Quand les vendeurs à découvert se rachètent

Les investisseurs européens sont démoralisés, après 6 semaines consécutives de baisse des indices CAC 40 et EURO STOXX 50 entre le 15 septembre et le 27 octobre.

Une série de baisse

Il s’agit de la série la plus longue depuis juin 2012, alors en pleine crise des dettes souveraines de la zone euro. La violence du choc est douloureuse, mais malheureusement pas exceptionnelle en termes de performance négative (respectivement de -7,91 % et de -6,54 % hors dividendes). Les principaux avertissements sur les résultats et leur lourde conséquence sur les titres concernés ont effacé de la mémoire les bonnes publications.

Les estimations des bénéfices par action tiennent bon

Heureusement, les estimations des bénéfices par action pour 2023 tiennent bon et sont très peu révisées à la baisse, même si moins de 30 % des entreprises européennes dépassent les attentes en matière de chiffre d’affaires (chiffre historiquement bas). Cette faiblesse des revenus est logique et en conformité avec une contraction de 0,1 % du PIB de la zone euro au 3ème  trimestre. Alors que les actionnaires broient du noir, les marchés se reprennent enfin cette semaine.

S’agit-il d’un simple répit ou le début d’une tendance durable ?

La semaine dernière, nous avons expliqué l’importance des avertissements sur les résultats, que nous venons de vivre, sur la psychologie des opérateurs, en précisant qu’ils favorisaient les vendeurs à découvert. Ces spéculateurs, travaillant en majorité pour des hedge funds, ont gagné beaucoup d’argent depuis mi-septembre et se sont frottés les mains à chaque fois qu’un accident s’est produit sur une valeur. Ces structures financières ont la particularité de clôturer leur exercice à fin novembre et non à fin décembre.

Vague d'achat sur les titres les plus matraqués

Face à ce magot, de plus en plus lourd, de plus-values latentes, il était tentant de réaliser définitivement ces profits à quelques semaines de la photo-finish. Ce phénomène est en train de se produire actuellement avec une vague d’achats sur les titres les plus matraqués. Dans cette phase si particulière, même les mauvaises nouvelles ont beaucoup moins d’impact négatif sur le cours de bourse. Ce fut le cas dans certains secteurs, comme celui de la chimie où DSM-Firmenich a publié un chiffre d’affaires inférieur aux attentes, sans être sanctionné, car les investisseurs redoutaient le pire et ont été quelque peu soulagés. D’autres titres ont ouvert en nette baisse à la suite de l’annonce des résultats et ont même clôturé la séance sur une note positive. En l’absence de flux positif et donc d’argent frais, matérialisé par des retraits continus depuis plusieurs mois dans les fonds investis en actions européennes, il est plus probable que ces achats constituent des clôtures de position que des initiations de nouvelles lignes dans les portefeuilles.

Dans un tel cas, ce sont encore les vendeurs à découvert qui dictent la tendance et font remonter les marchés.

Il faut avouer que plusieurs éléments techniques expliquent pourquoi les spéculateurs ont arrêté provisoirement leurs juteuses pratiques. Tout d’abord, les cours de nombreuses valeurs, dont celles de belle qualité, avaient atteint un niveau plancher, dit de support, depuis plusieurs mois. Ceci n’était pas propice à des nouvelles ventes sur ces valorisations plus faibles.

L'inflation continue de ralentir et la probabilité d'une hausse des taux disparait

Ensuite, plusieurs données économiques ont calmé le marché obligataire. L’inflation continue de ralentir en octobre à 3 % sur un an glissant en Allemagne contre 4,3 % en septembre. La Fed, après la BCE la semaine dernière, a fait une pause dans son cycle de durcissement monétaire. Même si la porte est toujours ouverte à des hausses supplémentaires, la probabilité de cette éventualité a quasiment disparu pour le marché. De facto, après avoir touché un pic à 5,02 % le 23 octobre, le taux à 10 ans américain s’est replié à  4,66 % hier. Une stabilité du marché obligataire est un point important pour freiner la volatilité sur les actions. Selon les analystes de BofA Securities, ce  phénomène technique devrait se poursuivre davantage, même si nous ne sommes pas dans un rallye haussier, faute de perspectives positives sur les profits des entreprises.