Saison des résultats : comment gagner de l’argent avec des mots ?

La communication est aussi importante que les chiffres, même en finance. Voici plusieurs éléments pour illustrer ces propos.

Nous venons de vivre la semaine la plus chargée de la saison des résultats du premier trimestre, avec la publication respective de 183 et de 129 entreprises faisant partie de l’indice S&P 500 et de l’indice Stoxx Europe 600.

Depuis le début de cette période – commencée il y a 3 semaines – le bilan provisoire est positif mais contrasté. Tout d’abord, on peut constater un net avantage du côté américain. En effet, 79% des sociétés ayant communiqué ont battu les estimations de bénéfice par action contre 54% en Europe. La progression totale sur un an glissant est de 6% outre-Atlantique contre une contraction de 8% sur le Vieux continent.

Saluons également les belles progressions du chiffre d’affaires publié. C’est le cas pour Hermes International (+12,6%), AstraZeneca (+19%), Microsoft (+17%) et Alphabet (+15%).

Pourtant les cours de bourse de ces titres ont réagi différemment, pas uniquement en fonction des attentes, mais également en fonction des mots clés guettés par les investisseurs. Encore plus surprenant, les titres de Tesla, de Saint-Gobain et de Nexity ont nettement progressé. Malgré une baisse respective de leurs revenus de 9%, de 8,5% et de 14%…

Les attentes des opérateurs de marché varient selon de nombreux paramètres et notamment selon le contexte économique et monétaire.

Dans une période de reprise de l’activité – comme le témoignent aujourd’hui les derniers indicateurs PMI en zone euro – les investisseurs sont particulièrement sensibles aux valeurs dites de « retournement ». En effet, elles sont à l’aube d’un nouveau cycle de progression des ventes et des profits.

Dans ce cas précis, le mot clé est « point bas » comme l’ont brillamment utilisé Saint-Gobain et Nexity dans leur communiqué. Encore plus fort, Tesla, passé maître dans les annonces retentissantes, a su glisser le mot magique « intelligence artificielle » pour son futur nouveau modèle.

Le cours de bourse a clôturé le lendemain sur une hausse de 12,16%. Et ce malgré des revenus et des bénéfices inférieurs aux attentes et un free cash-flow négatif de 2,5 milliards de dollars, avec un investissement de plus d’un milliard de dollars dans l’intelligence artificielle.

Ce même type de besoins a fait vaciller Meta. Le cours de bourse a perdu 10,89% au lendemain d’une communication solide et au-dessus des attentes, avec une hausse de 27% des revenus et de 114% du bénéfice par action. Mais cette communication était extrêmement maladroite. En effet, la société a relevé la borne basse de ses prévisions de dépenses annuelles de 94 à 96 milliards de dollars. Pourtant, aucun analyste n’a révisé en baisse ses estimations de bénéfice par action, désormais à plus de 20 dollars.

De facto, il aurait été plus habile pour Meta de relever ses attentes annuelles en termes de résultat net, y compris en incluant cette progression des dépenses.

Cela aurait sans-doute évité cette contre-performance, dans un contexte où la tendance est plutôt de réduire les valeurs dites de croissance dans un portefeuille au profit des valeurs plus cycliques, malgré une valorisation du titre relativement raisonnable à plus de 22 fois les profits de 2024.

Pourtant, Meta s’était largement démarqué le trimestre précédent, après l’annonce le 1er février dernier du premier dividende de l’histoire de la société et d’un programme de rachat de titres de 50 milliards de dollars.

La capitalisation boursière avait bondi de 168 milliards de dollars en une seule séance ! Cette superbe recette a été retenue par Alphabet, dont le cours a ouvert en hausse de 11% aujourd’hui, à la suite d’une annonce hier soir d’un premier dividende trimestriel de 20 cents, soit un rendement de moins de 0,50% et surtout d’un programme de rachat d’actions additionnel de 70 milliards de dollars.

Comme quoi, on ne se trompe jamais en augmentant le retour aux actionnaires, quelle que soit la forme !

Le bluesky scénario reste inchangé sur les semi-conducteurs !

Ce lundi 22 avril, Amandine Gérard, présidente de La Financière de l’arc, s’est penchée sur le bon potentiel des semi-conducteurs et leurs besoins d’investissement sur le long terme.

Malgré leur récente chute en bourse, Amandine nous explique pourquoi le bluesky scénario reste inchangé sur le secteur des semi-conducteurs.

Visionner l’émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer.

Carlos Tavares est-il le Kylian Mbappé de l’automobile ?

Dans le monde du football, Kylian Mbappé est souvent comparé à des légendes du ballon rond. Son talent étincelant fait de lui l’une des stars les plus brillantes du sport. Dans le monde des dirigeants de l’automobile, une autre figure suscite de telles comparaisons : Carlos Tavares.

Le directeur général du géant Stellantis a accumulé 126 millions d’euros de rémunération depuis 2021.

En début de mois, trois agences de conseil aux actionnaires ont appelé à voter contre la résolution visant à approuver le salaire de Carlos Tavares. Ce dernier s’élève à 36,5 millions d’euros pour 2023.

La société de conseil ISS affirme que la rémunération du DG de Stellantis est presque sept fois plus importante que le salaire médian de ses pairs européens. Même constat pour l’agence Proxinvest. Elle révèle qu’au sein des dirigeants du CAC 40, la médiane est à 5 millions d’euros de rémunération. Cette dernière atteint 15 millions aux États-Unis.

Malgré toute cette agitation, les actionnaires du groupe, réunis en assemblée générale le 16 avril, ont approuvé à 70,2 % la rétribution totale de Carlos Tavares.   

Pourtant, celle-ci reste bien en-deçà de celle d’une superstar du football comme Mbappé, dont le salaire annuel minimum s’élève à environ 72 millions d’euros.  L’économie du football offre un éclairage intéressant sur cette comparaison. Alors que le Parisien attire des foules avec ses dribbles et ses buts spectaculaires, Tavares jongle avec une responsabilité immense en dirigeant l’une des plus grandes entreprises automobiles au monde. La vie d’un DG d’une entreprise de cette envergure n’est pas sans défis et ses responsabilités sont colossales, notamment en ce qui concerne la gestion d’une main-d’œuvre mondiale (258 275 employés fin 2023), la navigation à travers les eaux tumultueuses de l’industrie automobile et la prise de décisions stratégiques, cruciales pour l’avenir de l’entreprise.

Cela fait déjà plusieurs années que la rémunération de l’ingénieur fait débat. En 2016 déjà, Manuel Valls, alors premier ministre, avait critiqué le doublement du salaire de l’ancien patron de PSA.

La question du « Say on Pay » (littéralement « dire sur la rémunération ») est devenue depuis, un sujet brûlant de gouvernance d’entreprise. En effet, les actionnaires exigent une transparence et une responsabilité accrues en ce qui concerne la rémunération des dirigeants.

Or, le siège de Stellantis étant basé à Amsterdam, c’est le « Say on Pay » néerlandais qui s’applique. C’est-à-dire que le vote est seulement consultatif. Il n’oblige pas la société à modifier le rapport de rémunération en cas de rejet par les actionnaires. C’est exactement ce qu’il s’est passé lors de l’assemblée générale de 2022. L’enveloppe de rémunération des dirigeants du groupe avait été rejetée par 52,12 % des voix.

Cette année, beaucoup de bruit pour rien. Il faut dire que la rémunération du DG est majoritairement indexée sur la performance de la société. Le salaire annuel fixe de Carlos Tavares pour l’année 2023 s’élève à 2 millions d’euros, ce qui représente 7 % de sa rémunération de 2023.

Le complément est une enveloppe globale variable liée à des critères de performance distribuable sur le long terme. En outre, il perçoit des jetons de présence pour sa participation aux assemblées.

Pour l’exercice 2023, Carlos Tavares recevra initialement 23,5 millions d’euros, dont une grande partie sera versée sous forme d’actions. Le géant automobile affiche des résultats records depuis la fusion, grâce à une maîtrise drastique des coûts impulsée par le patron portugais et des prix élevés qui permettent d’atteindre des marges confortables. Il ne fait aucun doute que Carlos Tavares gère d’une main de maître le groupe automobile.

Alors que les débats sur cette rémunération ont créé beaucoup d’émoi encore cette année, les belles performances opérationnelles de Stellantis ont finalement été récompensées par les actionnaires.

En définitive, notre comparaison entre Carlos Tavares et Kylian Mbappé vise à mettre en lumière les différentes sphères de l’excellence, où le talent, la gestion et la reconnaissance financière sont mesurés à des échelles différentes mais néanmoins significatives.

L’éclipse de la baisse des taux (assouplissement monétaire)

Des millions d’Américains ont dépensé chacun des milliers de dollars pour admirer l’éclipse solaire du 8 avril.

Tandis qu’ils portaient tous des lunettes spéciales pour pouvoir apprécier ce superbe spectacle, les investisseurs se sont résignés à mettre des lunettes virtuelles pour apercevoir la future baisse des taux directeurs des banques centrales.

Depuis la réunion du 13 décembre 2023, où les gouverneurs de la Fed avaient surpris positivement en projetant 3 baisses de taux de 0,25 % d’ici fin 2024, le fort rallye des actifs financiers reposait sur une nette détente du loyer de l’argent pour cette année.

Les anticipations étaient même excessives jusqu’à 150 points de base (1,50 %), avec une première réduction en mars.

Le retour à la réalité est dur. Désormais le début du prochain cycle d’assouplissement monétaire est décalé. A septembre pour les États-Unis et d’ici juillet en zone euro. Ce décalage de six mois au maximum dans le calendrier peut sembler anodin, mais il contraint les stratèges à revoir leur copie pour le reste de l’année. 

Tout d’abord, ne paniquons pas. Il ne s’agit pas d’une éclipse totale, mais plutôt d’une éclipse partielle.

En effet, la baisse des taux de la Fed a bien été confirmée pour cette année par son président lors des deux dernières conférences de presse. La lumière est bien au bout du tunnel.

Malheureusement nous n’en connaissons pas encore la longueur.

La question n’est pas si, mais quand. La politique monétaire actuelle est jugée restrictive, même par les banquiers centraux eux-mêmes, et doit donc être assouplie dès que les conditions le permettront. Cette rhétorique, bien que floue, a permis une stabilisation du marché obligataire, indispensable pour la bonne tenue des actifs financiers depuis plus de cinq mois.

Comme répétée par les membres de la Fed et de la BCE, la date de la première baisse de taux dépend donc des données économiques.

Au cours de son intervention de ce jeudi 10 avril, C. Lagarde a maintenu ouverte la porte d’une prochaine baisse des taux. A condition, bien sûr, que les progrès sur la désinflation se poursuivent. Elle a répété que d’ici le mois de juin, la banque centrale disposera d’assez de données pour juger si ces espoirs sont satisfaits.

Se pose désormais la question de l’indépendance de la BCE vis-à-vis de la Fed.

Dans le passé et dans la plupart des cas, la BCE a suivi sa consœur américaine de plusieurs semaines à plusieurs mois. Sauf dans les épisodes de crise européenne. Même si Christine Lagarde a affirmé que la BCE ne dépendait pas de la Fed dans sa politique monétaire, commencer le mouvement ferait peser un risque d’une baisse de l’euro face au dollar. Et parallèlement, un risque de subir une inflation importée plus prononcée.

Certes l’institution monétaire européenne se calera avant la Fed et devrait lui emboîter le pas. Mais de quelques semaines et non plusieurs mois. Dans le cas où la banque centrale américaine n’est pas pressentie à agir avant le 18 septembre, la BCE serait plutôt tentée d’attendre le 18 juillet et non le 6 juin, comme anticipé par le marché.

Si elle redoute qu’une période de deux mois est trop importante il y a un risque de décalage. La BCE pourrait procéder à sa première baisse le 12 septembre prochain. Et ceci serait compromettant pour les marchés l’été prochain.

En attendant d’en savoir plus et étant donné le dernier chiffre d’inflation jugé trop élevé aux États-Unis (3,5 % sur un an glissant en mars), la pression est à la hausse sur toute la courbe obligataire. Il s’en suit un arrêt à l’expansion des multiples de valorisation des actifs financiers. Et notamment ceux des actions. Ceci pèse sur les catégories les plus chères, donc les valeurs de croissance.

La sélectivité s’impose. Nous conservons dans ce segment de la cote celles dont on anticipe une excellente publication de résultats du 1er trimestre, au cours de ces prochaines semaines. De surcroît et à cause d’indicateurs économiques plus dynamiques, on favorisera des valeurs bancaires, ainsi qu’une sélection rigoureuse de valeurs plus cycliques, tout en surveillant de près à ne pas augmenter trop le bêta du portefeuille. 

Vers une reprise en zone euro ?

Pour la plupart des néophytes, la bourse apparaît souvent déconnectée de la réalité. Les records récents des indices boursiers européens, tandis que sévit actuellement une mini récession en Allemagne, couplée à une faible croissance ailleurs sur le Vieux Continent, en sont un nouvel exemple.

Fort heureusement, les champions des indices européens sont des géants internationaux qui savent capter la croissance où elle se trouve. C’est-à-dire, en ce moment, en Amérique du Nord et en Asie hors Chine. Et ce n’est pas tout.

Ces entreprises extrêmement bien gérées maîtrisent très bien leurs coûts et leurs politiques de prix, même en Europe. Ceci leur permet de préserver leurs marges et donc une forte rentabilité.

Cette résilience en fait les chouchous des investisseurs et explique pourquoi les marchés boursiers sont à des niveaux records, malgré un quotidien morose pour la plupart des Français. Fort heureusement, la particularité de cette phase de faible activité est que les sociétés rechignent à licencier depuis la pandémie. En effet, car la main d’œuvre de qualité est une ressource rare, difficile à recruter après une réduction d’effectif. Ce nouveau facteur explique pourquoi les stratégistes, qui anticipaient une baisse de 20 % des bénéfices par actions en 2023, se sont trompés. Il est fort heureux que cette dure récession redoutée n’ait pas eu lieu. 

L’autre explication du fort décalage entre la bourse et la réalité repose sur le fait que les investisseurs anticipent sur le moyen et le long terme le pire ou le meilleur. Historiquement, les points bas des marchés se produisent en moyenne 5 à 6 mois avant la fin de la récession. Une fois encore, le niveau le plus bas des indices en 2023 a eu lieu le 27 octobre.

Comme par miracle, certains indicateurs avancés en mars 2024, comme les indicateurs d’achats PMI ou ISM sont repassés au-dessus de la ligne de flottaison, soit au-dessus de 50.

Ainsi cette semaine, on a eu la confirmation que l’indice PMI composite de la zone euro, ainsi que l’indice ISM manufacturier américain et celui des nouvelles commandes étaient respectivement à 50,1, 50,3 et à 51,40. Ce niveau d’expansion constitue une première depuis mai 2023 en Europe et depuis octobre 2023 outre-Atlantique. Le scénario d’une accélération de la croissance du PIB anticipée en 2024 par les économistes devient plus crédible. Il passe progressivement de 0,15 % au premier trimestre à 1,05 % au dernier trimestre.  

Des indicateurs passant au vert sont les prémices d’une reprise d’activité pour les sociétés dites cycliques, c’est-à-dire sensibles à l’activité économique.

Nous sommes donc à l’aube d’une rotation sectorielle plus marquée vers des segments de la cote plus risqués. Et ce, au détriment des valeurs de croissance et des valeurs défensives. Mais cela ne signifie pas que ces dernières soient en phase de décroissance. Au contraire, elles continuent pour la plupart d’entre elles de progresser, avec à la clé une croissance de leurs résultats.

Simplement, une partie des investisseurs audacieux prennent leurs profits pour un nouvel investissement plus risqué, mais potentiellement plus rémunérateur, car la progression des bénéfices des valeurs cycliques est plus importante en phase d’expansion.

C’est un pari qui est à ce jour encore prématuré, car cette recrudescence d’activité reste encore très hétéroclite dans la zone euro. Ainsi, la France et l’Allemagne conservent leurs bonnets d’âne, avec des PMI composites et manufacturiers inférieurs à 50. Ce rebond de l’activité se fait plutôt ressentir en Europe du Sud (Italie et Espagne) et en Irlande.

Ainsi, les indicateurs PMI composite de ces 3 pays sont ressortis respectivement à 53,5, 55,3 et 53,2. De facto, ce nouveau scénario vers plus de croissance, avec une inflation plus raisonnable et à la clé, une baisse même modérée des taux directeurs des banques centrales, est plutôt favorable pour les marchés. La hausse devient plus généralisée et concerne également les valeurs de moyennes ou de petites capitalisations.

Cependant, à ce stade, la reprise en zone euro apparaît encore plus déconnectée de la réalité pour nous Français, dans la zone la moins active. Néanmoins, une reprise à l’international et chez les voisins finit toujours par déteindre positivement au fil du temps. Alors patience ! 

La révolution biotechnologique booste la croissance des sociétés les plus innovantes du secteur

Axelle Riesi et Arnaud Benoist-Vidal ont présenté, sur le plateau de Club Patrimoine, la stratégie d’investissement de Financière de l’Arc dans le secteur de la santé. 

Arc Actions Santé Innovante ESG est constitué de 3 poches d’investissement : 
– les sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques, 
– les équipements médicaux et technologies médicales, 
– ainsi que les entreprises axées sur la digitalisation des services de santé.

Découvrez la vidéo : 👇

Et si vous souhaitez en savoir plus sur Arc Actions Santé Innovante ESG : contactez Axelle ou consultez la page dédiée au fonds.

Inertie en Helvétie !

C’est historique ! Alors que tous les projecteurs étaient braqués sur la Fed, la surprise n’est pas venue de Washington mais de Berne. Et plus précisément de la Banque nationale suisse (BNS).

Ce jeudi 21 mars – et contre toute attente – la BNS a baissé ses taux directeurs de 0,25%, désormais à 1,5% jusqu’à un certain seuil et à 1% au-delà.

Son président, Thomas Jordan, quasi inconnu du grand public, est devenu une star après avoir marqué son panier de 25 points de base. Ainsi, la BNS est la première des grandes banques centrales occidentales à initier un assouplissement monétaire.

La page d’un cycle de hausse des taux est donc officiellement tournée. Ce cycle avait fait progresser le loyer de l’argent de 2,5%, le passant de -0,75% à 1,75% entre juin 2022 et mars 2024. La réaction du marché des changes a été immédiate, avec une baisse de presque 1% du franc suisse en séance contre le dollar et l’euro.

Lors de sa conférence de presse, Thomas Jordan a tout de suite précisé que ce début d’assouplissement de la politique monétaire a été possible grâce à une lutte efficace contre l’inflation au cours des cinq derniers semestres.  

L’inflation s’établissait à 1,2% en février. Elle s’inscrit depuis quelques mois en-dessous de 2%, dans la plage assimilée à la stabilité des prix. Et les prévisions sont plutôt rassurantes : 1,4% pour 2024, 1,2% pour 2025 et 1,1% pour 2026.

Contrairement à la Fed et à la BCE, la BNS vient donc de déclarer victoire contre ce mal qui sévit durement depuis deux ans.

Étonnant, non ?

Tout est relatif en réalité. La Suisse a été moins touchée que le reste de l’Occident, avec un pic d’inflation à 3,5% en mai 2022, contre 9,1% aux États-Unis en juin 2022 et 10,6% en octobre 2022 en zone euro.

Cet important écart respectif de 5,6% et de 7,1% est essentiellement dû à l’appréciation de la devise. Le franc suisse a ainsi progressé de 20% contre le dollar entre juin 2022 et fin 2024, réduisant ainsi la hausse des prix importés.

La contrepartie de cette monnaie forte est un effet devise négatif dans les comptes des entreprises exportatrices, qui plombent les revenus enregistrés dans des monnaies étrangères. 

La BNS est très active sur le marché des changes pour freiner l’appréciation de sa monnaie. En effet, ce mouvement n’est pas uniquement dommageable pour l’économie de la Suisse. Elle l’est aussi pour son bilan.

Ainsi, des pertes de change ont été enregistrées pour un montant respectif de 29,8 milliards et de 58 milliards de francs suisses en 2022 et en 2023. Même si l’institution indique qu’elle restera active sur le marché des changes, la baisse des taux peut s’avérer être une arme aussi efficace pour faire baisser la devise helvétique.

Rappelons que la Confédération attire beaucoup les investisseurs étrangers. L’excédent des comptes courants pour 2023 s’est élevé à 23 milliards de francs suisses. Ceci grâce à ses exportations nettes, ses revenus de placements et les transferts nets à l’étranger. Tous ces chiffres expliquent pourquoi les taux d’intérêt suisses sont les plus bas en Occident.

Seule la Banque du Japon a des taux directeurs plus faibles. Ils sont désormais à 0% depuis mardi, après un relèvement de 0,10%. Le pays du soleil-levant est décidemment bien à part, avec un taux négatif précédemment à -0,10% et inchangé depuis 2016. La dernière hausse date de 2007. Ce prochain cycle de durcissement monétaire devrait être faible, car le marché anticipe des taux directeurs aux alentours de 0,35% à la fin de 2024. C’est trop peu pour freiner la baisse du yen, pénalisé par les opérations dites de carry trade ou de portage (emprunt en yen pour placer en dollar ou en euro).

La balle est désormais dans le camp de la BCE et de la Fed. Jerome Powell a adopté un ton plutôt accommodant lors de sa conférence de presse de ce mercredi 20 mars. Il fallait trouver une parade verbale face à l’inaction de la banque centrale, pour  faire patienter les investisseurs. Par conséquent, le message a été simple, clair et compris cinq sur cinq : fin des hausses de taux, des baisses à venir en 2024, avec un ralentissement dans la réduction du bilan de l’institution et à la clé la poursuite du rallye boursier. 

Boire ou conduire, il faut choisir ! 

C’est la synthèse caricaturée du bras de fer actuel entre l’Union européenne et la Chine.

L’Europe a déterré la hache de guerre en septembre 2023 en lançant officiellement une enquête anti-subventions sur les importations de véhicules électriques à batterie (VEB) en provenance de Chine. Des droits de douane provisoires pourraient être appliqués dès juillet 2024, dans un but de protection des constructeurs européens, face à une concurrence jugée déloyale.

Après une réaction initiale timorée, matérialisée par un simple commentaire de déception, le ministère chinois du commerce (MCC) a durci le ton le 5 janvier. Dans un communiqué, il a indiqué avoir ouvert une enquête anti-dumping à l’encontre des producteurs de spiritueux en provenance de l’Union européenne.

Ce nouvel épisode d’une guerre commerciale entre les deux zones, aussi ironiquement intitulé « Pas d’autos, pas de Cointreau », traduit un mouvement néfaste au commerce mondial, pouvant négativement menacer l’activité de chaque société exportatrice. Faut-il s’en inquiéter ?

Tout s’accélère depuis une dizaine de jours. Le 5 mars, la Commission européenne a affirmé dans un document qu’elle « disposait de suffisamment d’éléments prouvant la subvention des voitures électriques chinoises par Pékin ». Le 12 mars, le ministère chinois du commerce a signifié aux trois géants du secteur, Hennessy (LVMH), Martell (Pernod Ricard) et Rémy Martin (Rémy Cointreau), qu’il envisageait de les inclure dans l’échantillon resserré de son enquête sur des soupçons de dumping dans le secteur des spiritueux.

Les cours de bourse de ces trois sociétés ont peu évolué cette semaine, car le mal avait été fait le 5 janvier, avec un fort décrochage des titres de Pernod-Ricard et de Rémy-Cointreau. À ce jour, seul celui de LVMH est en performance positive cette année, grâce à la diversification de son activité. 

À l’origine, tout provient d’une dénonciation de producteurs locaux. Ces derniers ont crié au loup face à l’invasion de biens sur leur marché, pouvant être fatale à leur activité. Dans l’automobile, ce sont les constructeurs français qui ont tiré le signal d’alarme. Ils se sont fait entendre auprès de la Commission européenne.

Depuis le début de l’enquête, les importations de véhicules en provenance de Chine ont augmenté de 14 % sur le continent européen. Ceci pénalise davantage les modèles produits dans l’Hexagone. Le gouvernement français a dorénavant intégré le bilan carbone de la fabrication des véhicules et de leurs batteries dans l’octroi du bonus écologique.

Les sociétés allemandes, à l’image de Mercedes, sont fortement présentes dans l’empire du Milieu. Le 11 mars elles ont fait fait savoir leur opposition à toute forme de taxe.

Côté chinois, l’ouverture de cette enquête provient officiellement de la demande des producteurs locaux de spiritueux. Personne n’est dupe : il s’agit d’une première mesure de rétorsion, relativement modeste pour le moment. Mais qui pourrait s’accentuer par la suite.

En effet, les importations de spiritueux en provenance de l’Union européenne ont représenté 1,57 milliards de dollars sur 11 mois en 2023. A comparer aux 12,7 milliards de dollars pour les importations de véhicules électriques chinois sur le Vieux Continent. Nul doute que d’autres produits seront touchés, si aucun compromis n’est trouvé entre les deux zones commerciales. 

Il convient donc d’intégrer une prime de risque sur toutes les sociétés exportatrices cotées en bourse et d’appliquer une certaine décote dans leur valorisation. Car le mouvement de protectionnisme n’est pas près de s’arrêter. Surtout avec la menace de l’élection de Donald Trump le 5 novembre prochain, qui a clairement fait savoir qu’il instaurerait une taxe à tous les produits importés aux États-Unis.

Nous ne sommes pas sûr que cela soit le cas actuellement, alors que les indices boursiers battent des records régulièrement et que les entreprises qui les composent sont de gros acteurs internationaux, qui ont pleinement profité de la mondialisation. Alors, un investisseur averti en vaut deux et il vaut mieux privilégier les acteurs implantés domestiquement que ceux exportant vers des marchés, jusqu’alors très lucratifs, mais qui pourraient être pénalisés à l’avenir. 

Super Tuesday et super CAC 40 !

Ce n’était pas un duel mais un massacre ! Si cela avait été une rencontre sportive, les spectateurs auraient quitté le stade avant la fin de la rencontre, tant le match était déséquilibré.

Donald Trump a écrasé Nikki Haley lors du Super Tuesday avec 855 délégués attribués contre 19 pour l’ambassadrice. Sa rivale a préféré jeter l’éponge. En effet, l’avance cumulée de Trump était trop importante (1061 contre 91). Et à un niveau très proche des 1215 délégués nécessaires pour briguer l’investiture républicaine.

Fort de ce succès et avec le soutien de la Cour suprême qui le qualifie d’éligible, le milliardaire américain est seul en lice. Il est quasiment assuré d’être officiellement nommé candidat, par son parti, le 18 juillet, pour les élections américaines du 5 novembre prochain.

Le président sortant est lui aussi engagé dans une course sans surprise. Son avance dans les primaires démocrates est également sans appel. Sauf rebondissement imprévu pour des raisons juridiques ou de santé, les électeurs américains devront, pour la seconde fois, choisir entre Joe Biden et Donald Trump pour leur prochain président. 

Historiquement, les marchés préfèrent la continuité. Ils détestent l’incertitude, réagissant positivement quand le président sortant est réélu.

Fait exceptionnel cette fois-ci, le choix des élections américaines se portera sur deux anciens présidents. Les 45ème et 46ème de l’histoire du pays. Présidents pour lesquels nous pouvons mesurer concrètement les conséquences de leur politique passée. Aussi bien sur l’activité économique du pays sur les actifs financiers.

Joe Biden, avec un taux de chômage qui est tombé à 3,5% en mars 2023, au plus bas depuis 1969, avant de remonter légèrement à 3,7%, a un bilan très positif. Donald Trump a fait réduire cet indicateur de plus de 1% (de 4,7% à 3,60%) avant la pandémie. Cette dernière a fait exploser ce chiffre à 13%, soit la donnée la plus élevée depuis la seconde guerre mondiale.

La bourse américaine a fortement progressé au cours des deux présidences. Ainsi, l’indice S&P500 a bondi de 59% avec les dividendes au 20 février 2024 sous Joe Biden, contre 68% au 20 février 2020 sous Donald Trump, avant la panique liée à la pandémie. 

Au-delà de l’aspect pécunier, le retour de Donald Trump est avant tout une mauvaise nouvelle pour notre planète. Il a annoncé vouloir se retirer une seconde fois de l’accord de Paris. Il souhaite également mettre fin au socialisme vert et couper les subventions pour la transition énergétique.

Selon le site d’information britannique Climate Brief, les États-Unis émettraient 4 milliards de tonnes supplémentaires de gaz à effet de serre d’ici 2030 en cas de réélection de Donald Trump !

Selon l’organisme EPFR, les fonds actions ESG cette année ont décollecté plus de 14 milliards de dollars toute zone géographique confondue. Dont 7,5 milliards de dollars rien qu’aux États-Unis.

Cette tendance contraste drastiquement avec les 13 milliards de dollars de collecte sur les actions américaines depuis le début d’année. La seule consolation repose sur les flux positifs de plus de 10 milliards de dollars au niveau mondial dans les fonds obligataires ESG. Qui comprennent également les fonds américains.

La désaffection est forte sur le secteur de l’énergie solaire. L’indice MAC Global Solar Energy est en baisse de quasiment 15% cette année. Un rejet de la loi I.R.A (Inflation Reduction Act), mettrait en péril le plan de 400 milliards de dollars de subventions dans la transition énergétique. Soit 1 000 milliards de dollars d’investissements. Cependant rejeter une loi nécessite une forte majorité dans les deux chambres.

Même en cas de victoire totale le 5 novembre 2024, le scénario de lois de finances rectificatives pour modifier la loi I.R.A. plutôt que de la rejeter est la stratégie la plus probable en cas de victoire Républicaine.

Dans tous les cas, l’automobile et toutes les sociétés non américaines exportatrices vers les États-Unis sont susceptibles de souffrir de probables taxes à l’importation.

Saluons le nouveau record de l’indice CAC 40 qui a franchi le seuil des 8 000 points, sous l’impulsion de valeurs sensibles à l’activité économique. La probable baisse des taux de la BCE d’ici juin, comme sous entendue par Christine Lagarde ce 7 mars, prolonge le rallye boursier…Avant l’incertitude liée aux élections de novembre prochain outre-Atlantique. 

Le vieux continent boudé par les investisseurs !

Les boursiers ont le sourire. Les indices actions dans les pays développés ont battu plusieurs fois leur record historique depuis le début de l’année.

Le CAC 40 est désormais à une encablure de la barre symbolique des 8000 points. Malgré toutes les incertitudes économiques, monétaires, sociales et géopolitiques, la patience a payé et ceux qui sont restés investis dans des actifs risqués sont les grands gagnants de l’évolution récente des marchés.

Pourtant, quand on analyse les flux internationaux communiqués dans une récente note de Barclays, le bilan est fort décevant, voire accablant pour l’Europe. En effet, depuis le début de l’année, 8,6 milliards de dollars ont quitté les marchés actions européens, alors que cette classe d’actifs, au niveau mondial, a collecté 74 milliards de dollars, dont 57 milliards ce dernier mois, ce qui est fait la plus forte collecte mensuelle depuis mars 2022. 

Comment expliquer une telle désaffection, au milieu de si bonnes performances boursières ?

Au niveau des différentes classes d’actifs, le monétaire demeure le champion indétrônable, avec 195 milliards de dollars de collecte, suivi par l’obligataire, crédité de 89 milliards. Avec 74 milliards, les actions ne sont pas ridicules et témoignent de l’attrait des investisseurs pour le risque.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la majorité de cet argent destiné aux actions  (72 %) va vers les pays émergents. Plusieurs banques centrales y ont déjà entamé un assouplissement monétaire. Le solde, soit un peu plus d’un quart (28 %), s’oriente vers les marchés des pays développés.

De ce reste, les États-Unis en captent 65 % à eux seuls, suivis par le Japon 8 %. Le reste va dans des fonds globaux ou internationaux, investis à 75 % en Amérique du Nord. Le constat est accablant, car les investisseurs étrangers, et européens – ce qui est encore plus déconcertant – n’investissent pas en Europe.

Par exemple la faiblesse de l’activité économique, qui contraste avec le fort dynamisme outre-Atlantique ou encore la vulnérabilité de notre continent aux chocs énergétiques et géopolitiques, alors qu’un conflit long et extensible y sévit depuis deux ans.

Les opérateurs de marché sont frileux et préfèrent placer leur argent, même sur des actifs risqués, dans des lieux jugés plus sûrs. Forcément, l’eldorado des « 7 magnifiques » attirent toujours davantage les convoitises, au détriment d’autres secteurs et zones géographiques.

Quelles sont donc les moteurs qui ont contribué à une performance de plus de 5 % de l’indice CAC 40 en 2023 ? Tout d’abord, ce n’est pas la fête pour tout le monde car 16 valeurs, soit 40 % du nombre d’émetteurs constituant l’indice, ont connu une baisse du cours de leur titre.

Le manque de flux a accentué la sélectivité, accentuant la dichotomie en bourse dans un monde de pénurie d’argent frais. Seulement huit ont vu une progression de leurs cours de bourse de plus de 10 %. Parmi celles-ci, et en plus des traditionnelles Hermès International et LVMH, figurent des sociétés ayant surpris positivement dans une activité historiquement plus cyclique (Safran, Schneider Electric et Publicis).

Cette année, le fait de gâter ses actionnaires par des augmentations de dividendes et surtout par des annonces de rachats d’actions supplémentaires a été salué boursièrement par un surcroît de performance.

Ensuite, les investisseurs institutionnels ont baissé le niveau de leurs liquidités dans leur portefeuille pour s’acheter les gagnants de ce début d’année. Ils ont vidé leur bas de laine en quelle que sorte. Ce n’est pas un signal très rassurant, car cette vague d’achats est par définition limitée, faute de nouvelles ressources. Autre facteur positif, les fonds spéculatifs ayant des stratégies sur des modèles quantitatifs ont également augmenté leur pondération en actions.

Alors, à quand le retour des flux ? Dans le cas où  les indicateurs économiques s’amélioreraient en Europe, avec une banque centrale qui initierait un assouplissement monétaire, nous pourrions revivre des collectes positives. Malheureusement, l’histoire a démontré que cette période idéale ne dure que quelques mois au plus. Alors patience et profitons-en le moment venu !