Flambée de la pharma et hausse des prix des nouveaux médicaments en Europe

« Les États-Unis ne subventionneront plus les soins de santé du reste du monde ». « Mon administration a également pris des mesures historiques pour enquêter sur les pratiques commerciales injustes et discriminatoires d’autres pays. Qui extorquent nos fabricants de produits pharmaceutiques afin de faire porter les coûts sur le consommateur américain ».

Ces phrases – prononcées par Donald Trump dans le Bureau ovale lors de la conférence de presse du 30 septembre – sont sans équivoque. Le prix des nouveaux médicaments, qui seront prochainement commercialisés en dehors des États-Unis — et plus précisément dans les autres pays riches de l’OCDE — va augmenter.

Tandis que celui observé au pays de l’Oncle Sam va baisser.

En effet, l’accord qui vient d’être signé avec Pfizer va bien au-delà d’un simple contrat entre un fabricant et une administration. Tous les termes de cet engagement mutuel, dont le détail est resté volontairement confidentiel, constitueront un précédent. Non seulement pour l’industrie, mais également pour les systèmes de sécurité sociale du monde entier.

Le marché l’a bien compris. Il a salué cet évènement par des hausses de cours de plus de 10% en une seule séance pour certains titres, comme celui d’AstraZeneca (+11,21 %).

Et quelles en seront les principales conséquences pour tous les acteurs, y compris pour nous en tant qu’assurés européens ?

Imaginez une nouvelle plateforme digitale de la Sécurité sociale française baptisée MacronRx ! Eh bien, c’est possible aux États-Unis ! Et pas si étonnant sous la présidence actuelle.

Ce nouveau site internet, géré par le gouvernement fédéral devrait être opérationnel dès le 1er janvier prochain. Il proposera à la vente la plupart des médicaments de Pfizer. Ceux vendus dans le programme MedicAid (l’assurance santé pour les plus démunis aux États-Unis). Avec des remises de 50 à 85 % sur le prix catalogue facturé par les mutuelles et les gestionnaires des programmes de santé.

De surcroît, ces traitements seront également accessibles à tout le monde. Y compris aux assurés de Medicare ou de mutuelles privées. Même si les conditions de remboursement pour ces deux catégories de bénéficiaires ne sont pas évoquées – car inconnues – il s’agit d’un moyen de pression pour rogner la marge du détesté «homme du milieu», surnom donné aux fameux PBM (Pharmacy Benefit Managers). En effet, ces derniers récupèrent une partie très importante des remises octroyées par les laboratoires.

Désormais, le prix des nouveaux médicaments sera aligné pour tous les canaux de distribution outre-Atlantique (vente libre, MedicAid, Medicare et mutuelles privées) à celui observé dans les autres pays de l’OCDE.

Cette clause vise à respecter le décret signé le 12 mai dernier. Chèr au Président, il porte sur la notion dite de MFN (Most-Favored-Nation).

Fin juillet, Donald Trump avait adressé une lettre à 17 laboratoires pharmaceutiques. Il leur a donné deux mois pour aligner le prix des médicaments sur le territoire national à celui du plus bas pratiqué dans les nations dites développées. Les « heureux » élus devaient y répondre en détaillant toutes les mesures envisagées pour satisfaire à cette exigence. Pfizer, en tant que meilleur élève américain a, semble-t-il, coché toutes les cases en concluant cet accord le premier.

Chris Klomp, l’actuel directeur de Medicare, a donné les grands principes du fonctionnement de cette clause « MFN » lors de la conférence de presse. Le plus important est celui d’équité. Plutôt que d’être contraint de s’aligner sur le prix le plus bas observé dans tous les pays de l’OCDE, Pfizer sera libre de facturer le prix de ses nouveaux médicaments. Ceci lui permettra de dégager les profits nécessaires pour augmenter ses investissements en R&D et en capacités de production aux États-Unis. 

La firme de New York s’est engagée sur une enveloppe de 70 milliards de dollars au cours des prochaines années. En échange, elle bénéficiera d’une exemption totale sur les droits de douane pour les trois prochaines années.

La réponse est multiple. Tout d’abord, la clause MFN négociée concerne uniquement le prix des nouveaux médicaments. C’est un énorme soulagement. En effet, les investisseurs redoutaient, après la signature du décret du 12 mai, que son application soit étendue à l’ensemble des molécules de marque commercialisées sur le territoire.

Dans les faits, Pfizer restera le premier à avoir volontairement lâché du lest pour se voir octroyer de sérieuses contreparties. Comme beaucoup d’acteurs, son exposition au programme Medicaid est réduite. Si l’on se réfère au rapport annuel 2024, le montant des remises octroyées à Medicare s’est élevé à 2,25 Md$. En se basant sur une remise globale de 50 %, le chiffre d’affaires de Pfizer dans Medicaid s’élèverait à environ 4,5 Md$. Soit autour de 7 % des revenus totaux.

Accorder des remises supplémentaires de 10 à 20 % sur cette partie ne représenterait qu’une concession minime de 0,7 % à 1,4 % sur les revenus, en échange d’exemptions. C’est plutôt bien négocié stratégiquement.

Ensuite, le secteur de la santé — et plus précisément celui de la pharmacie — était très en retard en matière de performance et de valorisation. Le ratio bénéfice par action sur le prix se traitait avec une décote de 15 à 25 % par rapport à celui du marché. Au plus bas depuis trois décennies. Depuis dix mois, le secteur de la santé est malmené par les déclarations et tweets incessants de la nouvelle administration. L’accord signé le 30 septembre donne ce qui est le plus précieux aux investisseurs : de la visibilité. Le phénomène de rattrapage ne fait que commencer, selon nous.

C’est une certitude dans le Bureau ovale : les autres groupes pharmaceutiques vont se bousculer au portillon pour trouver un terrain d’entente. L’inconnu restera les termes, et plus précisément les rabais accordés. Comme le détail reste volontairement confidentiel pour permettre une négociation serrée, il n’est pas sûr que les conditions soient les mêmes pour tout le monde. Les derniers seront-ils les moins bien lotis au bout du compte ? Ceux qui n’ont pas daigné répondre à la lettre du Président du 31 juillet devront-ils payer leur manque de coopération au prix fort ?

Les laboratoires devraient bénéficier d’une revalorisation de leur cours de bourse. Toutefois, une dichotomie va se créer selon les accords négociés. Ensuite, les groupes les moins exposés au programme Medicaid (à hauteur de 2 %, comme AstraZeneca et Roche) devraient être les plus favorisés. L’accent mis sur l’innovation et le souhait de maintenir le leadership américain redonnent de la visibilité aux fournisseurs de la santé. C’est le cas pour Lonza, Thermo Fisher Scientific, Danaher et Sartorius Stedim Biotech.

Enfin, la volonté de passer en vente directe n’est pas anodine. Elle vise à outrepasser les mutuelles privées. La pression devrait se déplacer vers elles. Une fois encore, ce sera America First. Le prix des médicaments en dehors des États-Unis va malheureusement augmenter. De nombreuses zones d’ombre subsistent concernant ce processus de revalorisation et son calendrier. Aujourd’hui, 85 % des nouvelles molécules vendues aux États-Unis ont été commercialisées soit d’abord aux États-Unis, soit en même temps que dans le reste du monde. Qu’en sera-t-il dans un processus de négociation globale ?

9 600 milliards de dollars. Le montant des transactions quotidiennes sur le marché des changes, selon la Banque des Règlements Internationaux.

 1 000 milliards de dollars. Le montant des réserves d’or au États-Unis.

11,21 %. La hausse du titre AstraZeneca le 1er octobre.

Des sociétés ultra innovantes pour notre santé de demain

« Nous restons positifs sur le secteur de la santé pour ces prochaines années. L’actuelle forte innovation et l’efficacité des nouvelles solutions thérapeutiques proposées, couplées à une demande structurellement forte en produits médicaux et vouée à croître dans le temps, constituent de solides fondamentaux qui devraient perdurer, selon nous, non seulement pour 2025 et 2026, mais bien au-delà. Nous maintenons notre optimisme, en dépit de l’actualité récente qui perturbe les investisseurs. »
Pourquoi la croissance des entreprises de ce segment de la cote reste inexorablement forte ?

Réponse d’Arnaud Benoist-Vidal pour Club Patrimoine :

Nous sommes positifs sur le secteur de la santé

L’obésité fait les choux gras du Danemark

C’est la poule aux œufs d’or ! Le traitement contre le diabète et l’obésité fait la fortune de Novo Nordisk.

La société basée à Bagsvaerd devrait connaître un triplement de son bénéfice par action en 5 ans entre 2021 et 2026, selon le consensus des analystes sur Bloomberg. Le sémaglutide est incontestablement une molécule miraculeuse. Elle devrait générer en 2026, dans sa formulation contre les deux pathologies, la somme astronomique de 275 milliards de couronnes danoises de revenus mondiaux. Soit l’équivalent de 37 milliards d’euros.

Le secret de ce succès repose sur le fait que le sémaglutide est un analogue (substance médicale qui imite les effets) de l’hormone GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1), qui régule le taux de glycémie dans le sang.

Le double effet thérapeutique est qu’il active à la fois la sécrétion de l’insuline (qui favorise l’absorption du glucose dans le sang) et réduit la sécrétion du glucagon, (l’hormone qui augmente le taux de glycémie).

Un miracle n’arrivant jamais seul, les médecins ont observé que leurs patients avaient une sensation de satiété. Depuis, la molécule a été testée et approuvée contre l’obésité. C’est le double jackpot que récoltent actuellement Novo Nordisk et son concurrent américain Eli Lilly. En effet, ce sont les deux seules entreprises à commercialiser ce type de médicament. Et donc à même de profiter de ce duopole.

Les actionnaires se frottent les mains. En effet, l’entreprise s’est vue décernée la palme de première capitalisation boursière européenne devant LVMH depuis août dernier, désormais autour des 550 milliards d’euros. Son cours de bourse bat fréquemment des nouveaux records au-dessus des 900 couronnes danoises. Soit une progression de 68% sur un an et de 540% sur 5 ans, dividendes réinvestis.

La particularité de cette société est que Novo Holdings A/S détient 28,2% du capital et plus de 77% des droits de vote et appartient à la fondation Novo Nordisk à 100%. En plus d’être une structure de contrôle capitalistique, Novo Holdings gère également la totalité des actifs de la fondation, estimés à fin 2023 à 149 milliards d’euros détenant des participations dans 170 sociétés à travers le monde, générant 4,2 milliards d’euros de revenus et de retour sur investissement. 

Au-delà de tous ces chiffres et de l’aspect vénal, il convient de mesurer les bienfaits de cette molécule contre l’obésité. Car cette maladie chronique constitue un fléau.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé dans un rapport du 1er mars dernier, 1 personne sur 8 en 2022 dans le monde était touchée par cette pathologie. Cela représente 890 millions d’individus, dont l’indice de masse corporelle (IMC) était supérieur à 30.

Il convient de rajouter 1,7 milliards d’êtres humains en surpoids. Ceux dont l’IMC est supérieur 25 et inférieur à 30. Le marché est donc considérable et si rien n’est fait, le coût estimé de l’impact économique cumulé de l’obésité a été estimé à 3 000 milliards de dollars d’ici 2030. Ce chiffre grimpe à 18 000 milliards de dollars d’ici 2060, selon une étude économique réalisée en 2021 par le chercheur Adeyemi Okunogbe.

Dans certains pays comme la Thaïlande, cela pourrait représenter jusqu’à 4,9% du PIB en 2060. Il va donc de soi, qu’être les pionniers pour ouvrir la voie à des traitements médicaux efficients, reconnus et sollicités par la communauté scientifique, constitue un avantage important.

Il existe un troisième bénéficiaire, en dehors des actionnaires et des patients. Il s’agit de l’État danois et toutes les communautés proches des sites de Novo Nordisk.  

Selon le rapport annuel 2023 de l’entreprise, le montant de l’impôt sur les sociétés payé au royaume s’est élevé en moyenne sur les 3 dernières années à 12,2 milliards de couronnes (1,64 milliards d’euros). La contribution totale de toutes les taxes réglées s’est élevée à 21,6 milliards de couronnes (2,9 milliards d’euros).

Cette somme représente environ 0,76% du PIB ou 40% du surplus budgétaire de 3,10%. Sur le plan social, Novo Nordisk employait 64 319 personnes, dont 28 692 au Danemark à la fin de l’année dernière. Une progression de 9 134 employés dont 5 776 au Danemark.

Selon Danske Bank, la croissance du PIB pour 2024 est estimée à 2,1%, essentiellement grâce à l’industrie pharmaceutique. En 2023, le pays a connu une croissance de 1,8%. Selon l’agence danoise des statistiques, sans Novo Nordisk et ses pairs, l’activité aurait diminué de 0,10%. Novo Nordisk est donc devenu un important acteur pour le pays et suscite de l’admiration, ainsi que des inquiétudes sur son risque désormais systémique. 

Nous avons réalisé un dossier détaillé sur cette innovation médicale, n’hésitez pas à le consulter.

550 milliards d’euros
La capitalisation boursière de Novo Nordisk

2,6 milliards de personnes 
sont en surpoids ou obèses en 2022 dans le monde selon l’OMS

2,9 milliards d’euros
L’équivalent en couronnes danoises de toutes les taxes réglées par Novo Nordisk au Danemark

Tous les indicateurs sont au vert 

Avec une innovation toujours aussi importante et des essais cliniques en constante hausse, le secteur de la santé est porteur tout en étant peu volatil.

La découverte de molécules prometteuses, dont les plus enthousiasmantes, selon les experts médicaux, étant celles conte l’obésité qui permettent une réduction de 15 à 20% de l’indice de masse corporelle, ou encore celles contre Alzheimer ou le vaccin contre le virus VRS. Ces innovations laissent présager de grandes avancées pour les prochaines années.

Dans ce contexte, quelle est la stratégie d’Arc Actions Santé Innovante ESG et comment intégrer ce fonds dans une allocation ?

Réponses en vidéo d’Amandine Gérard, Présidente de Financière de l’Arc et Arnaud Benoist-Vidal, Gérant du fonds Arc Actions Santé Innovante ESG.