Capitulation et rebond historique

Nous vivons une période exceptionnelle. Les indices S&P 500 et Nasdaq 100 ont connu, ce mercredi 9 avril, une progression de 9,52 % et de 12,02 %, soit respectivement leur plus forte et leur 3ème plus forte hausse depuis 2008 et 1980.

Certes, ce n’est pas la première fois que les marchés sont aussi volatils, avec des séances de forte amplitude, voire de krach. Ce qui est totalement atypique aujourd’hui est que ces forts mouvements quotidiens, à la hausse comme à la baisse, soient provoqués par la décision d’une seule personne. Qui fait la pluie et le beau temps.

L’ouragan est tout d’abord venu de la Roseraie de la Maison-Blanche, en ce jour du 2 avril 2025. Avec la décision du Président d’instaurer un droit de douane minimal et universel de 10 % pour toutes les importations sur le sol américain. Et ce, en complément d’un tarif dit de réciprocité, pouvant aller jusqu’à 46 % pour le Vietnam.

Le taux additionnel de 34 % pour la Chine (en plus des 20 % annoncés précédemment), a immédiatement provoqué une chute des bourses mondiales, avec la hantise de la récession. Ensuite, l’éclaircie est venue par la décision du 9 avril de Donald Trump de suspendre pendant 90 jours ces tarifs de réciprocité, à l’exception de ceux de la Chine. Pékin, ayant eu l’outrage de répliquer, se voit imposer, par jeu de surenchères, un taux cumulé désormais fixé à 145 %.

Que faire dans cette période d’instabilité et surtout de faible visibilité ?

 « Restez cool ! » et « c’est un super moment pour acheter ! ». L’omniprésent et très médiatique Président a décidément le sens de la formule. Ces tweets de 9h30 et de 9h37 (heure locale) ont été postés en pleine tempête boursière. À l’aube de cette journée du 9 avril, les marchés sont proches de la rupture. L’escalade entre les États-Unis et la Chine se poursuit. Après le mini krach de Hong Kong du 7 avril, une quasi panique ambiante s’est installée.

La baisse cumulée depuis le 2 avril des indices boursiers des deux côtés de l’Atlantique dépasse allègrement les 11 % ce matin-là, heure américaine. Un fait nouveau fait flancher les investisseurs : la forte remontée soudaine des taux d’intérêt. En pleine tension commerciale, le spectre que la Chine, avec Hong Kong, détenait plus de 1 017 milliards de dette américaine en janvier 2025, selon le site du Département du Trésor, fait craindre le pire. Les taux à 10 ans se sont ainsi tendus de 0,60 % en deux séances pour flirter avec le seuil des 4,50 %. Le premier emprunteur de la planète peut vaciller, car son fort taux d’endettement sur PIB constitue son talon d’Achille.

L’indice de volatilité VIX, baptisé également indicateur de la peur, se tend à plus de 57 %. Du jamais vu depuis le mini krach de Tokyo du 5 août dernier. Les carnets d’ordres des actions sont presque vides, faute d’acheteurs, et les vendeurs font massivement baisser les cours. La spéculation baissière est à son apogée aussi bien sur les titres que sur les contrats à terme des indices boursiers.

Il faut plus que de simples tweets pour sauver les États-Unis.

C’est dans ce contexte de capitulation qu’intervient soudainement à 13h18 l’annonce sur Truth Social de la suspension des nouveaux droits de douane dits « réciproques », à l’exception de ceux de la Chine. C’était la nouvelle que les opérateurs attendaient. Il s’ensuivit un fort mouvement de rachat des positions à découvert. Ce dernier provoqua le formidable rebond jusqu’à la fin de séance. Le choix du calendrier de cette décision est tout sauf un hasard. Et celle-ci s’est avérée très efficace ! Des accusations de manipulation de cours surgissent contre le Président.

Le marché va-t-il rester volatil ces prochains jours ? Le point bas du marché du 9 avril constitue-t-il un nouveau support technique et psychologique ?

Même si la panique s’est estompée, les tensions avec la Chine perdurent et le reste du monde est en sursis jusqu’au 9 juillet. Celui-ci est, en quelque sorte, dans l’œil du cyclone (zone de faibles vents au milieu de la dépression). Cependant, l’ouragan peut se déplacer à tout moment, selon la même volonté du locataire de la Maison-Blanche. Néanmoins, le fort mouvement de rachats du 9 avril a provoqué de lourdes pertes chez les spéculateurs. Et ceci va laisser des traces. La période de pause actuelle, avec la perspective de voir des négociations aboutir avec le reste du monde (à l’exception de la Chine), laisse entrevoir la possibilité d’éviter cette tant redoutée récession. Par conséquent, selon nous, le plus bas des indices et des cours de mercredi dernier constitue à court terme un seuil qui sera difficile à franchir.

De surcroît, nous rentrons en période de publication des résultats. Les banques américaines ouvrent le bal dès aujourd’hui. En période de pause, même contrainte et forcée, décidée par Donald Trump, les projecteurs vont désormais se  braquer sur les directions des entreprises. Leurs commentaires sur les perspectives pour le reste de l’année, dans un environnement international si compliqué, vont être scrutés par les investisseurs.

Comment piloter une société avec aussi peu de visibilité ? C’est la question que tout le monde se pose. La volatilité devrait se déplacer aux titres individuels, plutôt qu’aux indices boursiers en général.

12,2%.
La plus forte hausse quotidienne de l’indice Nasdaq 100 depuis octobre 2008, en ce mercredi 9 avril.

145%.
Le taux des droits de douane instauré par les USA aux importations chinoises.

1017 milliards de dollars.
Le montant de bons et obligations du Trésor américain détenu par la Chine et Hong-Kong.

Le jour de la démondialisation

C’était l’événement le plus redouté de l’année. Celui-ci a été finalement le plus redoutable depuis mars 2020 pour les marchés actions.

Les investisseurs tremblaient avant le fameux « jour de la libération », tant voulu par Donald Trump en ce 2 avril 2025 avec l’annonce de nouveaux droits de douane. Ils ont été plus que sonnés par la longue liste des nations concernées. Ainsi que par les nouveaux taux vertigineux appliqués sur certains pays par la nouvelle administration américaine, dès le 5 avril.

Ce choc tarifaire, inédit depuis le début du 20ème siècle, rebat actuellement les cartes du commerce mondial et laisse perplexes les économistes. Devant une nouvelle ère inconnue dans l’histoire de la finance moderne, les professionnels vendent massivement leurs actions pour réduire le risque dans leur portefeuille.

Le bilan est lourd : plus de 4 180 milliards d’euros de capitalisation boursière évaporée en cette séance tristement mémorable du 3 avril. Une perte inédite depuis la pandémie de 2020.

Quel sera l’impact réel sur la croissance et l’inflation, aussi bien pour les États-Unis que pour le reste du monde ? Sommes-nous à l’aube d’un fort mouvement de relocalisation des acteurs de production ou s’agit-il d’un bras de fer voué à ne pas durer ? Quelle sera l’importance des révisions bénéficiaires des entreprises ?

Tout d’abord, Washington a frappé fort. Les droits de douane sur toutes les importations américaines feraient un bond de 22 % tous pays confondus. Passant de 2 % à environ 24 %, soit du jamais vu depuis la loi Hawley-Smoot de 1930.

Le montant total des nouvelles taxes est estimé à plus de 700 milliards de dollars la première année. Un tel choc affole les économistes et les analystes, contraints de reprendre leurs calculettes et d’ajuster leurs modèles. Les premières conclusions tombent et tout le monde est perdant.

Le FMI s’alarme d’un risque important pour la croissance mondiale. Il est en train de réviser à la baisse ses prévisions, qui seront communiquées prochainement. Selon des rapports antérieurs et dans un scénario de riposte généralisée, une hausse globale de 20 % des tarifs sur les échanges mondiaux pourrait impacter le PIB des États-Unis de plus de 2 %. Et celui de la zone euro de plus de 1 %.

Au niveau de l’inflation, le constat est également négatif, avec un surcroît d’inflation de 0,50 % à 1 % pour les États-Unis. Les pays exportateurs subissant ces taxes seraient contraints de brader ailleurs leurs produits invendus, ce qui réduit le risque d’une forte hausse des prix.

Bien que toute entreprise américaine du même secteur subisse le même taux, les conséquences seront bien différentes pour chacune d’entre elles. Tout dépendra en réalité de son niveau de marge brute et de sa faculté à augmenter ses prix. Factuellement, il vaut mieux investir sur des sociétés à forte marge brute (de 75 à 80 %). En effet, une augmentation raisonnable des prix de vente de 4 à 5 % sera suffisante pour faire passer la totalité du surcoût au consommateur.

À l’inverse, dans l’automobile, où les marges brutes sont à peine de 20 %, le coût des intrants représente 80 % du prix de vente. De facto, une augmentation de 25 % (soit les droits de douane instaurés sur les biens en provenance du Mexique) sur les coûts de production représente un surcoût de 20 % sur la base du prix de vente (80 multiplié par 25 %). Il faudra donc augmenter le prix de vente par ce pourcentage pour maintenir les marges. Ce chiffre étant trop élevé pour le client, la conséquence immédiate devrait être un effondrement des volumes.

Les entreprises ont donc des plans de réadaptation, initialement instaurés dans la période de pénurie après la pandémie de 2020, pour faire face aux ruptures dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Vous l’aurez compris, la période de résultats s’annonce cruciale pour bien orienter les investisseurs actuellement déboussolés.

La conséquence directe à plus long terme est une relocalisation vers les États-Unis. Et plus généralement du site de production à son point de vente, pour échapper aux tarifs douaniers. Ce phénomène devrait contribuer à un fort mouvement de démondialisation. Le 2 avril 2025 serait une rupture avec le passé.

Toutes ces conséquences négatives ne tiennent pas compte des baisses d’impôts à venir du programme de Donald Trump. Celles-ci sont évaluées à plusieurs billions de dollars (milliers de milliards). Les Américains les plus riches sont censés en profiter, tandis que les plus pauvres devraient subir les conséquences d’un regain de l’inflation. Les inégalités devraient donc se creuser davantage outre-Atlantique. En attendant une volte-face sur sa politique tarifaire, qui n’est pas exclue dans le communiqué officiel de la Maison-Blanche du 2 avril, Donald Trump a perdu la confiance des marchés.

La perte de richesse depuis le 2 avril pourrait provoquer une récession. Le jeu est effectivement dangereux.

En attendant les mesures de rétorsion des différents États, il vaut mieux rester à l’écart et garder ses liquidités. A l’exception peut être des quelques entreprises à forte marge, non visées par des tarifs douaniers, dont le cours de bourse subit les affres des marchés. C’est une incohérence qui sera corrigée tôt ou tard par les investisseurs. À nous de les trouver ! 

4 180 milliards d’euros.
La perte de capitalisation boursière de l’indice MSCI ACWI (All Country World), ce 3 avril 2025.

700 milliards de dollars.
Le montant supplémentaire des droits de douane instaurés par les États-Unis.

1%.
La baisse probable du PIB mondial provoquée par une guerre commerciale.

Tesla perd sa couronne électrique

Ce sont deux entreprises bien différentes, au firmament du marché du véhicule électrique. Malgré leurs divergences des deux côtés du Pacifique, Tesla et BYD ont des histoires similaires. En effet elles ont lancé leur premier modèle 100 % électrifié quasiment au même moment (2008 et 2009).

Le constructeur américain est considéré à tort comme le pionnier dans ce domaine, même s’il a réussi à transformer un marché marginal de prototypes en succès commerciaux dotés d’innovations. Le chinois, initialement fabricant exclusif de batteries, s’est hissé en janvier sur la plus haute marche du podium. Il a vendu 125 377 véhicules tout électriques contre plus de 101 000 pour la firme texane, selon des données provisoires.

De surcroît, BYD vient d’envoyer un véritable coup de semonce qui résonne encore dans les oreilles des investisseurs, avec l’annonce d’un nouveau système de charge appelé « Super e-Platform ». Ce système permet aux voitures de récupérer plus de 400 kilomètres d’autonomie en 5 minutes. L’américain Tesla, qui était doté de la technologie la plus avancée, se voit démodé avec son temps de charge de 15 minutes pour 320 km.

Est-ce le début de la fin pour Tesla et la consécration pour BYD ?

Nous allons résumer l’histoire de ces deux épopées industrielles, pour analyser les forces et les faiblesses de ces deux sociétés. Nous essayerons de répondre à la question que tout le monde se pose actuellement : Tesla est-elle sur le déclin ?

C’est une aventure qui précède de beaucoup celles de nos deux protagonistes. Ainsi, l’invention du premier véhicule électrique remonte aux alentours de 1830, avec le premier prototype de calèche électrique conçu par l’Écossais Robert Anderson. C’est en 1881 que le Britannique Thomas Parker prétend être l’inventeur de la toute première voiture électrique.

Non, les premiers taxis électriques n’étaient pas des Tesla, mais des Electrobats. Ils circulèrent à New York en 1897, pouvant atteindre la vitesse de 20 miles à l’heure (≈ 32 km/h), et dotés d’une faible autonomie de 25 miles (≈ 40 km) par charge. Ce handicap a fait que, pendant plus d’un siècle, les nouveaux modèles qui suivirent n’ont rencontré que des échecs ou de faibles succès. C’est dans ce contexte que naissent BYD en 1995 en Chine et Tesla en 2003 en Californie. La première est à l’origine un fabricant de batteries rechargeables. BYD se lança dans l’automobile en 2003, avec le rachat de Tsinchuan Automobile Company.

En 2008, la firme de Shenzhen présente son premier modèle tout électrique, la BYD e6, doté d’une autonomie de 200 kilomètres et commercialisé en 2011. Tesla naquit en 2003, avec, dès l’origine l’ambition de créer des voitures tout électriques. C’est en 2008 que l’entreprise texane lança son roadster. Le bilan de ces deux véhicules est assez similaire : à peine quelques milliers d’exemplaires vendus.

Tout changea pour Tesla, avec une introduction en bourse en 2010 et le lancement du modèle S en 2012, d’une autonomie maximale de 426 km et un temps de charge d’une heure pour 350 km. Les ventes du constructeur sont passées de plus de 22 000 en 2013 à plus de 1,77 million en 2024, grâce à une gamme variée. Le succès du groupe repose sur ses batteries et ses modèles aux performances remarquables. 

BYD a construit des automobiles 100 % thermiques jusqu’en 2022. Et a vendu un total de 4,25 millions de véhicules en 2024 dont 2,48 millions d’hybrides et 1,76 million de tout électriques. Son chiffre d’affaires a dépassé les 107 milliards de dollars en 2024, contre 98 milliards de dollars pour Tesla. L’avantage en taille est pour le Chinois, dont 71 % des ventes sont réalisées en Chine, en croissance de plus de 40 % en 2024 et qui bénéficie de subventions importantes. 

Malgré tout, Tesla dispose encore des meilleures batteries, connues pour leur haute densité énergétique de 241 Wh/kg et de 643 Wh/l de technologie nickel, manganèse et cobalt. La société envisage d’innover davantage avec des batteries à électrodes sèches et des batteries à état solide. Bien que moins chères et moins sujettes à la surchauffe, les batteries de BYD utilisent une technologie de lithium, fer et phosphate, de densité énergétique inférieure (160 Wh/kg et 355 Wh/l).

Néanmoins, l’image de marque de Tesla a été affectée par les injonctions politiques d’Elon Musk. Les ventes se sont écroulées en Europe en 2025 et ont reculé nettement en Chine, dans un marché en progression. Selon nous, l’objectif trimestriel proche des 500 000 véhicules est irréalisable. Les courbes se sont donc croisées et ne risquent pas de s’inverser de sitôt. Il faut un changement d’image et de nouveaux modèles. Cela prendra du temps. Pour autant, l’entreprise d’Austin n’a pas de dettes nettes, dispose des meilleures batteries et contre-attaquera avec de nouveaux chargeurs. Le sursaut aura bien lieu, mais plutôt ces prochaines années. En attendant, des droits de douane permettent de contrer BYD aux États-Unis, même s’ils bloquent Tesla dans sa stratégie d’une meilleure accessibilité des modèles en produisant au Mexique. Le matche reste donc à suivre.

5 minutes.
Le temps de charge pour récupérer 400 kms avec le chargeur ultra rapide de BYD.

4,27 millions.
Le nombre de véhicules électriques et hybrides vendus par BYD en 2024.

300 milliards de dollars.
La valorisation d’OpenAI, selon les conditions des prochaines augmentations de capital.

Moins de croissance, plus de relance

C’est un fait. Depuis quelques semaines, les indicateurs américains indiquent un ralentissement dans les services et un consommateur inquiet et prudent.

Il semble qu’Elon Musk et sa tronçonneuse, ainsi que les volte-face de Donald Trump aient un impact à court terme plus néfastes que prévu. La banque britannique Barclays relevait, dans une note du 17 mars, des dépenses en cartes de crédit plus faibles dans les comtés à forte concentration de fonctionnaires. Ces derniers ont pleinement pris conscience du risque de licenciement qui plane sur eux d’ici septembre.

La ferveur des investisseurs a ainsi laissé place au scepticisme devant l’acharnement à instaurer des tarifs douaniers potentiellement néfastes pour l’économie. La politique économique du nouveau président, qui consiste à baisser drastiquement les dépenses fédérales et à instaurer des mesures tarifaires pour financer partiellement un programme gigantesque de baisses d’impôts, a un effet négatif dans l’immédiat et positif pour 2026.

En Europe, la zone boursière est en effervescence actuellement. Les importants plans d’investissement allemands dans la défense et les infrastructures auront un impact pleinement positif sur l’activité seulement à partir de l’année prochaine. En Chine, où le secteur privé est atone et la croissance uniquement soutenue par le gouvernement et les exportations, un plan spécial a été annoncé cette semaine pour relancer la consommation et fortement augmenter les revenus.

Dans son rapport intermédiaire de mars, l’OCDE vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2025 à 3,1 %, et a fait toute la synthèse dans son titre « Garder le cap dans l’incertitude ».

Les investisseurs suivront-ils ce conseil et seront-ils assez patients ?

L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a officiellement fermé la porte à une reprise économique en ce début d’année. Dans son scénario précédent, établi en décembre dernier, l’agence intergouvernementale prévoyait une accélération de la croissance en 2025.

Dorénavant, ce sera une diminution constante tout au long de l’année, passant d’un rythme de 3,3 % à 2,9 %. Le coupable est tout trouvé : l’instauration de droits de douane bilatéraux entre les États-Unis, le Canada, le Mexique, la Chine et l’Europe. Environ 8,2 % du total des échanges mondiaux de biens et de services seraient affectés par ces mesures.

Au niveau sectoriel, une baisse des volumes d’exportations de 2 à 3 % est envisageable sur les véhicules et pièces automobiles, les machines et biens d’équipement, les produits du pétrole et du charbon, les équipements électroniques, les métaux et les produits chimiques. L’agriculture et l’alimentaire ne seraient pas non plus épargnés. L’OCDE estime même que le PIB mondial pourrait être réduit de 0,3% les deux années suivant la mise en place des droits de douane, si ces mesures ne sont pas annulées. Le choc est bien réel et potentiellement durable. 

Dans l’immédiat, il ne faut pas espérer un soutien de la part de la banque centrale américaine, puisque celle-ci a maintenu ses taux directeurs inchangés ce mercredi 19 mars. Jerome Powell a précisé dans sa conférence de presse que la Fed n’était pas pressée d’ajuster sa politique monétaire. De ce fait, le statut quo devrait perdurer lors de la prochaine réunion du 7 mai. Les membres du comité FOMC ont relevé leurs prévisions d’inflation à 2,80 % contre 2,50 % auparavant. Ils ont abaissé celles de la croissance du PIB à 1,7 % contre 2,10 %. L’incertitude sur la situation économique ayant augmenté, deux baisses de taux directeurs sont encore possibles d’ici fin 2025. Selon les investisseurs, celles-ci interviendraient en juin et en septembre.

Les économistes sont tous enthousiastes sur les plans allemands de relance en infrastructure et de défense. À plein régime, ceux-ci pourraient doper la croissance allemande de 0,7 % entre 2027 et 2030. Certains, comme BNP Paribas Exane prévoit même davantage (au-delà de 1 %). Grâce à l’effet positif d’un regain de confiance qui débriderait l’économie d’outre-Rhin. L’impact final pour la zone euro serait positif aux alentours de 0,40 %. 

En résumé, les investisseurs doivent naviguer entre une faible croissance à court terme et une reprise de l’activité plus marquée en 2026. Que faire en attendant ? Le fort rebond des marchés européens semble intégrer les bienfaits des plans de relance dans leur globalité. Des prises de profits sont donc envisageables ces prochaines séances. Cependant, selon les discours des sociétés du secteur industriel lors d’un forum à Londres, les besoins sont énormes. En effet les infrastructures et les capacités de production actuelles sont très vieillissantes et totalement insuffisantes pour satisfaire une demande énorme. L’histoire boursière n’est donc pas terminée, alors qu’une grosse partie des ventes sur le marché américain est derrière nous. Ne désespérons pas et gardons le cap ! 

3,1 %.
La croissance du PIB mondial en 2025, selon l’OCDE.

 1 %.
Le supplément de croissance du PIB allemand, grâce aux plans de relance, selon BNP Paribas Exane.

230 000.
Le nombre de passagers affectés par l’annulation de plus de 1 300 vols à l’aéroport d’Heathrow.

Actions américaines : le blues du businessman

Les investisseurs sont désorientés, comme s’ils avaient perdu leur boussole. L’eldorado sur les actions américaines, promis par les stratèges les plus influents depuis la victoire de Donald Trump en novembre dernier, se transforme en véritable fiasco.

Ainsi, nous vivons la pire sous-performance du marché américain depuis 20 ans. À ce jour, la performance en euro de l’indice S&P 500 et du NASDAQ 100 est respectivement de – 10,27 % et de -12,63 %. Contre +9,15 % pour celle de l’indice Euro Stoxx 50 sur la même période.

De surcroît, tous les gains latents sur les portefeuilles américains observés depuis l’élection présidentielle du 5 novembre ont été effacés en moins d’un mois (depuis le 19 février). Et ce, du fait du double effet négatif des baisses des marchés et du dollar.

Dorénavant, les mêmes stratèges qui recommandaient d’acheter des actions américaines au détriment des actions européennes préconisent l’inverse. Alors que l’indice Euro Stoxx 50 a effacé son important retard accumulé depuis fin 2023 sur son homologue américain en euro (qui avait culminé à 25 % le 27 novembre). 

Faut-il les croire, après un tel retracement ? Quelles sont les causes de ce brutal revirement d’opinion ? Qui sont les acteurs qui ont vendu leur portefeuille ? Et ceux ayant renforcé leurs positions au cours de cette violente vague de baisse ?  

Rien ne se passe comme prévu. Une fois encore, ce fameux dicton, applicable à de nombreuses prédictions dans divers domaines, s’est matérialisé sur les marchés.

L’exception américaine, qui a prévalu en 2024 et qui devait se prolonger cette année, semble avoir vécu. Les taux longs américains, qui devaient se tendre – avec une économie florissante et une inflation orientée à la hausse – se sont, en réalité, contractés de 0,26 %.

À l’inverse, les rendements obligataires européens, qui devaient baisser grâce à la poursuite de l’assouplissement monétaire de la BCE, se sont tendus de 0,50 %. L’euro, qui devait se déprécier face au dollar, s’est en réalité renforcé contre le billet vert de presque 5 %.

Devant tant de surprises, certains investisseurs sont pris à revers et enregistrent de lourdes pertes.

Une étude de la banque JP MORGAN du 12 mars, analysant les flux et les liquidités, permet d’identifier ce qui s’est concrètement passé. Tout d’abord, le positionnement sur les États-Unis dans les portefeuilles était extrême jusqu’en février. Les investisseurs avaient quasiment tous favorisé cette zone géographique dans leur allocation, cédant aux sirènes de Donald Trump. De surcroît, l’optimisme était fort et la volatilité était faible. Ce qui a entraîné une prise de risque élevée et une importante pondération en actions dans les portefeuilles. Même au sein des fonds diversifiés.

Le retour aux commandes du président américain, si propice aux affaires et à la dérégulation, devait entraîner une hausse durable de la bourse et des cryptomonnaies. Tout s’est enrayé avec l’instauration des droits de douane élevés et des données macroéconomiques faibles. Ces éléments ont provoqué une révision baissière des prévisions de croissance du PIB outre-Atlantique.

Les fonds quantitatifs ont coupé leurs positions en février pour passer dorénavant vendeurs. Les fonds spéculatifs dits « long/short » ont tardé à réagir. Ils ont enregistré de lourdes pertes sur leurs positions à effet de levier, les contraignant à liquider leurs positions. Ce mouvement ne semble pas terminé à ce jour. Le phénomène est identique sur le change. Les positions vendeuses sur les contrats euro contre dollar ont été réduites, entraînant une forte appréciation de la devise européenne.

Après ce triste tableau, il convient de relativiser. Et ce, même si le mot récession revient en boucle dans les salles de gestion. Le marché du crédit, qui a mieux évalué le risque de contraction de l’activité ces deux dernières années, reste solide. Et les particuliers américains, même s’ils sont devenus pessimistes, continuent d’acheter des actions américaines. Les fonds souverains et de pension devraient procéder à leurs fameux recalibrages trimestriels. Le montant des achats à effectuer par ces entités est estimé à plus de 135 milliards de dollars en fin de mois.

Rien n’est donc perdu, même si le marché reste morose et l’euphorie a laissé place au pessimisme.

Nous vivons un ralentissement aux États-Unis, et non une récession, couplé à une vague de contraction des multiples de valorisation, lié au débouclement d’un excès de positions sur les  actions américaines. Ce mouvement n’est pas terminé et la volatilité se tend, ce qui est synonyme de réduction supplémentaire de positions. Il convient donc d’être patient, avant de procéder à des achats à bon compte et de ne pas désespérer en attendant.

Les nouveaux plans européens de défense et allemand d’infrastructure ont changé la donne pour l’Europe et surtout pour l’Allemagne. Les investisseurs se mettent à croire en un nouvel eldorado, pour se remettre de leur dépression, en achetant les rares valeurs cotées du secteur de la défense. Notre lettre du 21 février était optimiste pour ce segment de la cote. Dorénavant, le titre Rheinmetall se paie 45 fois les résultats 2025 contre 25 fois pour Nvidia.

Attention à ne pas commettre les mêmes erreurs dans l’autre sens, même si le vent a tourné provisoirement et que les cycles sont différents.

3 004 dollars.
Le nouveau record historique en séance de l’once d’or au 14 mars.

200 %. Les droits de douane imposés par les USA sur tous les vins et le champagne, si l’Union européenne ne retire pas les siens sur le whisky américain.

L’art de la guerre

En ces temps de tensions géopolitiques, l’Europe semble redécouvrir les enseignements de Sun Tzu, le célèbre stratège chinois. « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre », écrivait-il.

Cette maxime résonne particulièrement, alors que l’Union européenne revoit ses priorités en matière de défense.

Cette semaine, l’Union européenne a décidé d’autoriser les États membres à exclure les dépenses de défense de la règle des 3 % de déficit public. Cette mesure, proposée par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, vise à permettre aux États de renforcer leurs capacités militaires. Et ce, sans risquer de déclencher une procédure de déficit excessif.

Ce plan, baptisé « ReArm Europe », prévoit d’injecter jusqu’à 800 milliards d’euros dans la défense du Vieux Continent. Avec une enveloppe supplémentaire de 150 milliards d’euros de prêts.

Cette initiative de réarmement revêt une importance particulière à la suite de la rencontre tendue entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président américain Donald Trump. En effet, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Il a également déclaré que les États-Unis ne soutiendraient plus les efforts européens en matière de défense.

Cette décision semble surtout motivée par la frustration de ne pas avoir conclu d’accord avec l’Ukraine concernant le partage de ses ressources naturelles. Une telle mesure pourrait créer un vide que l’Europe devra comble. Offrant ainsi un potentiel de croissance significatif pour les entreprises de défense européennes. 

L’Allemagne, en particulier, a pris des mesures audacieuses pour renforcer son budget de défense. Les partis conservateur et social-démocrate allemands, qui négocient la formation du futur gouvernement, ont annoncé leur intention de réaliser des investissements sans précédent. De plusieurs centaines de milliards d’euros pour renforcer la défense et les infrastructures du pays. Cette initiative est une réponse à la fracture croissante avec les États-Unis et à la nécessité de relancer une économie en récession. Ces projets marquent une accélération spectaculaire des bouleversements dans la première économie européenne.

Après des décennies sous la protection américaine, l’Allemagne s’engage désormais dans un réarmement national et européen d’une ampleur inédite. Pour ce faire, l’Allemagne ouvre les vannes des dépenses publiques, mettant de côté des décennies d’orthodoxie budgétaire. Le maître mot : « quoi qu’il en coûte ! ».

Le futur chancelier allemand Friedrich Merz reprend le célèbre mot d’ordre de la BCE lors de la crise de la dette en 2012. Ainsi, les deux formations politiques vont demander un vote à la Chambre des députés, afin d’assouplir les règles nationales constitutionnelles. Règles qui limitent strictement le déficit budgétaire annuel. Toutes les dépenses de défense dépassant 1 % du PIB pourront être votées sans tenir compte du mécanisme dit du  « frein à l’endettement ». Ce mécanisme limite normalement le déficit annuel du gouvernement à 0,35 % du PIB. L’objectif est d’atteindre au moins 100 milliards d’euros par an de dépenses pour la défense, rapprochant l’Allemagne du seuil de 3 % du PIB consacré à la défense, conformément au nouvel objectif potentiel de l’OTAN.

En France, mercredi soir, Emmanuel Macron a décrit un monde plus brutal marqué par le réveil de la menace à l’Est. Face à cela, il appelle à une Europe plus souveraine. Alors que l’Allemagne lève son frein à l’endettement pour se réarmer, Emmanuel Macron recevra bientôt à Paris les chefs d’état-major des armées des pays européens. Une première qui pourrait marquer l’ébauche d’une Europe institutionnelle de la défense.

Pour financer cette autonomie stratégique européenne, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité de nouveaux investissements et de mobiliser des financements privés. Il a mentionné l’idée d’un nouveau livret d’épargne dédié à la défense pour orienter une partie des 2 000 milliards d’euros d’épargne des Français vers l’armement. Bien que la question de l’impôt se pose, Macron a exclu une hausse de ces derniers, insistant sur la nécessité de réformes et de courage.

Ces décisions, bien que stratégiques, ne sont pas sans risques. La BCE a repoussé, jeudi, le retour de l’inflation vers la cible de 2 % à 2026. Elle a également ajusté sa politique face aux risques inflationnistes liés à la relance allemande et aux potentiels droits de douane de Donald Trump, en baissant ses taux et en envisageant une pause dans l’assouplissement monétaire. Elle devra naviguer avec prudence pour éviter une inflation galopante et maintenir la confiance des marchés.

Ainsi, à l’instar de Sun Tzu qui prônait la victoire sans combat, l’Europe semble adopter une stratégie de renforcement déterminée. Comme le stratège chinois l’enseignait, la véritable force réside dans la capacité à influencer l’ennemi sans engager le combat. Paradoxalement, les décisions de Donald Trump, en retirant l’aide militaire américaine, ont également illustré cette maxime.

En créant un vide, il a contraint l’Europe à se renforcer, influençant ainsi la dynamique géopolitique sans conflit direct. Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits, sans compromettre la stabilité économique du continent. 

800 milliards d’euros.
Le montant du plan historique de la Commission européenne qui vise à réarmer l’Europe.

500 milliards d’euros.
Le montant du fonds spécial allemand qui vise à moderniser ses infrastructures et renforcer sa défense.

Saison des résultats T4 2024 – Les héros sont fatigués

La saison des résultats du 4ème  trimestre est quasi-achevée et le bilan presque final est nettement positif.

Les bénéfices par action aux États-Unis et en Europe sont pour le moment à 7% et 3% au-dessus des attentes. Sur un an, la hausse des profits des deux côtés de l’Atlantique s’élève à 13% et 2%. Ces résultats marquent toujours une forte dichotomie entre les deux zones.

Mais avec un début de retournement de tendance pour le Vieux Continent. Pourtant, les valeurs qui ont brillé au cours de cette période ne sont pas forcément celles que l’on attendait. 

Quel est le point commun entre Nvidia, Hermès et UCB (dans la pharmacie) ? Ces trois entreprises, dont les activités sont bien distinctes, ont affiché une croissance de leurs résultats en 2024 bien supérieure à leurs pairs et au-dessus du consensus. Cependant, elles ont vu leur cours de bourse baisser le jour de la publication.

Des 7 Magnifiques, seul le titre Meta a clôturé positivement (et modestement de +1,57%), la séance après l’épreuve de vérité trimestrielle que constitue la publication des comptes de l’entreprise. Les actions des six autres superstars de la bourse américaine ont donc toutes connu une baisse. Dont les plus lourdes ont été 6,14% pour Microsoft, 7,67% pour Alphabet et 7,72% pour Nvidia. 

Mais où sont donc passés nos super-héros de la cote ? Ceux capables de tirer significativement les indices boursiers vers le haut et prendre à revers tous les vendeurs à découvert ? Est-ce le signe de la fin d’un rallye boursier ?

Restons avant tout factuels et pragmatiques. Parmi toutes les sociétés susmentionnées, seule Tesla donne des signes d’inquiétude. Ses revenus dans l’automobile ont baissé de 8% en 2024 et son résultat net a chuté de 71%.

Les prix de plusieurs modèles ont été réduits pour faire face à la concurrence chinoise et les commandes en Europe s’effondrent. L’effet Donald Trump positif sur l’entreprise texane, grâce à la nomination de son dirigeant à un poste de secrétaire d’État, est en train de disparaître complètement. La capitalisation boursière avait fait un bond de 840 milliards de dollars entre fin octobre et mi-décembre de l’année dernière, passant de 700 milliards à 1 540 milliards de dollars. Le seuil des 1 000 milliards de dollars a été franchi à la baisse cette semaine et la valorisation de la société est dorénavant de 907 milliards de dollars. Cependant, cela reste un cas isolé et les autres champions de la cote n’ont pas failli opérationnellement et leurs perspectives sont toujours favorables. Pour l’exercice suivant, les anticipations de croissance des bénéfices par action pour toutes les 7 Magnifiques vont de 9% pour Meta, à plus de 50% pour Nvidia. 

Nous faisons face à un positionnement extrême des investisseurs avec des attentes trop élevées, habitués à l’exception des grandes valeurs de technologie américaine dont huit (avec Broadcom) sont les principales capitalisations des indices boursiers outre-Atlantique.

Le poids des dix premières capitalisations dans l’indice S&P 500 avait atteint un pic de 39% en janvier. Soit un bon de plus de 20% depuis 2015. Ce ratio se situe désormais à moins de 35%. De surcroît, les audacieux avaient pris l’habitude de renforcer leur exposition sur ces valeurs avant leur publication. Et de les vendre par la suite, empochant de juteux profits. Cette pratique est donc provisoirement révolue. Dorénavant, pour gagner de l’argent avec ces titres, il faut les détenir sur une durée plus longue, comme c’est le cas pour la plupart des actions. Leur performance opérationnelle sera le principal vecteur du succès boursier et non l’expansion des multiples de valorisation. À celui ou celle qui me dit : « La tech américaine, c’est fini, surtout avec DeepSeek », je réponds : « c’est provisoirement fini. Ces entreprises sont incontournables et vont continuer à nous surprendre ces prochains mois ». Nous sommes en réalité dans une phase de réduction d’un excès de positionnement, qui devrait durer plusieurs semaines. 

Il est possible de les regrouper en deux catégories principales.

La première est constituée de sociétés dont l’activité a été difficile, mais avec l’espoir d’un retournement, comme Kering dans le luxe et Nestlé dans l’agroalimentaire. La seconde comprend des entreprises, ayant annoncé une reprise ou une forte augmentation de leur dividende, ou un nouveau programme de rachat de titres. En d’autres termes, ces acteurs ont une volonté accrue de récompenser leurs actionnaires. Et ce, même en période d’incertitudes géopolitiques, ce qui est un gage de confiance. On peut citer entre autres Aviva, Rolls Royce, General Motors, Société Générale et Holcim. Toutes ces données sont réconfortantes, car elles prouvent qu’il existe d’autres valeurs intéressantes en bourse, qui méritent l’attention des investisseurs, même si celles-ci avaient été oubliées depuis plusieurs mois. Contrairement à l’année dernière, une baisse de concentration des indices est synonyme d’un élargissement de titres capable de surperformer. Ce phénomène est historiquement favorable à la gestion active, plutôt que la gestion passive. Donc au travail !

130,50 milliards de dollars.
Les revenus 2024 de Nvidia, soit une hausse de 114 % sur un an et de 384 % en deux ans.

16,2 %.
La hausse du titre Rolls Royce le 27 février, à la suite de l’annonce de la reprise du dividende.

Si vis pacem, para bellum ! (si tu veux la paix, prépare la guerre)

Les réactions du marché surprennent souvent les investisseurs. Ce fut encore le cas cette semaine, avec la forte progression des valeurs européennes du secteur de la défense. Au moment même où se tiennent des sommets pour la paix en Ukraine.

L’explication contre-intuitive est assez simple. Les opérateurs se projettent une nouvelle fois sur le long terme, c’est-à-dire dans le monde d’après. Leur conclusion fait froid dans le dos. Une paix en Ukraine, dans un contexte où le soutien militaire américain est voué à se réduire drastiquement malgré une menace russe toujours aussi présente, signifie un réarmement à marche forcée de l’Europe.

Le lundi 18 février 2025 restera dans les annales avec la plus forte flambée des titres du secteur de la défense depuis février 2022 – le mois de l’invasion de l’Ukraine. Ainsi, les actions Dassault Aviation, Thales, Leonardo, BAE SystemsRheinmetall, SAAB AB et ThyssenKrupp, se sont octroyées entre 6,50 et 19,77 % en une seule séance. 

Faut-il prendre ses bénéfices ou suivre le mouvement ? 

La réponse dépend évidemment du côté où l’on se trouve. C’est-à-dire du point de vue des Occidentaux ou du Kremlin. La tendance pour toutes les nations vivant en paix est sans équivoque et penche pour le premier adage.

Selon l’institut IISS, les dépenses mondiales de défense ont atteint le triste record de 2 460 milliards de dollars en 2024. Contre 2 240 milliards en 2023. Par rapport au PIB mondial, le poids des budgets de la défense a atteint 1,9 %, contre 1,8 % en 2023 et 1,6 % en 2022. La seule zone géographique ayant baissé ses dépenses réelles (déduites de l’inflation) est l’Afrique sub-saharienne. 

Les Américains demeurent les leaders incontestés de l’armement, avec le seuil des 900 milliards de dollars dépassé en 2024. Selon le Département de la Défense (DoD), ce chiffre était constitué d’une base initiale de 842 milliards de dollars. A laquelle s’ajoute plus de 58 milliards de dollars de lois supplémentaires, dont 44 milliards pour l’Ukraine.

Pour 2025, la base initiale prévue est fixée à 849 milliards de dollars, soit une modeste progression de moins d’1 %. En intégrant tous les crédits supplémentaires qui se sont accumulés au fil de l’eau, IISS obtient un chiffre différent, évalué à 946 milliards de dollars l’année dernière. Loin derrière, les deuxième et troisième pays les plus dispendieux en milliards de dollars ont été la Chine (235) et la Russie en guerre (146). Même en intégrant les parités de pouvoir d’achat, ces deux pays arrivent à peine à la moitié du montant américain, respectivement à 477 et à 462 milliards de dollars.

Face à la Russie, le bloc européen a dépensé plus de 310 milliards de dollars. L’Allemagne (86) a ravi la première place sur le Vieux Continent au Royaume-Uni (81), avec une progression de 23 % annuelle.  La France arrive derrière au 8ème rang mondial, avec 64 milliards de dollars devant l’Italie (35) et la Pologne (28). Cette dernière a fortement augmenté son budget, face à la menace de son voisin russe.

Malgré tout cela, Donald Trump juge tous ces efforts insuffisants. En janvier, il a invité tous les membres de l’OTAN à augmenter leur budget défense jusqu’à 5 % du PIB. Cet objectif semble aujourd’hui inatteignable avant une décennie, même en gardant le rythme de progression actuel. 

Depuis l’invasion de l’Ukraine, la performance dividendes réinvestis du titre Rheinmetall (conglomérat industriel de la défense) donne le tournis (+861 %). Cette performance laisse celle – pourtant remarquable dans la technologie – de Nvidia loin derrière (527 %).

L’entreprise allemande est la grande bénéficiaire de l’augmentation des crédits de Berlin. Son chiffre d’affaires devrait doubler entre 2022 et 2025. La progression de l’action du géant américain Lockheed Martin à coté fait pâle figure (à peine 21 %). L’entreprise basée dans la Maryland devrait connaître une augmentation de 14 % de ses revenus sur la même période.

Washington vise actuellement une réduction des dépenses fédérales, afin de financer les gigantesques baisses d’impôts promises par le nouveau président. Elon Musk, en tant que secrétaire d’État du DOGE (Department of Government Efficiency), a brisé le tabou en critiquant ouvertement le programme de l’avion furtif F-35 dont le coût estimé dans sa durée devrait dépasser les 2 000 milliards de dollars pour plus de 1 800 appareils.

Les États-Unis ont officiellement alloué à l’Ukraine 175 milliards de dollars, avec cinq lois votées depuis le début de la guerre. La majorité de cette somme (106) a été attribuée directement pour l’Ukraine, dont 70 milliards en armement. Le solde (69) a été au bénéfice des sociétés américaines. Donald Trump va donc continuer à mettre la pression sur les Européens, en réduisant les crédits à l’Ukraine et les incitant à augmenter davantage leurs dépenses militaires. En attendant, les investisseurs devraient continuer à chérir ce secteur.

2 460 milliards de dollars.
Les dépenses mondiales dans la défense en 2024, selon IISS.

2 700 milliards de dollars.
Le total des dépenses européennes en défense cette prochaine décennie, si le seuil de 4 % du PIB est atteint.

Un point d’inflexion positif dans les résultats des entreprises ?

Les investisseurs retrouvent le sourire. La saison des résultats du 4ème trimestre 2024 est bien entamée et le bilan provisoire est clairement positif.

Ainsi, le pourcentage des sociétés ayant battu les estimations des analystes recensés par Bloomberg, en matière de bénéfice par action, est respectivement de 76% aux États-Unis, de 58% en Europe, et de 62% au Japon.

À ce jour, les résultats publiés ont battu globalement les attentes de 5 % aux États-Unis, de 4 % en Europe et de 12 % au Japon. Encore plus encourageant, c’est la première fois depuis le 1er trimestre 2023, où l’on assiste à une croissance sur un an des bénéfices par action en Europe. Après une série négative de six périodes consécutives.

Sommes-nous à l’aube d’un nouveau cycle durable de croissance des profits dans le Vieux Continent ? 

La photo est jolie, mais tout le monde ne sourit pas sur le cliché. On peut noter de fortes disparités entre les différents acteurs. Du côté des bons élèves en Europe, respectivement 100 %, 83 %, 77 % et 73 % des entreprises des secteurs de l’Immobilier, de la technologie, de la santé et de la finance ont battu le consensus des bénéfices par action.

Les cancres font la grimace. Les secteurs des communications, des matériaux et du service public ont enregistré des scores décevants. Ils enregistrent des taux médiocres de surprise positive seulement à hauteur de 13 %, 23 % et 33 %.

On se félicite d’observer enfin un taux de croissance des bénéfices par action positif. Cependant, celui-ci reste fort modeste (à peine 2 %). Il est toujours pénalisé par l’énergie (-29 %), les matériaux (-18 %) et les services publics (-12 %).

Fort heureusement, la croissance robuste des secteurs de la consommation discrétionnaire (+26 %), de la santé (+20 %), de l’immobilier (+13 %), de l’industrie (+8 %) et de la finance (+7 %), permet de contrebalancer les déceptions et d’afficher un bilan positif.

L’année 2024 est déjà passée et enterrée par les opérateurs. Leur attention se porte désormais sur l’avenir et plus particulièrement sur l’année en cours, ainsi que sur les prévisions à moyen terme des entreprises. À titre d’exemple, le groupe français de luxe Kering a annoncé une baisse de 12 % de son chiffre d’affaires à structure comparable au 4ème trimestre, avec une décroissance de 24 % chez Gucci, pire que les attentes (-22 %). La célèbre marque italienne est à la recherche d’un nouveau créateur.

L’exercice annuel s’achève donc sur un bilan médiocre. Avec également une baisse de 12 % des revenus et de 46 % du résultat opérationnel courant. Pourtant le titre prenait 7 % en début de séance après la publication. La société s’est abstenue de donner des prévisions pour 2025, mais a rassuré les actionnaires avec ses mesures de contrôle des coûts et une stabilisation en Chine.  

Les marchés actions européens avaient connu au cours du second semestre 2024 une nette révision des estimations des bénéfices par action, aussi bien pour l’année 2024 que pour 2025. Cela explique, en partie, le décrochage des indices européens par rapport à leurs homologues américains.

La bonne nouvelle est que la tendance s’est inversée depuis fin janvier. Dorénavant la croissance des BPA 2025 est de 2 % supérieure à celle estimée en début d’année en Europe et 1 % aux États-Unis. Ce changement de cap explique, entre autres, la bonne performance des marchés actions du Vieux Continent cette année. 

Les sceptiques ont sans doute raison d’affirmer que l’estimation pour 2025 est trop élevée. Surtout en rapport avec les prévisions de croissance du PIB qui restent poussifs en zone euro (à peine 1 %).

On peut donc prévoir un mouvement de révisions baissières plus tard dans l’année. Toutefois, le cycle d’assouplissement monétaire de la BCE devrait se poursuivre, ce qui permettrait de compenser partiellement ou intégralement ce point négatif par un effet d’actualisation positif des taux longs. Par conséquent, l’orientation des marchés européens va dépendre, une fois de plus, principalement des bénéfices et des taux longs. À cela, devrait s’ajouter cette année les inconnues des droits de douane et des évènements géopolitiques (élections et résolution éventuelle de conflits). Les stratèges ne sont pas d’accord sur ces sujets et sur leurs issues en 2025. De notre côté, nous maintenons une vison positive ces prochaines semaines.

0,50 %.
La hausse des prix en janvier aux USA (indice CPI), la plus importante depuis août 2023.

109 milliards d’euros.
Le montant des investissements ces prochaines années dans le domaine de l’intelligence artificielle annoncé par la France.

La bourse ou des droits de douane !

La lune de miel n’aura duré que 12 jours.

Donald Trump a fait trembler les marchés en début de semaine en signant, le 1er février, trois décrets instaurant des tarifs de 25% sur les importations en provenance du Canada et du Mexique. La Chine n’a écopé que d’un taux supplémentaire quasi symbolique de 10%. Bien moindre que celui redouté. Concernant l’Europe, le nouveau président a promis de ne pas l’oublier.

Toutefois, le sort du Vieux Continent n’est pas encore scellé. Il va dépendre d’une autre procédure – initiée le 21 janvier par un mémorandum de la Maison-Blanche – demandant à ses agences fédérales une revue complète des causes du déficit commercial américain et des remèdes à appliquer pour le résoudre. 

Cette fois-ci, la secousse boursière n’aura duré que 24 heures. Le temps au dirigeant américain de faire un semblant de volte-face et de suspendre la procédure visant ses deux voisins pour une période d’un mois.

Il apparaît de plus en plus évident, que les droits de douane ne sont qu’un instrument politique et financier pour obtenir davantage. Dans son communiqué du 1er février, disponible sur son site internet, la Maison-Blanche justifie l’action présidentielle par le fait que le commerce international sur les biens physiques représente 67% du PIB canadien, 73% du PIB mexicain et 37% du PIB chinois contre à peine 24% du PIB des États-Unis.

Le déficit commercial américain sur les biens représentait plus de 1 000 milliards de dollars en 2023. Le but est d’insister sur le fait que les autres nations ont plus à perdre dans une guerre commerciale que le pays de l’Oncle Sam. 

Pour le moment, les mesures ont été prises dans le cadre de la loi d’urgence dite IEEPA (International Emergency EconomicPowers Act). Cette fois-ci, la priorité nationale est l’arrêt de l’immigration illégale et des importations de stupéfiants de toute sorte. En visant expressément les cartels de la drogue.

La marche arrière a été obtenue en contrepartie d’une armée mexicaine de 10 000 militaires à la frontière Sud. Et d’un investissement de 1,3 milliards de dollars américains promis par le Canada en nouveaux moyens matériels et humains à la frontière Nord.

La problématique du déficit a été mise de côté pour le moment. Washington a obtenu dans cette négociation des promesses qui pourront réduire le coût de la facture contre l’immigration. Rien de plus. Nul doute que le bras de fer va se poursuivre pour inciter à vendre davantage de produits américains à l’étranger. Et doper les investissements manufacturiers sur le sol des États-Unis, pour moins importer de la zone de libre-échange rebaptisée USMECA (ex-NAFTA) ou en français ACEUM (ex-ALENA). 

Nous trouvons fort intéressante la publication cette semaine de l’indice ISM manufacturier de janvier. Cette dernière ressort bien au-dessus des attentes à 50,9. C’est surtout la première donnée en phase d’expansion (supérieur au seuil de 50) depuis octobre 2022.

De plus, l’indicateur des nouvelles commandes est en forte hausse à 55 contre 52,1. Tout comme celui de l’emploi (50,3 contre 45,4) précédemment. La récession industrielle qui sévissait jusqu’alors est-elle terminée d’un simple coup de baguette magique, grâce à Donald Trump ?

On pourrait le croire à première vue. Il est clair que la menace des droits de douane fait tout accélérer. Les commandes de biens durables ex-transport (hors effet négatif de Boeing) ont été en hausse de 0,30% en décembre.

Il est assez ironique de constater que le déficit commercial américain s’est creusé en décembre. Il est passé de 18,9 milliards de dollars à 98,4 milliards de dollars. Soit le 2ème plus élevé depuis le record historique de mars 2022.  

En 2024, les importations américaines sont en hausse de 6,6% à 4 110 milliards de dollars (soit à un rythme plus élevé que la croissance du PIB de 2,8%) contre une progression de 3,9% des exportations. La hausse des importations sur un seul mois a été de 3,5%, ce qui révèle une accélération forte.

Il est fort probable que les entreprises aient augmenté leurs approvisionnements extérieurs pour devancer l’augmentation des droits de douane.

Il est clair qu’une épée de Damoclès sera omniprésente au-dessus de nos têtes pendant ces quatre prochaines années. Selon les économistes, les conséquences d’une nouvelle guerre commerciale dure seraient néfastes pour toutes les zones. Y compris pour les États-Unis. Et ce, aussi bien au niveau du PIB que de l’inflation.

De facto, le bras de fer sera continu, progressif, mais également raisonné pour ne pas briser l’activité américaine. Par conséquent, les affaires continuent et les bons résultats des entreprises font grimper les indices.

10 %.
Les droits de douane supplémentaires sur les importations chinoises.

98,4 milliards de dollars.
Le déficit commercial américain en décembre, soit le 2ème plus élevé de l’histoire après celui de mars 2022.

100 milliards de dollars.
Le montant des investissements prévus par Amazon en 2025.