Un détroit et du pétrole

Nous vivons depuis le 13 juin – date du lancement de l’opération Rising Lion par Israël contre l’Iran – le scénario le plus redouté par les investisseurs. A savoir celui d’une extension du conflit actuel au Moyen-Orient. Pourtant, la réaction des marchés a été, pour le moment, modérée. Et le cours spot du Brent est revenu le 26 juin (66,55 $) en-dessous de celui du 12 juin (70,86 $), après avoir connu un pic à 78 $ le 19 juin. 

Comment expliquer une telle sérénité ? Pourquoi le détroit d’Ormuz n’est-il pas bloqué par Téhéran ? L’échiquier géopolitique aurait-t-il changé ? Qui détient réellement les cartes, selon l’expression si chère à Donald Trump, employée dans le bureau ovale le 28 février dernier, à une tout autre occasion ?

La situation actuelle est à la fois complexe et subtile. Le récent bruit des armes peut, à tout moment, remettre le feu sur le marché pétrolier, ainsi qu’entre les nations présentes dans la région. Nous sommes donc très certainement dans un équilibre précaire entre les différentes forces en présence (militaires, économiques, politiques et religieuses).

Dans le domaine de la défense, les frappes israéliennes, complétées par celles américaines du 21 juin vers 2 heures du matin, heure locale, ont mis tout le monde d’accord. La suprématie aérienne n’est pas du tout du côté de l’Iran et Téhéran n’a riposté que modérément. L’opération Midnight Hammer (le marteau de minuit), baptisée ainsi par Washington, porte bien son nom. En effet, celle-ci a été un véritable coup de massue, aussi bien sur le plan matériel que psychologique. Le fait que les États-Unis puissent lancer 7 avions B2 furtifs de leur territoire pour frapper trois sites nucléaires sur place, sans essuyer un seul tir, témoigne de leur supériorité militaire.

Les moyens utilisés et décrits lors de la conférence de presse du 22 juin sont éloquents : plus de 120 appareils, des douzaines d’avions ravitailleurs et un sous-marin lanceur d’engins, ont été mobilisés. En plus du groupe de diversion, les 7 bombardiers B2 utilisés, dont le coût unitaire dépasse allègrement le milliard de dollars, auraient consommé, à eux seuls, plus de 2,5 millions de litres de kérosène lors de leur vol aller-retour de plus de 36 heures sans se poser. On comprend aisément l’importance du pétrole dans les conflits armés !

L’Iran dispose toutefois d’une arme économique, qui serait de bloquer le détroit d’Ormuz. C’est un lieu de passage maritime pour le pétrole en provenance du Golfe persique. Selon JP Morgan, le baril pourrait atteindre le cours de 130 dollars dans cette situation. Selon l’Administration de l’Information sur l’Énergie, l’équivalent de 20 millions de barils jour de produits pétroliers transitent par ce point névralgique, soit approximativement 20 % de la demande mondiale.

Les exportations non seulement de l’Iran, mais aussi de l’Arabie Saoudite, de l’Irak, de Bahreïn, des Émirats Arabes Unis, du Qatar et du Koweït seraient en grande partie bloquées. La parade repose sur les oléoducs. L’Arabie Saoudite possède celui reliant l’Est à l’Ouest de son territoire, ayant une capacité non utilisée de 3 millions de barils jour. Cependant, cette infrastructure est très ancienne (construite en 1981) et sa vraie capacité supplémentaire repose sur celle du terminal pétrolier sur la mer Rouge, celui de Yanbu (1 million de barils jour).

Actuellement, il n’existe pas de vraie alternative au détroit d’Ormuz et le parlement iranien en a autorisé récemment le blocage. Pourquoi le gouvernement en place ne le fait-il pas ? Il existe trois explications à cela. La première est que cela le priverait de ses propres recettes pétrolières. La deuxième est que les autres pays du Golfe seraient également pénalisés. La troisième se trouve du côté du principal client de l’Iran et de tous les pays voisins : la Chine. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la production de l’Iran était autour de 3,4 millions de barils jour. Selon des sources non officielles, 90 % de cette quantité iraient dans les ports de l’Empire du Milieu. De surcroît, les importations totales de Pékin via le détroit d’Ormuz représenteraient 4,9 millions de barils jour, soit 45 % de ses importations.

On comprend donc l’importance géopolitique de la Chine. Par conséquent, en bloquant le détroit, Téhéran se priverait de ses recettes pétrolières, pénaliserait également l’Occident, mais affaiblirait sa position vis-à-vis de la deuxième puissance économique et politique mondiale.

Le dernier volet important pour la stabilité dans la région est la solidarité des pays arabes. On se souvient évidemment que l’origine du premier choc pétrolier de 1973 remonte à la guerre du Kippour. Celui de 1979 est dû à la révolution iranienne. Tout le monde redoute un troisième choc mondial. Pour le moment, les principaux pays sunnites ne veulent pas brouiller leurs relations avec les Occidentaux. Ils ne sont pas solidaires des ambitions militaires et nucléaires non civiles iraniennes. Toutefois, la situation reste fragile. Ce qui explique les actions militaires limitées des acteurs étrangers, souhaitant une trêve, voire une paix rapide entre les différents protagonistes.

6 184 points. Nouveau record historique de l’indice S&P 500 en séance ce 27 juin.

2,5 millions de litres de kérosène. La quantité consommée par les 7 bombardiers B2, au cours de l’opération Marteau de minuit.

Luca de Meo : le designer de la relance roule désormais pour le luxe

En fin de week-end dernier, l’actualité nous a offert un coup de théâtre qui a secoué bien au-delà des cercles financiers habituels. L’homme fort de l’automobile, l’artisan du renouveau de Renault, Luca de Meo, s’apprête à troquer ses bolides pour les défilés de mode, en rejoignant Kering.

Un mouvement inattendu, presque audacieux, qui laisse pantois. Et ouvre le champ à toutes les spéculations. C’est l’histoire d’un homme qui, après avoir redressé des géants de l’asphalte, part à la conquête des podiums.

Son arrivée s’inscrit d’ailleurs dans une tendance plus large, où des profils de dirigeants issus d’autres secteurs, comme l’industrie ou la grande consommation, prennent les rênes de maisons de luxe. Ils prouvent ainsi que la rigueur industrielle et la vision stratégique sont des atouts précieux, au-delà des parcours traditionnels. Ce phénomène démontre que l’excellence managériale ne se cantonne plus aux figures traditionnelles du secteur créatif du luxe.

Car Luca de Meo, c’est avant tout une carrière estampillée du sceau de l’excellence et de la transformation. Passé par Fiat, où il a insufflé une nouvelle vie à des marques comme Abarth et Alfa Romeo, il s’est forgé une réputation de maître en revitalisation de marques. Mais c’est sans doute chez Renault que son étoile a brillé de la plus vive des manières. Arrivé en pleine tempête, après le départ retentissant de Carlos Ghosn et les difficultés financières du groupe, de Meo a orchestré une véritable « Renaulution ».

Il a su, avec une énergie contagieuse et une vision claire, recentrer la marque au losange. Il a su tailler dans les coûts, mais surtout réinvestir dans l’innovation et l’électrification. Sous sa houlette, des modèles emblématiques ont été réinventés. Des partenariats stratégiques ont été noués, et la rentabilité a retrouvé des couleurs. Luca de Meo a su insuffler une culture d’entreprise agile, loin des lourdeurs habituelles des grands groupes, et a redonné confiance aux équipes, comme aux investisseurs. Le redressement fut tel qu’il a souvent été cité en exemple de management à succès.

Alors, pourquoi ce virage à 180 degrés ? Pourquoi quitter un secteur où il est une icône reconnue pour s’aventurer dans l’univers feutré et exigeant du luxe ?

Son désir d’horizons nouveaux, de défis inédits, semble être la première des explications. Il est de ces leaders qui se nourrissent de la complexité et qui cherchent constamment à laisser leur empreinte.

Et Kering, il faut le dire, représente un chantier de taille. Le groupe de luxe, propriétaire de maisons prestigieuses comme Gucci, Saint Laurent ou Bottega Veneta, connaît des déboires significatifs en bourse depuis plusieurs années. Kering a perdu presque 70 % de son résultat opérationnel depuis 2022. Un chiffre qui donne le vertige. Et qui illustre l’ampleur du défi qui attend Luca de Meo.

L’annonce de sa nomination a certes fait bondir le cours de l’action de 12 %. Mais l’histoire nous a déjà montré qu’une telle hausse, comme en juillet 2023, peut s’évaporer en quelques semaines.

Le secteur du luxe, loin d’être un fleuve tranquille, est confronté à des pressions cycliques et structurelles. La bataille ne se gagne pas seulement avec des stratégies financières ou des plans de coupe. Le succès dans le luxe ne peut être tiré que d’une meilleure désirabilité de la marque, d’une pertinence culturelle et des volumes de vente. Autant de domaines où l’intuition artistique et la compréhension profonde des tendances sont primordiales.

Le chantier le plus pressant est sans doute chez Gucci. L’arrivée d’un nouveau directeur artistique ne peut pas radicalement changer la donne en quelques mois. Luca de Meo aura la lourde tâche de relancer cette locomotive essentielle. Tout en s’appuyant sur l’expertise déjà présente dans le groupe, comme l’a indiqué François-Henri Pinault, qui conservera un rôle très impliqué dans la stratégie. La division des rôles entre le président et le nouveau directeur général est d’ailleurs un signe fort de cette nouvelle ère. Les réactions à cette annonce sont multiples. D’un côté il y a l’enthousiasme de ceux qui voient en de Meo le sauveur. De l’autre la prudence de ceux qui reconnaissent que la route sera longue. Et que la trajectoire du groupe à court terme restera compliquée.

Le management actuel de Kering a d’ailleurs déjà mis l’accent sur la maîtrise de la dette et l’avancée des désinvestissements immobiliers. Autant de preuves que le cap est mis sur une restructuration profonde.

Luca de Meo, l’homme des challenges automobiles, se lance donc dans un défi le plus glamour. Et probablement l’un des plus complexes de sa carrière.

Va-t-il réussir à appliquer ses méthodes éprouvées de transformation et de revitalisation de marque dans un univers où les codes sont si différents ? Saura-t-il faire rimer la puissance du moteur avec le frisson de la haute couture ? Seul l’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : tous les regards sont désormais braqués sur la nouvelle route que prendra Kering sous sa direction. Le spectacle ne fait que commencer.

57,7 millions de dollars gagnés par Donald Trump avec sa cryptomonnaie lancée juste avant son arrivée au pouvoir, selon les documents rendus publics par la Maison Blanche.

83. Le numéro de la Ferrari qui a remporté les 24h du Mans, offrant à la marque italienne un troisième succès consécutif dans la Sarth.

Chronique d’un monde branché à l’IA

Dans le monde trépidant de la technologie, une course effrénée à l’intelligence artificielle (IA) est en cours. Elle est menée par les géants américains. Cette semaine, les dernières nouvelles de ces mastodontes technologiques confirment que l’IA n’est pas seulement une tendance, mais le cœur battant de leur stratégie future, façonnant notre quotidien de manière toujours plus profonde.

Mais cette course a un coût, et pas seulement financier : la soif d’énergie de l’IA devient un enjeu majeur.

Nvidia, leader des puces IA, poursuit son expansion. L’entreprise a annoncé une série de projets pour renforcer l’infrastructure IA en Europe, notamment via un partenariat avec la startup française Mistral AI. Elle exploitera 18 000 puces Grace Blackwell dans un centre de données en Essonne. Des collaborations sont également en cours au Royaume-Uni, en Italie et en Arménie.

Jensen Huang, PDG de Nvidia, insiste sur la nécessité pour l’Europe de développer massivement ses centres de données. Plus de 20 « usines d’IA », dont plusieurs gigafactories avec plus de 100 000 puces, sont prévues. Objectif : multiplier par 10 la capacité de calcul du continent.

En parallèle, Nvidia lance des outils pour la robotique, les villes intelligentes et les véhicules autonomes. En Allemagne, l’entreprise construit le premier cloud IA industriel, avec des partenaires comme SAP, Siemens ou NEURA Robotics, visant à intégrer l’IA physique dans la fabrication et la logistique.

Meta (Facebook, Instagram) investit lourdement dans l’IA avec 15 milliards de dollars injectés dans Scale AI, une startup spécialisée dans le traitement de données pour entraîner les modèles. L’entreprise développe également un « laboratoire de superintelligence » avec une cinquantaine de chercheurs. Pour rivaliser avec OpenAI et Google DeepMind.

Mais l’enjeu énergétique est colossal. Pour y faire face, Meta a signé un contrat de 20 ans avec Constellation Energy pour alimenter ses data centers avec 1,1 GW d’électricité nucléaire dès 2027. L’entreprise considère cette source comme essentielle pour répondre à la demande sans compromettre la fiabilité du réseau. Un choix qui illustre la nouvelle équation énergétique des géants du numérique : toujours plus de puissance, mais aussi plus de stabilité.

Microsoft continue d’innover en IA. Après avoir optimisé la durée de vie de ses serveurs, l’entreprise a récemment lancé un « agent scientifique ». Ce dernier est capable de découvrir de nouveaux matériaux en quelques heures. Ce projet montre le potentiel de l’IA pour accélérer la recherche.

Microsoft a aussi dévoilé NLWeb, un outil transformant n’importe quel site web en application IA, simplifiant l’interaction et rendant l’IA plus accessible. Ces innovations positionnent Microsoft à la croisée de la science et de la praticité numérique.

Alphabet, maison mère de Google, mise sur une intégration fluide de l’IA dans ses produits. La mise à jour « Pixel Drop » de juin 2025 introduit la génération d’autocollants IA, des conseils photo IA et des widgets personnalisés. 

Le modèle Veo, capable de générer des vidéos, a aussi fait sensation en ligne. Côté recherche, Google planche sur des IA pour planifier des voyages. Ou encore évaluer les risques environnementaux ou améliorer les conversations complexes. À la conférence Google I/O 2025, l’entreprise a présenté Gemini AI amélioré, une plateforme pour la réalité augmentée, les lunettes intelligentes Project Aura, et NotebookLM, un assistant de recherche personnel désormais disponible sur Android.

Lors de sa WWDC 2025, Apple a révélé « Apple Intelligence », une IA embarquée localement sur les appareils (iPhone, Mac) pour préserver la confidentialité. 

Traduction en direct, outils créatifs, priorisation des notifications et résumés intelligents sont parmi les nouveautés notables.

Cependant, la refonte complète de Siri est repoussée à l’an prochain, preuve que même Apple rencontre des défis techniques. Ce dernier a aussi présenté de nouveaux modèles linguistiques pour améliorer les fonctions IA et mis à jour son OS avec des fonctionnalités IA dans Safari et Messages.

Amazon Web Services (AWS) est l’épine dorsale de l’IA pour de nombreuses entreprises. Cette semaine, Amazon a annoncé un investissement de 20 milliards de dollars pour renforcer ses infrastructures en Pennsylvanie, soulignant l’importance vitale des centres de données.

L’entreprise collabore étroitement avec Anthropic, startup IA valorisée à 61,5 milliards de dollars, grâce à des modèles comme Claude 4. Amazon a investi 8 milliards dans Anthropic, et une grande partie de cet argent revient chez AWS sous forme de services cloud. Ensemble, ils construisent Project Rainier, une immense infrastructure destinée à entraîner les futurs modèles Claude sur des centaines de milliers de puces Trainium 2.

AWS se distingue par une approche globale : puissance de calcul, rapidité, disponibilité GPU/TPU et durabilité. Elle optimise l’infrastructure du cloud, tout en anticipant l’explosion des besoins énergétiques.

Impossible de parler d’IA sans évoquer OpenAI. L’entreprise, pionnière de l’IA générative, a vu son chiffre d’affaires annuel doubler en quelques mois : de 5,5 milliards de dollars fin 2024 à 10 milliards récemment. Cela s’explique par l’énorme succès de ChatGPT, qui compte 500 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires.

OpenAI propose des services aussi bien aux particuliers (ChatGPT Plus) qu’aux entreprises, et prévoit de générer 12,7 milliards de dollars de revenus en 2025. Après une perte de 5 milliards en 2024, ce revirement est spectaculaire. L’entreprise envisage même une levée de fonds de 40 milliards, qui la valoriserait à 300 milliards de dollars.

Toutes ces initiatives témoignent d’une chose : l’IA est au cœur de la stratégie des entreprises technologiques. Chacune adopte une approche différente : infrastructure (Amazon, Nvidia), superintelligence (Meta), accessibilité (Microsoft), intégration produit (Apple, Google) ou IA de rupture (OpenAI).

Mais toutes partagent un besoin commun : une capacité de calcul gigantesque, alimentée par une énergie fiable et souvent décarbonée. L’IA impose une pression inédite sur les infrastructures énergétiques mondiales, ce qui pousse les entreprises à investir dans des solutions sur le long terme, comme le nucléaire ou les énergies renouvelables.

La révolution de l’Intelligence Artificielle n’en est qu’à ses débuts. Elle transforme les produits, les services, mais aussi la manière dont les entreprises gèrent leur infrastructure, leur personnel et leur rapport à la planète. Une certitude : cette course à l’intelligence redessine les contours du pouvoir technologique mondial, tout en posant les bases des défis à venir.

12.
Le nombre de caméras Sony Hawk-Eye utilisant l’IA qui seront positionnées au bord du court lors du tournoi de Wimbledon pour déterminer si la balle est dedans ou dehors.

5.
Le nombre d’heures pour faire Londres-Francfort lorsque la nouvelle ligne ferroviaire sera lancée.

La fin d’un cycle monétaire à la BCE ?

Et de huit ! La BCE vient d’annoncer une nouvelle baisse de ses taux directeurs de 25 points de base, ce jeudi 5 juin. Malgré ses petits ajustements réguliers au cours de ces 12 derniers mois, l’institution de Francfort a tout de même réduit le loyer de l’argent de 2% au total. Nous vivons donc, actuellement, l’assouplissement monétaire le plus important depuis celui initié en 2008, en pleine crise financière. Désormais, le taux de dépôt est fixé à 2%. Au niveau de son objectif d’inflation à moyen terme de 2%.

Depuis sa création en juin 1998, la Banque Centrale Européenne a adopté quatre cycles de durcissement monétaire (1999-2000, 2005-2007, 2011 et 2022-2023). Elle a également adopté cinq cycles d’assouplissement (1999, 2000-2003, 2008-2009 et 2024-2025). L’ampleur de la baisse que nous pouvons observer depuis un an (2%) se classe en troisième rang. Après celle de 2,75% observée en 2000-2003 et de 3% en 2008-2009.

Contrairement à ces deux époques, nous ne sommes pas en récession. Les projections de croissance du PIB pour 2025 dans la zone euro des économistes de la BCE et de l’Eurosystème ont été révisées d’à peine 0,50% depuis juin 2024 (de 1,4% à 0,90%). Nous ne connaissons pas, pour le moment, de choc sur l’activité économique. Comme ce fut le cas après les attentats du 11 septembre 2001 et la crise financière de 2008.

Il intervient après le plus fort durcissement monétaire de toute l’histoire de la BCE, synonyme d’une forte augmentation des taux directeurs de 4,50 % entre 2022 et 2023 (de -0,50% à 4%). La pandémie de Covid-19 avait provoqué alors une pénurie sur l’offre des agents économiques, engendrant une accélération de l’inflation. Celle-ci avait connu un pic sur un an glissant de 10,6% en octobre 2022, du jamais vu depuis la création de l’euro.

Cette politique actuelle d’assouplissement monétaire est singulièrement différente de toutes les autres. En effet, elle est liée avant tout à la désinflation observée depuis deux ans et surtout à la certitude que la période de fortes hausses des prix était derrière nous. Le mouvement initié en juin 2024 a débuté quand l’inflation était revenue à 2,50%. Le taux de dépôt de 4% de l’époque rendait de facto la politique monétaire restrictive. Il fallait agir et c’est ce qui a été fait.

L’inflation estimée est de 2% en moyenne en 2025, 1,6% en 2026 et 2,0% en 2027. Nous sommes en territoire dit de neutralité. Bien que Christine Lagarde se soit bien gardée de faire un commentaire sur ce sujet, malgré des questions au cours de la conférence de presse. Botter en touche sur ce thème permet d’esquiver la problématique du taux terminal. Ce dernier fixerait un cap dangereux pour les marchés, toujours avides de tourner la page. En guise de réponse, nous avons eu un simple « nous y sommes presque ».

De ce fait, nous devons nous contenter du communiqué officiel. Il stipule que, compte tenu du contexte actuel d’incertitudes exceptionnelles, la BCE ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière. Elle suivra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l’orientation appropriée de sa politique monétaire. Le statu quo est attendu pour la prochaine réunion du 24 juillet et les investisseurs ne s’attendent plus qu’à une seule baisse des taux de 0,25% d’ici la fin de l’année.

La décision d’hier a été prise à l’unanimité à l’exception d’une seule voix. Volontairement restée anonyme. Le Conseil des gouverneurs se compose des six membres du directoire de la BCE et des gouverneurs des vingt banques centrales nationales des pays de la zone euro. L’adhésion de la Lituanie à la zone euro en 2015 a entraîné une modification des droits de vote, limités à 21. Conformément aux traités de l’Union européenne.

Un système de rotation mensuelle a donc été mis en place. Désormais, les gouverneurs des pays classés d’un à cinq (actuellement l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas) se partagent quatre droits de vote. Les autres pays (quinze depuis l’adhésion de la Croatie le 01/01 2023) disposent de onze droits de vote. Des divergences potentielles existent. Les cinq membres traditionnellement réticents à baisser les taux (Schnabel, Wunsch, Holzmann, Nagel et Kazimir) vont devenir majoritaires avec ceux adepte de la neutralité. La BCE va donc être exigeante en matière de données économiques, sauf en cas de guerre commerciale prononcée et dévastatrice pour l’activité.

2 %. Le taux de dépôt de la BCE, au plus bas depuis  janvier 2023.

49,9. L’ISM des services en mai aux USA, soit en-dessous du seuil d’expansion de 50, au plus bas depuis juin 2024.

Buy Nvidia in May, and don’t go away

Détenir l’action Nvidia au mois de mai s’est révélé bénéfique ces trois dernières années, avec une performance mensuelle de +36 % en 2023, +27 % en 2024 et +22 % en 2025. Ne pas prendre ses profits après ces belles progressions a été encore plus judicieux. En effet le titre s’est octroyé plus de 380 % depuis le 28 avril 2023. Et cela, malgré tous les soubresauts observés au cours de cette période, notamment depuis le début de l’année.

L’entreprise, leader dans l’IA (Intelligence Artificielle), domiciliée à Santa Clara en Californie, berceau de la Silicon Valley, a la particularité d’avoir un exercice annuel décalé se terminant fin janvier. Cette spécificité fait qu’elle est toujours la dernière des « 7 Magnifiques » à annoncer ses résultats, ce qui constitue en soi un événement à part entière. Son état de santé représente donc un véritable baromètre. Non seulement pour toute la thématique de l’IA, mais également pour l’ensemble du secteur technologique, avec des répercussions sur le reste de la cote.

Cette année, le jour J était ce mercredi 28 mai. C’est la date à laquelle Nvidia a publié son rapport d’activité pour le premier trimestre.
Au-delà des chiffres, les perspectives pour le reste de l’année et les commentaires du management sont encore plus importants. Ils sont donc scrutés par les investisseurs, surtout avec les incertitudes liées aux droits de douane, aux restrictions d’exportation et à une concurrence devenue plus féroce.

Quelles en sont les conclusions ? Sommes-nous à la fin d’un cycle de domination américaine ou, au contraire, à l’aube d’une nouvelle phase de développement ?
Est-il encore possible pour cette entreprise, aux performances historiques exceptionnelles, de croître sensiblement ? Elle qui a vu son chiffre d’affaires passer en seulement trois exercices annuels de 26,95 milliards de dollars en 2023 à presque 200 milliards de dollars cette année (clôturée au 31/01/2026), selon les prévisions des analystes ?

Avant toute chose, le bilan est satisfaisant. Les revenus ont progressé de 69 % sur un an glissant, atteignant 44 milliards de dollars. Et le résultat net a augmenté de 26 %, à 18,78 milliards de dollars.

L’impact de la Chine a été très négatif au premier trimestre, comme préannoncé par la société le 15 avril. Le 9 avril dernier, le gouvernement américain a instauré de nouvelles restrictions à l’exportation pour le H20, le GPU de centre de données conçu spécifiquement par Nvidia pour le marché chinois. En conséquence, l’entreprise n’a pas pu expédier 2,5 milliards de dollars de produits H20 au premier trimestre et a dû enregistrer une charge de 4,5 milliards de dollars en raison de la dépréciation des stocks et des obligations d’achat liées aux commandes reçues avant le 9 avril.

Ce montant est inférieur à ce qui était initialement prévu, certains matériaux ayant pu être réutilisés.

Si l’on exclut cette perte exceptionnelle, le bénéfice par action ajusté au premier trimestre aurait été de 0,96 $, soit supérieur au consensus des analystes, qui était de 0,93 $. Cette bonne performance explique la réaction positive du titre au lendemain de la publication.
Pour le second trimestre, les revenus sont estimés autour de 45 milliards de dollars, malgré un effet négatif supplémentaire de 8 milliards de dollars lié à la Chine. La marge brute devrait naturellement retrouver son niveau historique, supérieur à 70 %, pour se situer entre 71,8 % et 72 %.

L’annonce, le 20 janvier dernier, d’un nouveau modèle baptisé DeepSeek-R1 a jeté un pavé dans la mare et semé un énorme doute sur la domination américaine, tout en créant une gigantesque confusion chez les investisseurs autour de la thématique de l’IA.

Pour répondre à cette question, il est essentiel d’être factuel et pragmatique. DeepSeek-R1 est un LLM (Large Language Model), ou en français un Langage de Grande Taille. C’est un modèle d’IA entraîné sur d’énormes quantités de textes pour apprendre les structures, les significations et les usages du langage humain, afin de dialoguer, rédiger ou traduire des textes, entre autres. Ses concurrents directs sont donc ChatGPT, Gemini de Microsoft et Llama de Meta.

La surprise pour ces concurrents américains a été la fiabilité du modèle, ses capacités de raisonnement avancées, sa résolution de problèmes complexes, son coût et son architecture ouverte. Avantages qui le rendent attractif pour les développeurs. Ce produit les contraint à revoir tous leurs algorithmes.

Cependant, selon Jensen Huang, Président-Directeur Général et fondateur de Nvidia, même si les Chinois DeepSeek et Qwen figurent parmi les meilleurs modèles d’IA en open source, ils auront besoin d’une augmentation massive de capacité, provoquée par une demande d’inférence, mesurée plus communément en tokens. Ce besoin est estimé, à terme, à un multiple de 1 000 par rapport à la demande actuelle. Tout est donc une question d’infrastructure. Et tous les acteurs de la chaîne de l’IA devront s’y attacher, faute de quoi ils seront incapables de répondre à la demande et de proposer des produits performants.

La société souligne également l’émergence de clients souverains, tels que l’Arabie Saoudite ou les Émirats Arabes Unis, qui souhaitent détenir ces infrastructures stratégiques. C’est la raison pour laquelle nous pensons que l’émergence de nouveaux acteurs devrait, quels qu’ils soient, renforcer la position de Nvidia.

La Directrice financière, Colette Kress, a par ailleurs confirmé que les hyperscalers, ou fournisseurs de cloud hyperscale, tels que Microsoft, commandaient actuellement plus de 1 000 racks NVL72 par semaine, soit 72 000 GPU Blackwell. Ce nouveau produit est à ce jour le plus grand succès commercial de la société. Il représente actuellement 70 % des revenus dans les centres de données.
Nous sommes donc à l’aube d’une nouvelle phase de renouvellement de produits, et l’entreprise Nvidia est, une fois encore, bien positionnée.

Selon les analystes, les revenus devraient avoisiner les 200 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Ils devraient croître jusqu’à 250 milliards l’année prochaine, et approcher les 344 milliards de dollars en 2030.

Il est évidemment encore trop tôt pour affirmer si ces estimations sont réalistes. Ce qui semble plus vraisemblable, c’est que Nvidia pourrait franchir le cap des 100 milliards de dollars de résultat net cette année. Comme Apple et Microsoft, rejoignant ainsi un club très fermé, constitué de Saudi Aramco et Alphabet l’année dernière.

Dans ces conditions, le titre reste, selon nous, à conserver en fonds de portefeuille.

44 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires de Nvidia au 1er trimestre.

3 millions de mètres cubes de roches. Le volume qui détruit le village suisse de Blatten, suite à l’éboulement d’un glacier.

Altice : Sur la Falaise du Redressement

L’annonce, cette semaine, de la mise en procédure de sauvegarde d’Altice, propriétaire de SFR, marque un tournant dramatique dans l’histoire des télécommunications en France.

Symbole de l’innovation durant plusieurs décennies, l’opérateur traverse aujourd’hui l’une des crises les plus graves de son existence. Cette situation illustre à quel point même les géants, autrefois intouchables, peuvent chanceler face à des choix stratégiques risqués, une dette massive et une concurrence féroce.

SFR (Société Française du Radiotéléphone), fondée en 1987 par la Compagnie Générale des Eaux, s’est rapidement imposée comme un acteur majeur, lançant le deuxième réseau GSM de France dès 1992. En 1996, avec la création du groupe SFR-Cegetel, l’entreprise s’ouvre à la téléphonie fixe et à l’internet. Les années 2000 confirment son dynamisme, avec l’arrivée de la 3G en 2004 et de l’ADSL en 2007. SFR devient alors un pilier du numérique en France. 

Le virage de 2014 va profondément bouleverser son avenir. Cette année-là, Patrick Drahi, à la tête du groupe Altice, rachète SFR pour 17 milliards d’euros. Ce rachat marque le début d’une nouvelle ère, axée sur une stratégie de convergence entre télécoms et médias. Cette stratégie, fondée sur une croissance externe effrénée, alourdit rapidement la dette du groupe. En 2015, Altice atteint une capitalisation de 30 milliards d’euros, mais cette trajectoire ne tarde pas à s’essouffler. La société, qui accumule les acquisitions, creuse une dette vertigineuse.

En 2018, l’idée de renommer SFR en Altice est abandonnée. Signe que la marque SFR conserve une valeur stratégique majeure que le groupe ne peut se permettre de diluer. En 2025, la dette d’Altice dépasse les 60 milliards d’euros. SFR, dont il détient encore 55 %, est devenu l’actif clé à vendre pour éviter une implosion financière. Le groupe cherche à céder une part majoritaire de l’opérateur, estimée à environ 30 milliards d’euros (incluant la dette). Parmi les acheteurs potentiels : Bouygues Telecom, Iliad (Free), Orange, mais aussi des fonds étrangers comme KKR, STC ou Etisalat.

La procédure de sauvegarde, encore rare en France (environ 3 % des procédures collectives chaque année), permet à Altice de suspendre temporairement ses obligations financières pour restructurer sa dette. Elle offre un répit stratégique, mais révèle aussi l’ampleur des difficultés. En 2022, près de 28 % des procédures de sauvegarde en France ont fini en liquidation judiciaire. 

SFR, prise dans la tourmente, doit aussi faire face à des défis majeurs. La société a perdu 1,5 million d’abonnés mobiles en deux ans et prévoit de fermer plus de 30 boutiques dès juillet 2025 pour accélérer sa transition vers un modèle 100 % digital. Sa valorisation boursière s’est effondrée, passant de 11 milliards d’euros en 2021 à 7,1 milliards en 2024.

La méfiance des investisseurs s’installe. Sur le plan technologique, SFR a également perdu du terrain. Bien que la 5G SA (version autonome de la 5G qui ne dépend pas de l’infrastructure 4G) ait été lancée fin 2023, son déploiement reste partiel, contrairement à Orange, qui couvre déjà 70 % de la population avec ses 10 000 antennes. Cette perte de leadership renforce la nécessité de moderniser rapidement les infrastructures. À cela, s’ajoutent des failles de cybersécurité inquiétantes. SFR a récemment reconnu une fuite de données sensibles concernant ses clients (noms, coordonnées bancaires, cartes SIM), nuisant encore à la confiance, à un moment où elle cherche à séduire de nouveaux investisseurs.

L’histoire de SFR, jadis pionnière, est aujourd’hui celle d’un géant affaibli par les errements de sa maison-mère. En cherchant à s’imposer comme consolidateur européen, Altice a exposé SFR à un risque systémique. La procédure de sauvegarde d’Altice dépasse ainsi la simple restructuration financière : elle incarne l’échec d’un modèle économique basé sur l’endettement excessif et une croissance précipitée.

L’avenir de SFR est désormais suspendu à l’émergence d’un repreneur capable de porter un projet de redressement crédible. À défaut, le scénario d’un démantèlement ou d’un rachat par un concurrent devient probable. Cette situation ne concerne pas seulement un opérateur : elle reflète une crise structurelle du secteur. Dans un marché en perpétuelle mutation, la survie ne dépend plus de la taille, mais de la capacité à s’adapter avec agilité et prudence.

Les mois à venir seront donc décisifs, tant pour l’avenir de SFR que pour l’équilibre global du paysage numérique français.

700 millions de dollars.
Le don en actions de Sergey Brin le cofondateur de Google.

114 milliards.
Le nombre de pennies (pièces de 1 cent) actuellement en circulation aux États-Unis. Le gouvernement américain a annoncé la fin de la production de nouvelles pièces.

Air Force One change de cap

Dans son livre intitulé « L’art de la négociation », publié en 1987 et coécrit avec Tony Schwarz, Donald Trump décrit les éléments essentiels de tout accord. En insistant sur l’importance de penser grand, de limiter la casse en cas de scénario négatif, de suivre ses instincts, d’utiliser l’effet de levier et de comprendre la demande du public. Pour lui, la publicité est essentielle à son approche commerciale et maintenir sa crédibilité en tenant ses promesses est crucial.

Force est de constater que sa méthode n’a pas changé d’un pouce après quatre décennies, même en tant que président. Il reste avant tout un homme d’affaires instinctif, aux méthodes brutales et disruptives. Depuis le 2 avril, le « jour de la libération », nous revivons un épisode typique de la vie du milliardaire. Dans le but, cette fois-ci, d’obtenir de nouvelles recettes payées par les autres nations, au bénéfice des Américains. La finalité ? Faire passer au Congrès une nouvelle loi de finance, avec à la clé, des baisses d’impôts gigantesques.

Nous venons de vivre une période d’escalade et de désescalade dans la guerre commerciale. Certes, le conflit n’est pas achevé et la mèche peut se rallumer à tout instant, car celui-ci n’est qu’en pause. Mais les évolutions penchent pour un apaisement avec des accords de principe. En attendant la signature de nouveaux traités plus favorables pour les États-Unis. En fixant un tarif universel de 10 %, avec des droits de douane supplémentaires, dits réciproques et spécifiques pour chaque partenaire commercial, le locataire de la Maison-Blanche voyait sans doute grand.

Pour ne se contenter finalement que d’une surcharge globale de 10 %, avec des exceptions et de nouveaux débouchés pour les produits américains.

Les premières annonces avec l’Angleterre et les autres pays semblent indiquer que l’objectif, tenu secret, soit atteint, voire dépassé. Selon l’accord du 8 mai avec le Royaume-Uni, les Américains ont obtenu une nette réduction des droits de douane pour leurs exportations, avec en supplément un engagement d’achat de produits agricoles et aéronautiques. En échange de cela, il a octroyé des droits de douane réduits de 10 % contre 27,50 % auparavant, uniquement sur un quota de 100 000 véhicules. Rappelons qu’avant janvier 2025, le taux en vigueur était de 2,2 %. De plus, la taxe de 25 % sur les importations d’acier anglais aux États-Unis est supprimée, sous réserve de critères respectés, contre 5,30 % en début d’année.

Après les armes, vient le temps du dialogue. Dans cette phase de désescalade, Air Force One reprend du service. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la destination n’est ni l’Europe, ni la Chine, ni le Mexique, ni le Canada, ni le Japon. Mais la péninsule Arabique.

Le nouveau plan de vol de quatre jours comprend l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats Arabes Unis. Le président américain s’est transformé en VRP (vendeur, représentant et placier) de haut rang pour vendre des Boeing, des armes et des nouvelles technologies, en plus des promesses d’investissement aux États-Unis. Comme toujours, le chef des armées claironne ses succès en maximisant les chiffres. Celui-ci parle d’une tournée de plus de 3 000 milliards de dollars. On arrive effectivement à ce chiffre, lorsque l’on totalise les promesses d’investissement cumulées de l’Arabie Saoudite, du Qatar et des Émirats Arabes Unis. On est donc loin du record pour un artiste comme Taylor Swift et ses plus de deux milliards de dollars de recettes pour 149 concerts.

C’est une bonne question, étant donné que Donald Trump répète que les partenaires européens traitent mal les États-Unis. De plus, la zone euro n’achètera pas de Boeing, ni d’armes. Celle-ci devra sans doute augmenter ses importations en énergie fossile. Et probablement en produits agricoles pour amadouer Washington. Pourtant rien n’est perdu, puisque Michal Baranovsky indiquait le 15 mai, que ses discussions avec le secrétaire d’État au commerce américain étaient constructives.

Après ces derniers évènements, les marchés sont passés du scénario du pire de début avril (stagflation, soit une récession avec plus d’inflation) à celui de plus de croissance, avec une inflation maîtrisée. Dans le cas d’un accord avec le Congrès, toute la politique économique voulue par Donald Trump pourra se concrétiser et réussir. Cette nouvelle perspective conduit les investisseurs, qui avaient vendu depuis mars et surtout en avril, à se racheter sur le marché américain. Cela explique les forts rebonds sur certaines valeurs, notamment celles ayant publié des résultats solides et des prévisions favorables. 

210. Le nombre d’avions long-courrier vendus par Boeing à Qatar Airways, pour une valeur record de 96 milliards de dollars.

1 400 milliards de dollars. La promesse d’investissements aux USA sur 10 ans par Abu Dhabi.

Une saison des résultats réussie, mais vite oubliée

La période des publications des résultats du premier trimestre 2025 est presque achevée. Et il est déjà possible de dresser un bilan positif quasi définitif.

Ainsi, respectivement 62 % et 79 % des sociétés de l’indice STOXX Europe 600 et du S&P 500 ont battu le consensus au niveau des bénéfices par action. Ce score se situe au-dessus de la moyenne des 15 dernières années. Le moral devrait donc être au beau fixe, aussi bien chez les entrepreneurs que chez les investisseurs. Pourtant, malgré ces données fondamentales importantes pour la bonne tenue des marchés, le cœur n’y est pas et l’attention est déjà ailleurs. Comme si la page était déjà tournée. 

Pourquoi ce phénomène et où sont désormais braqués les projecteurs ?

Une fois de plus, les managements des entreprises ont été dans l’ensemble au rendez-vous. Et ce, malgré une activité qui reste assez faible, puisque les chiffres d’affaires sur un an glissant ont connu une modeste croissance de l’ordre de 2 % en Europe et de 4 % aux États-Unis. Une bonne maîtrise des coûts a permis une augmentation de la marge, même modérée, dans le vieux continent.

Les rares titres des sociétés n’ayant pas rempli leur contrat au cours du premier trimestre ont été lourdement sanctionnés. Celles qui ont battu les estimations, mais qui ont ensuite révisé à la baisse leurs prévisions annuelles l’ont été également. Toutefois, battre le consensus du premier trimestre n’a pas été suffisant pour convaincre, car celui-ci avait été sensiblement réduit avant le mois d’avril. La photo finale pour cette saison trimestrielle des résultats est donc moins réussie qu’en apparence.

L’autre particularité qui caractérise cette période est le faible pourcentage des entreprises à relever leurs prévisions annuelles (à peine 6 % en Europe). Cela explique le bon comportement des titres de ces sociétés qui font figure d’exception. Elles sont recherchées par les investisseurs.

Outre-Atlantique, on peut souligner les belles publications de Meta, Alphabet et Microsoft.

Malheureusement, approximativement 15 % des entités cotées sur l’indice STOXX Europe 600 ont également abaissé leurs anticipations de résultat annuel. Le taux de ce dernier étant bien plus important que celui des améliorations, la croissance des bénéfices par action pour l’année 2025 continue depuis plus de 9 mois à être révisée à la baisse, pour se situer désormais autour de 3 % en Europe et de 10 % aux États-Unis.

Tout d’abord, la hausse de l’euro, surtout vis-à-vis du dollar depuis début avril, impacte négativement le résultat d’exploitation de la majorité des entreprises européennes. C’est tout le contraire pour les sociétés américaines, qui anticipent déjà un effet positif de plus de 2 %.

Les tarifs douaniers sont plus que jamais au centre des préoccupations de tous les acteurs. C’est la grande inconnue qui contraint les entreprises à adopter un ton prudent sur l’évolution de leur activité. Et ce, même si une minorité d’entre elles constate réellement une baisse de leur carnet de commandes. La pause dans l’application des droits de douane américains réciproques, à l’exception de ceux pour les importations en provenance de Chine, a permis aux marchés financiers de rebondir depuis le 9 avril. Toutefois, la désescalade est somme toute loin d’être acquise et la trêve est prévue pour durer seulement 90 jours. L’échéance est donc pour le 9 juillet.

L’annonce d’un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni est positive. Mais le taux universel de 10 % américain est maintenu. Selon le communiqué disponible sur le site de la Maison-Blanche, les importations des premiers 100 000 véhicules sur le sol américain se verront imposer une taxe réduite de 10 % et de 25 % au-delà. En échange, Londres va lever des droits de douane sur les produits agricoles. Pour en importer jusqu’à 5 milliards de dollars de plus. Une chaîne d’approvisionnement à taux réduit concerne également les produits pharmaceutiques et l’aéronautique. Une commande d’avions Boeing de 10 milliards de dollars a été aussitôt annoncée.

Le statu quo de la FED de mercredi 7 mai est une autre source de volatilité des marchés. La Banque centrale a noté un risque d’augmentation du taux de chômage et de l’inflation pour justifier la prolongation de la pause dans son cycle d’assouplissement monétaire. Cette décision a ravivé les critiques dures de Donald Trump vis-à-vis de Jerome Powell qui avaient déjà fait chuter les indices boursiers un mois auparavant. Devant autant d’inconnues, les investisseurs demeurent très craintifs et ont très peu modifié leurs allocations. Ils sont comme les entrepreneurs dans l’expectative en attendant d’y voir plus clair.

324 000 Milliards de dollars.
L’encours de dettes dans le monde à fin mars, selon The Institute of International Finance.

310.
Le nombre de votes au Bundestag obtenus au 1er tour par Friedrich Merz pour le poste de Chancelier, en dessous de la majorité de 316.

133.
Le nombre de cardinaux ayant voté au conclave pour l’élection du Pape Léon XIV.

Quand la fée électricité devient sorcière

C’est une énergie déjà observée par les Grecs dans l’Antiquité et dont les travaux de nombreux savants depuis le 17ème siècle ont abouti à des inventions majeures. Parmi elles, la pile de Volta en 1799, le moteur électrique rotatif en 1822 ou encore le téléphone en 1876. Et surtout la lampe incandescente de Thomas Edison en 1879.

L’électricité a été baptisée ainsi « electra » par l’Anglais William Gilbert en 1600 en référence au Grec Thalès de Milet. Il avait observé que l’ambre jaune ou « elektron » pouvait être porteuse d’une charge magnétique.

La révolution industrielle et technologique se prolonge encore aujourd’hui et améliore tellement notre quotidien et notre productivité qu’elle est devenue tout simplement indispensable. L’Homo sapiens ibérique vient de se le rappeler à ses dépens en ce lundi 28 avril 2025. Vers 12h30 une coupure géante de tout le réseau électrique paralysa toute la péninsule, soit l’Espagne et le Portugal.

Au-delà de la pagaille et du quasi-chaos vécu par la population pendant moins de 24 heures, il est peut-être temps de prendre de la hauteur et du recul pour évaluer si la stratégie du tout électrique dans un dessein noble de décarbonisation est une illusion ou un danger. Avons-nous été trop loin et peut-on vivre sans ?

Le monde s’est ainsi brusquement arrêté de tourner normalement et le temps semble s’être figé. Toutes les horloges publiques ont marqué 12h30 pendant des heures.

Plus de courant, donc plus d’internet. Ceci signifie que tous les appareils branchés sur un réseau d’alimentation et par conséquent tous les systèmes deviennent hors service. Tous les moyens de transport en commun sont devenus inutilisables : les trains, les métros et les tramways se sont immobilisés.

Même ceux fonctionnant avec une énergie fossile ne peuvent circuler normalement car bloqués au sol.

Les avions ne peuvent ni décoller, ni atterrir et les voitures ainsi que les bus évoluent sans signalisation et dans les bouchons en zone urbaine. Les ascenseurs sont bloqués avec les utilisateurs à l’intérieur.

Vous vous imaginez que l’autoroute soit la seule voie dégagée ? Que vous pourrez rouler des milliers de kilomètres, contrairement à un véhicule électrique ? C’est possible, à condition que vous puissiez franchir les barrières de péage qui ne peuvent plus se lever. Votre bonne vieille voiture thermique fonctionne toujours ? Ne soyez pas sur la réserve, car vous ne pourrez pas faire le plein d’essence étant donné que les pompes à essence sont elles aussi hors service.

Impossible de faire ses courses même si vous avez des espèces. En effet, vous ne pouvez plus payer par carte ni par téléphone et toutes les caisses ne sont plus enregistreuses. C’est l’angoisse absolue pour tous les caissiers qui doivent donc revenir au papier et au crayon. Tout à coup il va falloir compter et refaire ses additions et ses soustractions.

Ne portez pas le vice à demander une addition séparée au restaurant, car votre serveur devra revivre le supplice des divisions euclidiennes. L’instinct généralisé de survie entraîne une ruée vers le papier toilette, l’eau et surtout les piles et les batteries pour pouvoir ainsi prolonger la vie des appareils toujours utilisables.

Leurs groupes électrogènes ou autres générateurs sont conçus pour s’activer et prendre le relais dans les dix secondes. Tout va bien, ceux-ci fonctionnent le plus généralement au diesel, mais là aussi leur autonomie est comptée, certainement en jours. Plusieurs entreprises privées ont élaboré des plans de continuité qui se sont révélés efficaces.

Ainsi, la bourse de Madrid n’est pas revenue au temps de la corbeille et de la criée. Les agents de change ne se sont pas échangés les titres avec des signes en notant les opérations dans un petit carnet. Chapeau bas, car le système de cotations n’a jamais été interrompu et les moindres clients toujours connectés ont pu négocier un volume d’échanges réduit de 1,4 milliard d’euros ce jour-là contre plus de 2 milliards d’euros en moyenne.

Le constat est sans appel. Pas plus de quelques jours. Et ce, à condition que le gouvernement organise ou prenne en main la distribution des énergies fossiles afin que le transport des biens essentiels soit assuré. Sinon, il va falloir revenir au temps du cheval et de la calèche.

Fort heureusement, ce calvaire a duré moins de 24 heures. La perte pour l’économie pour moins d’une journée de travail sur plus de 250 ouvrées est donc minime et récupérable : moins de 0,3 % du PIB. En attendant, les foyers ont passé une nuit à la chandelle en mangeant froid, sauf s’ils ont pu cuisiner au gaz leur nourriture, avant que celle-ci soit avariée.

L’origine de cette panne est encore indéterminée. Les 15 gigawatts perdus en demande d’électricité, selon les données en temps réels observées sur le site internet de l’opérateur espagnols REE font l’objet d’une enquête nationale et européenne. 

-0,3%.
La baisse du PIB américain au 1er trimestre.

15 gigawatts.
La baisse soudaine de la demande électrique sur le réseau le 28 avril selon les données de REE.

70,07 milliards de dollars. 
Les revenus du dernier trimestre de Microsoft. 

Le moonwalk de Donald Trump

C’est une figure de danse popularisée par Michael Jackson. Son origine remonte au temps du célèbre mime Marceau, qui l’aurait lui-même apprise de son professeur Étienne Decroux.

Ce mouvement de danse, très « stylé », de pas glissés vers l’arrière au ralenti, tout en donnant l’impression de marcher, illustre bien la posture actuelle du président américain vis-à-vis des droits de douane et des pressions sur la Fed.

Dans un premier temps, il sème la tempête sur les marchés avec des tweets et des décrets. Dans un deuxième temps, il décide de temporiser ou de modifier son phrasé sur un média quelconque. Cette annonce rectificative peut également provenir des autres membres de son administration. Notamment par la voix ou les écrits du secrétaire d’État au Trésor Scott Bessent.

Ce dernier a beaucoup agi ces deux dernières semaines pour rassurer les investisseurs et faire rebondir les marchés actions et obligataires. Son dernier slogan choc a été « l’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule ».

Tout cela fonctionne pour le moment, mais pour combien de temps ?

La panique provoquée par le tristement célèbre tableau des droits de douane réciproques, présenté à la Roseraie de la Maison-Blanche lors de la soi-disante journée de la libération du 2 avril, avait abouti, après une semaine, à de fortes baisses et des cours irrationnels.

La meilleure illustration est le titre Alphabet. Son cours a atteint un plus bas annuel à moins de 141 dollars le 7 avril. C’est 15 fois le bénéfice par action anticipé pour cette année.

Les solides résultats du 1er trimestre publiés hier, affichent une croissance sur un an de 12 % des revenus. A plus de 90 milliards de dollars et de 20 % du résultat opérationnel, supérieur à 30 milliards de dollars. Ceci démontre la solidité de l’entreprise dans cet environnement si incertain.

La progression de 28 % des revenus dans le cloud et un nouveau programme de rachat d’actions de 70 milliards de dollars ont rassuré les actionnaires. Il est important de noter que le géant californien a également maintenu son immense plan d’investissements de 70 milliards de dollars. Rassurant sur les craintes d’une baisse des dépenses dans l’intelligence artificielle, après le choc de la révélation du modèle à bas coût du chinois DeepSeek.

Certes, il est illusoire d’espérer revoir, tout prochainement, le titre Alphabet coter sur ses plus hauts historiques de 207 dollars de janvier dernier. Il existe actuellement trop d’incertitudes pour mesurer l’impact favorable ou non des divers changements qui interviendront ces prochains mois. Une nouvelle frénésie d’achats pour les valeurs américaines est donc, selon nous, exclue. Et ce, tant que la hache de guerre ne sera pas enterrée, ni le calumet de la paix fumé avec tous les dirigeants des autres nations. 

En réalité, la posture actuelle de Donald Trump ressemble plus au mouvement révélé en 1953 par l’artiste français, qui consistait à faire du surplace tout en donnant l’illusion d’avancer, qu’à celle du roi de la pop, qui, lui, reculait.

Dans les faits, le locataire de la Maison-Blanche laisse espérer la signature de nombreux accords commerciaux plus favorables aux États-Unis. Mais moins avantageux pour les autres pays que ceux en place actuellement. Au bout du compte, il temporise mais ne cède pas grand-chose. Le commerce mondial devra donc vivre sous la contrainte de tarifs douaniers plus élevés, même s’ils s’avèrent plus légers que ceux redoutés lors des annonces initiales.

Une modification des échanges et des investissements aura bien lieu. C’est tout le paradoxe : le marché monte dans l’espoir d’une phase de désescalade. Même si la croissance mondiale sera moindre ces prochains trimestres. C’est pour cette raison que dans cette période inconnue dans l’histoire moderne de la finance, nous ne céderons ni à la panique, ni à l’euphorie.

Les marchés devraient rester volatils ces prochaines semaines. Ils évolueront en fonction des nombreuses bonnes et mauvaises nouvelles diffusées quotidiennement, sans dessiner une réelle tendance haussière ou baissière. Dans cette configuration particulière, acheter des titres de qualité dans les phases de baisse et revendre dans les phases de rebond ceux du portefeuille jugés plus fébriles, nous semble être la stratégie la plus appropriée.

De surcroît, même s’il est encore trop prématuré pour tirer une conclusion de la saison des résultats, qui vient de débuter, les accidents sont peu nombreux. Et le consensus devrait être battu pour la grande majorité des entreprises de la cote. C’est un facteur de soutien face à cet environnement incertain et inédit depuis la première moitié du XXème siècle.

28 %.
La croissance des revenus dans le cloud d’Alphabet au 1er trimestre sur 1 an.

70 milliards de dollars.
Le montant du nouveau programme de rachat d’actions annoncé par Alphabet.

1,7 million de dollars.
Le montant dépensé par UnitedHealth Group en 2024 pour la sécurité de ses dirigeants.