Selon Barclays, il serait équivalent à 2% du PIB au cours des 12 mois après l’implémentation de la hausse des droits de douane. Les mesures de relance des autorités sont jugées insuffisantes à court terme pour relancer une consommation domestique atone. La liste est longue et les arguments ne manquent pas pour ne pas être actuellement investis dans cette zone. 

Pourtant, un redémarrage de la deuxième économie mondiale est tout à fait envisageable, mais quand ? 

Plusieurs entreprises étrangères cotées fortement implantées dans cette zone déçoivent les investisseurs. LVMH a annoncé en juillet un chiffre d’affaires au deuxième trimestre en Asie hors Japon en contraction de 14% sur un an glissant. Essentiellement lié à la Chine. Au niveau national, les ventes de joailleries étaient en baisse de 10,4% en juillet en glissement annuel.

BMW a annoncé, cette semaine, un avertissement sur ses résultats pour 2024. Avec une baisse de sa marge opérationnelle et une baisse des livraisons de véhicules à cause d’une faible demande chinoise. La société, qui réalise 40% de son chiffre d’affaires en Chine a préféré ne pas donner plus de précisions à ce stade. Mais elle envisage un second semestre compliqué. 

Les difficultés au quotidien des entrepreneurs sont la résultante de statistiques économiques médiocres au niveau national. Dans le cas de BMW, les ventes de véhicules neufs dans le pays ont baissé de 5,1% en juillet. De facto, le constructeur allemand s’en sort mieux que ses pairs.

Le consommateur Chinois est déprimé, comme le montre l’indice de confiance des consommateurs de juillet à 86, qui reste proche des plus bas de novembre 2022 et n’arrive pas à se redresser. Celui-ci s’établissait à 121,5 en janvier 2022. Les ventes de détail sur une moyenne de 3 mois glissants ont toujours été en baisse depuis le 4ème trimestre 2024. Dans un autre domaine, le secteur immobilier reste en contraction et n’arrive toujours pas à sortir de la bulle immobilière. La construction de maison s’est encore contractée de 31,1% sur un an glissant en juillet.

La Chine est l’atelier du monde. Ses échanges commerciaux sont considérables car ses exportations et ses importations représentent respectivement 19% et 14% du PIB. Une forte hausse des droits de douane dans le programme de Donald Trump serait extrêmement dommageable. L’administration Biden a tout de même voté une augmentation des tarifs douaniers de 100% sur les véhicules électriques et de 50% sur les panneaux solaires. Même si les démocrates ne rentreront pas dans une guerre commerciale frontale, des mesures pour sanctionner des pratiques de dumping sont toujours envisageables.

La Banque populaire de Chine a procédé à plusieurs baisses de taux depuis 2023, mais de seulement 0,10% à chaque fois. Avec une inflation désormais à 0,60% en août sur un an glissant, la banque centrale pourrait être plus incisive. Le déficit fiscal est modéré (3% prévu en 2024) et la dette de l’État sur PIB reste contenue. Le gouvernement dispose ainsi de tous les moyens pour relancer fortement son économie s’il le souhaitait.

Il est intéressant de noter que celui-ci vient de décider du relèvement de l’âge de départ à la retraite pour faire face à une population vieillissante qui devrait baisser à partir de 2030. Historiquement, l’indice PMI manufacturier global se redresse 6 à 9 mois après la première baisse des taux de la FED. Les marchés anticipant un rebond économique 5 à 6 mois avant que celui-ci se matérialise, un investissement pour la fin de l’année ou début 2025 peut être envisageable. En attendant, nous préférons investir dans les autres pays émergents.

3 172,47 
L’indice chinois CSI 300 au 12 septembre, au plus bas de l’année.

10% 
La baisse minimum du tarif régulé d’EDF en février 2025, selon la CRE (Commission de régulation de l’Énergie).

Les marchés redoutent une nouvelle récession

C’est la rentrée et le mot qui circule actuellement le plus dans les salles de marché n’est pas « vacances » mais « récession ». En ces temps de ralentissement économique, les investisseurs voient le verre à moitié plein. Ils redeviennent, comme en 2023, allergiques à tous les signes de faiblesse d’activité. 

Il faut dire que la saisonnalité est souvent défavorable sur les actions en septembre. La performance moyenne mensuelle de l’indice S&P 500 a été tout le temps négative depuis 2020. Et elle a été en moyenne négative de 0,98% depuis 1979. Ainsi, on peut observer depuis les 44 dernières années, 24 performances mensuelles négatives avec une moyenne de -4,32% contre 20 performances mensuelles positives avec une moyenne de +2,98%. De surcroît, après un mois d’août particulièrement volatil avec un mini krach à la bourse de Tokyo, suivi par un fort rebond des marchés permettant à plusieurs indices actions de tutoyer leur précédent record, il est bon de prendre quelques bénéfices, sans toutefois céder à la panique. Tout recul jugé excessif de titres de qualité devrait constituer, selon nous, une opportunité d’investissement.

La sélectivité et le biais défensif après un fort rebond apparaît comme une stratégie de bon sens. Malgré un environnement global en croissance, certains signaux ont viré au rouge et ne peuvent pas être ignorés, même par les plus optimistes.

L’emploi américain est le sujet de préoccupation première. La hausse du chômage de juillet à 4,3% avait particulièrement inquiété la communauté financière. Pourtant, il convient de tenir compte des aléas climatiques, fortement impactés par l’ouragan Béryl.

Les données d’août devront donc démontrer s’il s’agit d’une nouvelle tendance de fond ou si c’était un accident. Néanmoins, nous sommes moins optimistes sur ce point depuis que le nombre d’emplois offerts aux États-Unis a chuté en juillet à 7,67 millions. Soit le niveau le plus bas depuis janvier 2021.

Le fameux ratio d’emplois offerts pour chaque chômeur est de facto revenu à 1,1 contre 2 au printemps 2022, au plus fort des tensions sur le marché du travail. L’indice ADP de variation d’emplois en entreprises pour le mois d’août a été positif de seulement 99 000, également au plus bas depuis janvier 2021. Néanmoins, nous ne sommes toujours pas en contraction. Le nombre d’employés dans la population active se maintient à plus de 161 millions. Bien au-delà des 159 millions d’avant la pandémie.

De plus, les nouvelles demandes d’allocations chômage restent très faibles. Elles se situent à 227 000 au 31 août, bien inférieur à la moyenne d’avant le Covid. La première conclusion est que les tensions sur le marché du travail ont disparu, car les entreprises embauchent beaucoup moins, mais ne licencient toujours pas massivement. La thèse du ralentissement économique tient donc toujours.

Néanmoins, ces faibles chiffres confortent la Fed d’initier un cycle d’assouplissement monétaire le 18 septembre. Et ce, surtout depuis que Jerome Powell a déclaré à Jackson Hole que l’institution monétaire n’accueillait plus favorablement toute faiblesse supplémentaire du marché du travail.

Les conséquences de ces futures baisses de taux sur la valorisation des actifs financiers sont positives, avec une augmentation des multiples. Contrairement à ce que l’on pense, la période de un à deux mois avant et après la première baisse des taux de la Fed est historiquement défavorable pour les marchés actions. En effet, les investisseurs redoutent le pire. Cette faiblesse est vite corrigée en cas de résilience économique, comme démontrée dans notre édito de la semaine dernière, avec les statistiques historiques des performances de l’indice S&P 500 lors des huit derniers cycles d’assouplissement monétaire.

Malheureusement à ce jour, le débat n’est pas encore tranché. Cela explique les craintes excessives du marché à la moindre faiblesse, comme un indice PMI manufacturier légèrement révisé en baisse en août à 47,9 contre 48 précédemment. Et un ISM manufacturier d’août en hausse sur le mois précédent à 47,2 contre 46,8, mais inférieur aux attentes à 47,5.

Cette angoisse n’a pas disparu, malgré des indicateurs PMI et ISM des services en hausse et supérieurs au consensus. Rien n’est perdu et restons pragmatiques dans nos investissements, mais sélectifs et défensifs.

99 000 
Les créations d’emplois en entreprises aux États-Unis en août selon l’ADP (averagedaily production), au plus bas depuis janvier 2021.

7,67 millions 
Le nombre d’emplois offerts et non pourvus en juillet aux USA, au plus bas depuis janvier 2021.

94,3 % 
Le pourcentage de nouvelles immatriculations en voitures électriques en Norvège en août. Nouveau record mondial.

Un nouveau cycle de la Fed et la fin de celui de Nvidia ?

« Le temps est venu d’ajuster la politique monétaire. La direction du voyage est claire, mais le calendrier et le rythme des baisses dépendront des données économiques et de l’évolution de la situation et de la balance des risques ».

Ces propos de Jerome Powell prononcés à la conférence de Jackson Hole ont été reçus 5 sur 5 par les investisseurs. La Fed va enfin mettre fin, le 18 septembre, au plus dur cycle de durcissement monétaire depuis quatre décennies.

« Ma confiance s’est accrue sur le fait que l’inflation est sur une tendance durable d’un retour à 2% ». L’attention de la banque centrale américaine n’est plus focalisée sur l’inflation. Désormais, elle se porte sur le deuxième objectif de son double mandat, à savoir maximiser durablement l’emploi.

Quelles sont les conséquences de ce changement de paradigme pour les actifs financiers et pour les portefeuilles ? Et ce, alors que les résultats de Nvidia sont excellents mais insuffisants pour provoquer une nouvelle ruée vers les valeurs de l’intelligence artificielle ?

Que dit l’histoire ? Depuis 1980, il est possible d’identifier huit cycles majeurs de baisse de taux de la Fed de plus de 1%.

Les cinq cycles initiés avant l’an 2000 se sont traduits par des performances positives du marché actions (indice S&P 500 hors dividendes) douze mois après la date de la première baisse de taux : +33,66% (douze mois après le 01/04/1980), +34,48% (01/04/1982), +12,70% (02/10/1984), +13,85% (05/06/1989) et +18,67% (06/07/1995).

Après l’an 2000, le bilan des trois cycles de baisses est beaucoup plus mitigé. On recense deux performances négatives pour une seule positive, avec des chocs économiques :  -13,53% (03/01/2001), -23,91% (18/09/2007) et +8,92% (31/07/2019). 

Actuellement, comme dans les années 1980, nous sommes en période de désinflation et de ralentissement économique. Nous pouvons donc pencher pour la thèse d’un impact favorable de l’assouplissement monétaire sur les actifs financiers, dont les valeurs de croissance et les défensives (santé y compris). La clé sera donc de ne pas basculer vers un cercle vicieux de faiblesse économique et de baisse des profits des entreprises. C’est pourquoi, le marché sera plus sensible, selon nous, aux données économiques, qu’aux nouvelles liées aux politiques monétaires.

Les résultats de Nvidia étaient la publication la plus attendue de ce deuxième trimestre. Certains médias ont même qualifié cet évènement comme étant le plus important de l’année. Il est vrai qu’une frénésie vers les valeurs technologiques, plus précisément vers celles spécialisées dans l’intelligence artificielle, s’était produite après le 22 mai. A la suite des excellents chiffres du trimestre précédent.

Les flux colossaux enregistrés vers les fonds spécialisés dans ce type de valeurs (l’équivalent de 6% de leurs encours totaux), avaient provoqué une hausse de plus 40% du titre Nividia et de 12,8% du NASDAQ 100 jusqu’au 18 juin.

Malgré une hausse de 122% des revenus de la société et de 168% du bénéfice par action sur un an, le titre a clôturé en baisse de 6,38% le lendemain de la publication.

On peut identifier plusieurs raisons à cette déception. La première est d’une évidence absolue : tous les investisseurs autorisés à posséder des actions détiennent massivement Nvidia en portefeuille. En effet, sa capitalisation boursière avait dépassé le seuil des 3 000 milliards de dollars en juin !

La deuxième est liée au phénomène de taille. En effet, le chiffre d’affaires trimestriel a été multiplié par 5 en 18 mois, passant ainsi de 6 à 30 milliards d’euros. La croissance ralentit mécaniquement et se normalise à un niveau qui reste important. La troisième est la valorisation élevée de plus de 41 fois les résultats anticipés de l’année en cours. Ceci n’autorise aucun grain de sable dans la machine, comme une baisse des marges.

Rassurons-nous ! La société prévoit une augmentation séquentielle prudente de plus de 8% de son chiffre d’affaires au prochain trimestre. Les analystes s’attendent à une progression de plus de 40% pour celui de l’année prochaine et de 20% par an pour les années suivantes. Le titre est toujours en progression de 137% depuis le début de l’année et de 705% depuis fin 2022 !

Ses performances futures seront plus réduites et conformes à la croissance des bénéfices. La nouvelle unité de traitement graphique (GPU) Blackwell, qui devrait être lancée avant la fin de l’année sera, selon la société, un beau succès commercial.

168 %
La croissance du bénéfice par action sur un an glissant de Nvidia au 2ème trimestre.

1 009 milliards de dollars 
La capitalisation boursière de Berkshire Hathaway, seule société américaine en dehors de la technologie, ayant atteint ce niveau, la veille des 94 ans de son principal actionnaire Warren Buffet.

Bourse Tokyo : gros Yo-Yo du Kabuto-Cho      

C’était un véritable lundi noir à la bourse de Tokyo ! Les indices Topix et Nikkei ont enregistré une perte à la clôture de plus de 12% par rapport à vendredi soir. Ce 5 août restera dans les annales, comme la deuxième pire séance de la bourse de Tokyo. Fort heureusement, les pertes de ce mini-krach ont été fortement réduites le lendemain et le surlendemain . Avec un rebond cumulatif en deux jours de plus de 11%. 

L’indice VIX représente la volatilité implicite en temps réel sur les options négociées sur le CBOE de Chicago sur le sous-jacent de l’indice S&P500.

Celui-ci a flambé ce lundi 5 août. Il a affiché un plus haut à 65 une heure avant l’ouverture du marché américain pour clôturer la journée à 38. Contre 20 en début d’après-midi le vendredi précédent. Ce pic constitue la troisième plus forte tension jamais enregistrée après celle survenue au cours de la pandémie de mars 2020 (85) et durant la crise financière de 2008 (89). Cet excès de peur s’est traduit par une baisse en séance de 6,5% pour le future Nasdaq 100 et de plus de 15% pour le titre Nvidia, avant de limiter la casse à la fin de la journée à respectivement plus de 3% et moins de 6%.

C’est une accumulation de plusieurs facteurs au même moment qui ont provoqué ce mini-krach aussi brutal qu’inattendu. Tout d’abord, il convient de planter le décor. Avant cet évènement, investir sur la bourse de Tokyo était une des stratégies d’investissement favorites des opérateurs, avec celle des 7 magnifiques aux États-Unis dont Nvidia. Ainsi, l’indice Nikkei a battu ses précédents records datant de fin 1989 et accumulait une performance dividendes réinvestis de plus 66% en devise locale entre fin 2022 au 11 juillet dernier. Soit bien au-dessus de celle de l’indice S&P500 américain (+50% en dollar) et des indices européens Euro Stoxx 50 (+40%) et CAC40 (+25%). 

Ensuite, le financement à court-terme est actuellement quasi gratuit en yen à 0,25%, comparé au coût de 5,50% en dollar et à celui de 3,75% en euro. Cet écart important s’explique par le plus fort durcissement monétaire depuis 40 ans adopté par la FED et par la BCE depuis la création de l’euro. Tandis que ces deux institutions relevaient massivement leurs taux directeurs en 2022 et 2023, la Banque du Japon était restée inactive. Trop contente de voir enfin de l’inflation, après avoir lutté en vain pendant plusieurs décennies contre le mal de la déflation. Les conséquences ont été immédiates et perverses.

Le yen est devenu la devise de financement favorite. En effet, elle est peu chère avec des taux quasi nuls, voire négatifs en réel si l’on déduit l’inflation japonaise. Une des opérations favorites était celle dite de portage ou de carry trade. Celle-ci consiste à emprunter en yen et à placer la somme équivalente en dollar après une opération de change (de vente de yens contre un achat de dollars). Ceci permet d’empocher sur la durée l’écart de rémunération entre les deux devises. Dans une note récente, J.P.Morgan estimait à 4 000 milliards de dollars, les montants consacrés à de telles opérations. Un chiffre colossal !

Cette pratique a été tellement adoptée que sa conséquence a été la forte baisse de la devise nippone qui s’était dépréciée de 14% contre le dollar depuis le début de l’année. Les opérateurs gagnaient sur les deux tableaux, c’est-à-dire sur le portage et sur le gain de change, car ils étaient emprunteurs d’une devise qui se dépréciait.

À la surprise générale, la BoJ a augmenté ses taux directeurs à 0,25% le 31 juillet. Dans son compte-rendu de sa réunion, il est stipulé que l’objectif des gouverneurs est de durcir davantage la politique monétaire. La possibilité de voir les taux à 1% d’ici la mi-2025, avec de surcroît une diminution de la taille du bilan de la banque centrale est non négligeable.

Le même jour Jerome Powell affirmait que le sentiment général du comité était que l’économie arrivait à un point où il était approprié de baisser les taux directeurs. Cette phrase à immédiatement provoqué une baisse anticipée des taux directeurs de 0,75% d’ici fin 2024. Cette double perspective entre une BoJ qui va augmenter ses taux directeurs et une FED qui va les baisser, a provoqué un renchérissement du yen contre le dollar. Et a créé une menace sur les opérations de portage décrites précédemment, entrainant un début de débouclement brutale de ces positions. 

Les dernières données économiques outre-Atlantique pointaient vers un ralentissement de l’activité. L’indice ISM manufacturier de juillet publié le 1er août a confirmé cette tendance, avec une baisse supérieure aux attentes à 46,8 contre 48,5 le mois précédent.

L’indice des nouvelles commandes s’est également nettement dégradé à 47,4 contre 49,3 en juin. Les données de l’emploi américain ont ravivé les craintes d’une récession, avec un taux de chômage à 4,3% en juillet contre 4,1% en juin. Les investisseurs ressortent avec stupéfaction la règle de l’économiste Claudia Sahm. Cette dernière prédit une récession quand le taux du chômage augmente de 0,50% lors des 3 derniers mois.

C’est effectivement le cas depuis mars dernier où la donnée était à 3,8%. La conséquence a été immédiate. Les anticipations voient une baisse des taux de la FED de 1,39% d’ici janvier 2025. Et une ruée vers les actifs les plus sûrs (emprunts d’État), au détriment des actions, notamment les plus cycliques. Néanmoins, nous estimons que les données de l’emplois de juillet sont faussées par une augmentation importante de la population active et un nombre élevé de personnes (plus de 400 000) ne pouvant pas exercer à cause des conditions météorologiques, notamment de l’ouragan Béryl. 

L’ensemble des signaux évoqués, à savoir une probabilité de récession plus prononcée, une hausse des indices de volatilité, une remontée du yen et à terme, une réduction de l’écart des taux de rémunération entre devises, ont provoqué une forte réduction du risque dans les portefeuilles. Cela s’est traduit pour les fonds spéculatifs par une forte baisse du levier. En clair, par des ventes massives du dollar au profit du yen.

Egalement des ventes d’actions où les expositions sont les plus importantes, à savoir les actions japonaises et technologiques et des achats d’emprunts d’État. Certaines banques évoquent une cession cumulée de plus de 60 milliards de dollars de ces acteurs, qui devrait s’achever cette semaine. L’importance de ces flux, dans une période de l’année où la liquidité est traditionnellement réduite, explique le fort décrochage des indices concernés par ces mouvements. La baisse de plus de 10% des valeurs liquidatives des fonds CTA depuis début juillet indique clairement qu’ils étaient les plus vulnérables et sont donc les plus concernés par ces cessions.  

Si la volatilité est l’ennemi du spéculateur, les cours bradés sont les amis de l’investisseur à long terme. Plus les variations sont élevées, plus les risques sont importants dans les livres des spéculateurs à court-terme. Cela se traduit par des pertes latentes plus importantes et des décisions malheureuses de vendre au plus bas pour couper ses positions. En revanche, des cours bradés constituent une excellente affaire pour l’investisseur à long terme, afin de construire son portefeuille à moindre coûts. La chute des bourses de lundi dernier a été l’opportunité d’acheter des titres à des prix inespérés.

Selon nous, la volatilité devrait se prolonger durant au moins tout le mois d’août, ce qui devrait étendre la période de bonnes affaires, notamment sur les valeurs de croissance. D’un autre côté, les séances de fort rebond, seront les occasions d’alléger les titres les plus fragiles ou plus vulnérables dans un cycle de ralentissement économique. Maintenir une poche importante de liquidités et être sélectif et agile nous semble être une stratégie adaptée pour la suite de l’été.

Résultats T2 2024 : peu de médailles pour les sociétés cotées !

Nous sommes aux deux tiers de cette saison de publication des résultats du 2ème trimestre. Malheureusement l’ambiance actuelle est loin de l’euphorie des Jeux Olympiques, où nos sportifs accumulent les médailles.

Comme toujours, il y a les faits et le ressenti ou plutôt l’objectif et le subjectif. Sur le plan statistique, les données sont globalement satisfaisantes, mais avec beaucoup de dichotomie entre les zones géographiques, les secteurs et les valeurs. Du côté positif, retenons que la croissance des bénéfices par action sur un an glissant redevient positive en Europe (+1,7% pour les entreprises de l’indice STOXX Europe 600), ce qui constitue un point d’inflexion depuis le 1er trimestre 2024. 

Cela sera-t-il suffisant pour soutenir les marchés en août, un mois historiquement très volatil ?

Les États-Unis surperforment, une fois de plus, les autres zones géographiques. Ainsi, la croissance des ventes des entreprises américaines sur un an glissant ressort à 5,2% contre 0,5% pour celles du Vieux Continent.

Celle des bénéfices par action reste impressionnante à 12,4% contre 1,7% en Europe. Cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. En effet la progression des bénéfices par action des secteurs défensifs est supérieure à celle des secteurs cycliques. Et ce, des deux côtés de l’Atlantique (18% contre 5% aux États-Unis et +7% contre -7% en Europe).

Ce fort écart explique le mouvement de rotation sectorielle observé depuis plusieurs séances, en faveur d’entreprises moins sensibles à l’activité économique. Ce qui est notamment le cas des entreprises du secteur de la santé.

Si on pousse l’observation plus loin, la zone euro est à la traîne. Et ce, même en comparaison avec le continent européen. En effet, la zone euro est en décroissance de 3% en ce qui concerne les bénéfices par action.

Seulement 56% des entreprises ayant publié ont battu le consensus sur leur bénéfice par action. Et une minorité ont dépassé les attentes concernant leurs revenus. Ces chiffres négatifs expliquent la désaffection actuelle des investisseurs pour notre espace économique, auquel s’ajoute l’imbroglio politique en France.

À cela s’ajoute un pessimisme ambiant, après l’euphorie du 1er semestre. Les récents évènements au Moyen-Orient, ainsi que l’annonce d’un ISM manufacturier en baisse et en zone de contraction aux États-Unis, ont incité les stratèges à baisser le risque dans les portefeuilles. On ressent une vague de ventes sur des titres avec des fortes plus-values et fortement détenus, y compris dans la technologie. Ce secteur connait actuellement une forte volatilité, tant au niveau des indices que sur les valeurs.

La performance des titres après l’annonce de leurs résultats dépend non seulement de la qualité de ceux-ci, mais également de l’atmosphère des marchés. À ce jour, le nombre de relèvements de prévisions annuelles des sociétés en Europe est au plus bas depuis 2020. Ce manque de perspectives positives, même en cas de publication satisfaisante, explique la performance médiane négative des titres le jour de leur publication. Les déceptions sont fortement sanctionnées et peu de bonnes surprises sont appréciées par le marché. 

Dans le luxe, la médaille d’or a été une nouvelle fois décernée à Hermès International. L’entreprise enregistre une croissance organique de 13%, à taux de change constant.

Même si on est loin des 28% du 2ème trimestre 2023, le bilan est beaucoup plus positif que celui de tous ses concurrents, y compris celui de LVMH. En effet, la plus grosse capitalisation boursière du CAC 40 a fortement déçu. LVMH enregistre une progression de 1% de son chiffre d’affaires à taux de change constant, soit une décroissance de 1% en euro.  

La Chine ainsi que les vins et spiritueux, expliquent cette contreperformance, avec comme sanction une baisse de 4,66% du titre au cours de la séance suivante.  Les nombreuses déceptions parmi les acteurs dans le luxe expliquent le mouvement actuel de désaffection. Le titre Hermès International cote moins cher aujourd’hui qu’à la veille de sa publication de résultats. En cas de baisse plus prononcée d’ici la fin du 3ème trimestre, ce pessimisme  peut constituer une opportunité d’investissement à long terme. Les investisseurs défensifs et  sélectifs devraient bien s’en sortir selon nous ces prochaines semaines, malgré une plus forte volatilité des marchés.

46,8 
L’indice ISM manufacturier américain de juillet, au plus bas depuis novembre dernier

27 %  
La  croissance organique de Microsoft dans Azur et les services du cloud au dernier trimestre