C’est un comble.
Le cours du pétrole a atteint, ce mardi 16 décembre, un plus bas depuis octobre 2021. Le jour même où la Commission européenne a renoncé à son objectif d’interdiction des véhicules non électriques en 2035. Le cours du Brent (baril de la mer du Nord) est ainsi redescendu en dessous de 60 dollars, soit une performance négative de 20 % depuis le 1er janvier.
Annus Horribilis pour le pétrole
C’est donc une annus horribilis pour l’or noir, qui figure parmi les plus fortes baisses des matières premières les plus célèbres de la planète. Seuls le sucre et le jus d’orange ont fait encore moins bien, avec une chute respective de 24 % et de 61 % cette année.
Pourquoi une telle désaffection, alors que l’économie mondiale est résiliente et que Donald Trump a annoncé, sur son réseau Truth Social, un blocus total sur tous les pétroliers placés sous sanctions se rendant vers ou en provenance du Venezuela ?
Quels sont les facteurs qui vont continuer à impacter les cours de cet hydrocarbure ?
Une demande mondiale de pétrole pourtant en hausse
Dans son rapport de décembre, l’OPEP estimait que la demande mondiale de pétrole avait crû en moyenne de 1,3 million de barils par jour depuis l’année dernière. Cette progression est due quasi exclusivement aux pays hors OCDE (1,2 million de barils par jour). Après une stabilité au premier semestre, la quasi-totalité de cette augmentation est survenue lors de la seconde moitié de l’année. La demande globale devrait désormais se situer autour de 106 millions de barils par jour. En 2026, toujours selon l’OPEP, la demande mondiale de pétrole devrait augmenter de 1,4 mb/j en glissement annuel, dont à peine 0,2 mb/j au sein des pays de l’OCDE, principalement en Amérique.
Si l’on se fie aux seuls facteurs de la demande, le cours du pétrole aurait dû progresser lors de ces deux derniers trimestres, et non baisser.
Drill, baby, drill !
Il ne s’agit pas d’un simple slogan de campagne de Donald Trump. Les États-Unis produisent en effet 0,5 mb/j de plus cette année, arrêté à fin septembre (13,85 mb/j contre 13,17 mb/j). Ce sont les gisements localisés au Nouveau-Mexique et dans le golfe du Mexique qui fournissent la totalité de ce surcroît d’offre. Le Brésil, le Canada et l’Argentine ont également augmenté leur production de 0,5 mb/j.
La fin des coupes de production de l’OPEP+
Depuis la pandémie de Covid-19, l’OPEP+ avait décidé la mise en place de coupes de production au sein des membres de l’organisation, afin de rééquilibrer le marché. Cette mesure avait été suivie par cinq autres pays volontaires (Russie, Mexique, sultanat d’Oman, Azerbaïdjan et Kazakhstan). Au mois d’octobre 2024, ces coupes s’élevaient encore à 2,2 millions de barils par jour. Il avait alors été convenu une fin progressive de ces réductions jusqu’à la fin 2025. En août, le niveau se situait autour de 588 000 barils par jour. Cette forte diminution a entraîné une augmentation de la production des pays membres de l’Alliance.
Une situation d’excès d’offre par rapport à la demande
En avril 2025, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estimait à plus de 4 mb/j l’excès d’offre en 2026. Une situation qui justifie à elle seule la baisse des cours du brut observée cette année. Avec les diverses sanctions sur la Russie et le Venezuela, l’AIE a réduit son scénario d’excédent à 3,84 mb/j le 11 décembre. Une nouvelle qui aurait dû faire remonter le cours du brut. Il n’en a rien été car, entre-temps, les pourparlers de paix en Ukraine ont avancé, sans toutefois réellement aboutir.
Cela met en évidence une prime géopolitique importante sur le prix du pétrole. Certains analystes l’estiment entre 20 et 30 % du prix coté. Dans une situation où l’offre est toujours excédentaire, une réduction du surplus a en réalité très peu d’impact sur les cours. Le Venezuela exporte à peine 300 000 barils par jour. Le blocus envisagé par le président américain sur les pétroliers des pays soumis aux sanctions internationales a très peu d’effet, puisque le Venezuela exporte la grande majorité de son pétrole vers la Chine, pays non soumis aux sanctions. Le reste représente à peine 2 % à 3 % de l’excédent actuel de l’offre. La décision a en réalité fait remonter le cours du brut de moins d’un dollar le baril.
Prudence sur le court terme
Dans cette situation confuse et incertaine, restons factuels. Le marché est en excédent, donc les prix sont voués à rester bas. Toutefois, la situation géopolitique pourrait dégénérer à tout instant et faire rebondir le prix de l’or noir. En cas d’accélération de la croissance en Europe et aux États-Unis au second semestre 2026, la demande mondiale pourrait ainsi croître de 1 à 2% de plus que prévu et donc absorber une grande partie de cet excédent d’offre et faire remonter sur le long terme les cours.
Les chiffres de la semaine
– 58,72 dollars le baril. Le cours du Brent en séance le 16 décembre, soit un plus bas depuis octobre 2021.
– 512 milliards d’euros. Le montant record de dettes qui sera émis par l’Allemagne en 2026.
