Luca de Meo : le designer de la relance roule désormais pour le luxe

En fin de week-end dernier, l'actualité nous a offert un coup de théâtre qui a secoué bien au-delà des cercles financiers habituels. L'homme fort de l'automobile, l'artisan du renouveau de Renault, Luca de Meo, s'apprête à troquer ses bolides pour les défilés de mode, en rejoignant Kering.

Un mouvement inattendu, presque audacieux, qui laisse pantois. Et ouvre le champ à toutes les spéculations. C'est l'histoire d'un homme qui, après avoir redressé des géants de l'asphalte, part à la conquête des podiums.

Son arrivée s'inscrit d'ailleurs dans une tendance plus large, où des profils de dirigeants issus d'autres secteurs, comme l'industrie ou la grande consommation, prennent les rênes de maisons de luxe. Ils prouvent ainsi que la rigueur industrielle et la vision stratégique sont des atouts précieux, au-delà des parcours traditionnels. Ce phénomène démontre que l'excellence managériale ne se cantonne plus aux figures traditionnelles du secteur créatif du luxe.

Car Luca de Meo, c'est avant tout une carrière estampillée du sceau de l'excellence et de la transformation. Passé par Fiat, où il a insufflé une nouvelle vie à des marques comme Abarth et Alfa Romeo, il s'est forgé une réputation de maître en revitalisation de marques. Mais c'est sans doute chez Renault que son étoile a brillé de la plus vive des manières. Arrivé en pleine tempête, après le départ retentissant de Carlos Ghosn et les difficultés financières du groupe, de Meo a orchestré une véritable « Renaulution ».

Il a su, avec une énergie contagieuse et une vision claire, recentrer la marque au losange. Il a su tailler dans les coûts, mais surtout réinvestir dans l'innovation et l'électrification. Sous sa houlette, des modèles emblématiques ont été réinventés. Des partenariats stratégiques ont été noués, et la rentabilité a retrouvé des couleurs. Luca de Meo a su insuffler une culture d'entreprise agile, loin des lourdeurs habituelles des grands groupes, et a redonné confiance aux équipes, comme aux investisseurs. Le redressement fut tel qu'il a souvent été cité en exemple de management à succès.

Alors, pourquoi ce virage à 180 degrés ? Pourquoi quitter un secteur où il est une icône reconnue pour s'aventurer dans l'univers feutré et exigeant du luxe ?

Son désir d'horizons nouveaux, de défis inédits, semble être la première des explications. Il est de ces leaders qui se nourrissent de la complexité et qui cherchent constamment à laisser leur empreinte.

Et Kering, il faut le dire, représente un chantier de taille. Le groupe de luxe, propriétaire de maisons prestigieuses comme Gucci, Saint Laurent ou Bottega Veneta, connaît des déboires significatifs en bourse depuis plusieurs années. Kering a perdu presque 70 % de son résultat opérationnel depuis 2022. Un chiffre qui donne le vertige. Et qui illustre l'ampleur du défi qui attend Luca de Meo.

L'annonce de sa nomination a certes fait bondir le cours de l'action de 12 %. Mais l'histoire nous a déjà montré qu'une telle hausse, comme en juillet 2023, peut s'évaporer en quelques semaines.

Le secteur du luxe, loin d'être un fleuve tranquille, est confronté à des pressions cycliques et structurelles. La bataille ne se gagne pas seulement avec des stratégies financières ou des plans de coupe. Le succès dans le luxe ne peut être tiré que d'une meilleure désirabilité de la marque, d'une pertinence culturelle et des volumes de vente. Autant de domaines où l'intuition artistique et la compréhension profonde des tendances sont primordiales.

Le chantier le plus pressant est sans doute chez Gucci. L'arrivée d'un nouveau directeur artistique ne peut pas radicalement changer la donne en quelques mois. Luca de Meo aura la lourde tâche de relancer cette locomotive essentielle. Tout en s'appuyant sur l'expertise déjà présente dans le groupe, comme l'a indiqué François-Henri Pinault, qui conservera un rôle très impliqué dans la stratégie. La division des rôles entre le président et le nouveau directeur général est d'ailleurs un signe fort de cette nouvelle ère. Les réactions à cette annonce sont multiples. D'un côté il y a l'enthousiasme de ceux qui voient en de Meo le sauveur. De l'autre la prudence de ceux qui reconnaissent que la route sera longue. Et que la trajectoire du groupe à court terme restera compliquée.

Le management actuel de Kering a d'ailleurs déjà mis l'accent sur la maîtrise de la dette et l'avancée des désinvestissements immobiliers. Autant de preuves que le cap est mis sur une restructuration profonde.

Luca de Meo, l'homme des challenges automobiles, se lance donc dans un défi le plus glamour. Et probablement l'un des plus complexes de sa carrière.

Va-t-il réussir à appliquer ses méthodes éprouvées de transformation et de revitalisation de marque dans un univers où les codes sont si différents ? Saura-t-il faire rimer la puissance du moteur avec le frisson de la haute couture ? Seul l'avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : tous les regards sont désormais braqués sur la nouvelle route que prendra Kering sous sa direction. Le spectacle ne fait que commencer.

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