En ces temps de tensions géopolitiques, l’Europe semble redécouvrir les enseignements de Sun Tzu, le célèbre stratège chinois. « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre », écrivait-il.
Cette maxime résonne particulièrement, alors que l’Union européenne revoit ses priorités en matière de défense.
Plan de réarmement européen
Cette semaine, l’Union européenne a décidé d’autoriser les États membres à exclure les dépenses de défense de la règle des 3 % de déficit public. Cette mesure, proposée par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, vise à permettre aux États de renforcer leurs capacités militaires. Et ce, sans risquer de déclencher une procédure de déficit excessif.
Ce plan, baptisé « ReArm Europe », prévoit d’injecter jusqu’à 800 milliards d’euros dans la défense du Vieux Continent. Avec une enveloppe supplémentaire de 150 milliards d’euros de prêts.
Une initiative de réarmement suite à la rencontre Trump/Zelensky
Cette initiative de réarmement revêt une importance particulière à la suite de la rencontre tendue entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président américain Donald Trump. En effet, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Il a également déclaré que les États-Unis ne soutiendraient plus les efforts européens en matière de défense.
Cette décision semble surtout motivée par la frustration de ne pas avoir conclu d’accord avec l’Ukraine concernant le partage de ses ressources naturelles. Une telle mesure pourrait créer un vide que l’Europe devra comble. Offrant ainsi un potentiel de croissance significatif pour les entreprises de défense européennes.
Des investissements sans précédent
L’Allemagne, en particulier, a pris des mesures audacieuses pour renforcer son budget de défense. Les partis conservateur et social-démocrate allemands, qui négocient la formation du futur gouvernement, ont annoncé leur intention de réaliser des investissements sans précédent. De plusieurs centaines de milliards d’euros pour renforcer la défense et les infrastructures du pays. Cette initiative est une réponse à la fracture croissante avec les États-Unis et à la nécessité de relancer une économie en récession. Ces projets marquent une accélération spectaculaire des bouleversements dans la première économie européenne.
Réarmement allemand et européen d’ampleur inédite
Après des décennies sous la protection américaine, l’Allemagne s’engage désormais dans un réarmement national et européen d’une ampleur inédite. Pour ce faire, l’Allemagne ouvre les vannes des dépenses publiques, mettant de côté des décennies d’orthodoxie budgétaire. Le maître mot : « quoi qu’il en coûte ! ».
Le futur chancelier allemand Friedrich Merz reprend le célèbre mot d’ordre de la BCE lors de la crise de la dette en 2012. Ainsi, les deux formations politiques vont demander un vote à la Chambre des députés, afin d’assouplir les règles nationales constitutionnelles. Règles qui limitent strictement le déficit budgétaire annuel. Toutes les dépenses de défense dépassant 1 % du PIB pourront être votées sans tenir compte du mécanisme dit du « frein à l’endettement ». Ce mécanisme limite normalement le déficit annuel du gouvernement à 0,35 % du PIB. L’objectif est d’atteindre au moins 100 milliards d’euros par an de dépenses pour la défense, rapprochant l’Allemagne du seuil de 3 % du PIB consacré à la défense, conformément au nouvel objectif potentiel de l’OTAN.
Europe institutionnelle de la défense
En France, mercredi soir, Emmanuel Macron a décrit un monde plus brutal marqué par le réveil de la menace à l’Est. Face à cela, il appelle à une Europe plus souveraine. Alors que l’Allemagne lève son frein à l’endettement pour se réarmer, Emmanuel Macron recevra bientôt à Paris les chefs d’état-major des armées des pays européens. Une première qui pourrait marquer l’ébauche d’une Europe institutionnelle de la défense.
Mobiliser des financements privés pour pour financer le réarmement ?
Pour financer cette autonomie stratégique européenne, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité de nouveaux investissements et de mobiliser des financements privés. Il a mentionné l’idée d’un nouveau livret d’épargne dédié à la défense pour orienter une partie des 2 000 milliards d’euros d’épargne des Français vers l’armement. Bien que la question de l’impôt se pose, Macron a exclu une hausse de ces derniers, insistant sur la nécessité de réformes et de courage.
Ces décisions, bien que stratégiques, ne sont pas sans risques. La BCE a repoussé, jeudi, le retour de l’inflation vers la cible de 2 % à 2026. Elle a également ajusté sa politique face aux risques inflationnistes liés à la relance allemande et aux potentiels droits de douane de Donald Trump, en baissant ses taux et en envisageant une pause dans l’assouplissement monétaire. Elle devra naviguer avec prudence pour éviter une inflation galopante et maintenir la confiance des marchés.
Une stratégie de renforcement en Europe
Ainsi, à l’instar de Sun Tzu qui prônait la victoire sans combat, l’Europe semble adopter une stratégie de renforcement déterminée. Comme le stratège chinois l’enseignait, la véritable force réside dans la capacité à influencer l’ennemi sans engager le combat. Paradoxalement, les décisions de Donald Trump, en retirant l’aide militaire américaine, ont également illustré cette maxime.
En créant un vide, il a contraint l’Europe à se renforcer, influençant ainsi la dynamique géopolitique sans conflit direct. Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits, sans compromettre la stabilité économique du continent.
Les chiffres de la semaine
– 800 milliards d’euros.
Le montant du plan historique de la Commission européenne qui vise à réarmer l’Europe.
– 500 milliards d’euros.
Le montant du fonds spécial allemand qui vise à moderniser ses infrastructures et renforcer sa défense.