Décidément, les banquiers centraux se font un malin plaisir de nous surprendre depuis une semaine ! Contrairement à la BCE, qui a étonné en augmentant ses taux directeurs, tout en adoptant un discours accommodant, la Fed a déçu en marquant une pause, et avec des prévisions plutôt restrictives. Analysons le bon et le mauvais des dernières données fournies par l’institution américaine.
Scénario de "soft landing"
Selon la médiane des dernières projections de ses membres, la croissance du PIB a été fortement révisée à la hausse, par rapport à juin, à 2,1 % contre 1 % en 2023 et à 1,5 % contre 1,1 % en 2024. Parallèlement, les anticipations du taux de chômage ont été abaissées à 3,8 % contre 4,1 % en 2023 et à 4,1 % contre 4,5 % en 2024.
En d’autres termes, la Fed est en train de nous dire qu’elle ne voit plus de récession imminente, ou alors au pire, un faible ralentissement sur quelques mois, insuffisant pour être qualifié comme telle. De plus, si on se fie aux propos de son président lors de la conférence de presse, le scénario de « soft landing », en anglais, laisserait place à une économie solide et en croissance.
Tout ceci est plutôt positif, en théorie, car bon pour les volumes et donc les profits des entreprises. Un autre élément satisfaisant concerne l’inflation qui, certes, a été modérément révisée à la hausse en 2023 et inchangée pour 2024 pour l’indice nominal (soit respectivement à 3,3 % contre 3,2 % et à 2,5 % inchangé), mais abaissée pour l’indice dit de base (hors énergie et alimentation) à 3,7 % contre 3,9 % en 2023 et inchangé en 2024. Par conséquent. la désinflation n’est pas terminée.
Pourquoi les actions et les obligations baissent ?
Parce que les taux directeurs anticipés par la Fed ont évolué à la hausse pour fin 2024 (5,1 % contre 4,6 % en juin). Ce niveau est toujours supérieur à celui des taux longs à 10 ans actuels aux États-Unis, qui se sont nettement tendus et ont touché un point haut depuis septembre 2007 à 4,49 %.
De surcroît, la Fed n’exclut pas d’ajuster ces prévisions, à la hausse comme à la baisse, selon l’évolution des données économiques. On assiste donc à une pentification de la courbe des emprunts obligataires, avec une remontée des maturités longues. Celle-ci est donc moins inversée et pénalise la valorisation des emprunts d’États et des entreprises, ainsi que celles des actifs risqués donc les actions, surtout celles chèrement valorisées. La baisse de 3,26 % de l’indice Nasdaq 100 depuis le communiqué de la Fed, comparée à celle de 1,87 % de l’indice Dow Jones, en est l’illustration.
Quels changements faut-il adopter dans les portefeuilles ?
Restons pragmatiques. Dans le cas où l’activité économique est plus robuste que prévu outre-Atlantique, couplée avec une pentification de la courbe, il convient de renforcer des valeurs plus sensibles au cycle économiques. L’exemple de FedEx, dont le titre s’est adjugé plus de 4,5% au cours d’une séance fortement négative, mérite que l’on s’y attarde.
La société vient de relever ses prévisions annuelles après un trimestre excellent. Elle a toutefois conservé un message prudent sur l’environnement macroéconomique, mais a également bénéficié d’une baisse de 2 % de sa base de coûts. La belle réaction du titre s’explique par le fait que les investisseurs sont sous-exposés sur ce type de valeurs et probablement trop exposés aux valeurs de croissance aux États-Unis.
D’autres belles surprises sont donc à prévoir sur ce premier segment de la cote. En revanche, compte tenu de la faiblesse des données économiques en Europe, nous ne sommes pas prêts de faire ce type d’arbitrage et préférons toujours une approche défensive et maintenons nos valeurs de croissance, raisonnablement valorisées, au détriment de valeurs cycliques, à l’exception de celles bénéficiant de la transition écologique. La dichotomie entre les deux zones implique une stratégie différente par chaque zone géographique.