La bourse ou des droits de douane !

La lune de miel n’aura duré que 12 jours.

Donald Trump a fait trembler les marchés en début de semaine en signant, le 1er février, trois décrets instaurant des tarifs de 25% sur les importations en provenance du Canada et du Mexique. La Chine n’a écopé que d’un taux supplémentaire quasi symbolique de 10%. Bien moindre que celui redouté. Concernant l’Europe, le nouveau président a promis de ne pas l’oublier.

Toutefois, le sort du Vieux Continent n’est pas encore scellé. Il va dépendre d’une autre procédure – initiée le 21 janvier par un mémorandum de la Maison-Blanche – demandant à ses agences fédérales une revue complète des causes du déficit commercial américain et des remèdes à appliquer pour le résoudre. 

Cette fois-ci, la secousse boursière n’aura duré que 24 heures. Le temps au dirigeant américain de faire un semblant de volte-face et de suspendre la procédure visant ses deux voisins pour une période d’un mois.

Il apparaît de plus en plus évident, que les droits de douane ne sont qu’un instrument politique et financier pour obtenir davantage. Dans son communiqué du 1er février, disponible sur son site internet, la Maison-Blanche justifie l’action présidentielle par le fait que le commerce international sur les biens physiques représente 67% du PIB canadien, 73% du PIB mexicain et 37% du PIB chinois contre à peine 24% du PIB des États-Unis.

Le déficit commercial américain sur les biens représentait plus de 1 000 milliards de dollars en 2023. Le but est d’insister sur le fait que les autres nations ont plus à perdre dans une guerre commerciale que le pays de l’Oncle Sam. 

Pour le moment, les mesures ont été prises dans le cadre de la loi d’urgence dite IEEPA (International Emergency EconomicPowers Act). Cette fois-ci, la priorité nationale est l’arrêt de l’immigration illégale et des importations de stupéfiants de toute sorte. En visant expressément les cartels de la drogue.

La marche arrière a été obtenue en contrepartie d’une armée mexicaine de 10 000 militaires à la frontière Sud. Et d’un investissement de 1,3 milliards de dollars américains promis par le Canada en nouveaux moyens matériels et humains à la frontière Nord.

La problématique du déficit a été mise de côté pour le moment. Washington a obtenu dans cette négociation des promesses qui pourront réduire le coût de la facture contre l’immigration. Rien de plus. Nul doute que le bras de fer va se poursuivre pour inciter à vendre davantage de produits américains à l’étranger. Et doper les investissements manufacturiers sur le sol des États-Unis, pour moins importer de la zone de libre-échange rebaptisée USMECA (ex-NAFTA) ou en français ACEUM (ex-ALENA). 

Nous trouvons fort intéressante la publication cette semaine de l’indice ISM manufacturier de janvier. Cette dernière ressort bien au-dessus des attentes à 50,9. C’est surtout la première donnée en phase d’expansion (supérieur au seuil de 50) depuis octobre 2022.

De plus, l’indicateur des nouvelles commandes est en forte hausse à 55 contre 52,1. Tout comme celui de l’emploi (50,3 contre 45,4) précédemment. La récession industrielle qui sévissait jusqu’alors est-elle terminée d’un simple coup de baguette magique, grâce à Donald Trump ?

On pourrait le croire à première vue. Il est clair que la menace des droits de douane fait tout accélérer. Les commandes de biens durables ex-transport (hors effet négatif de Boeing) ont été en hausse de 0,30% en décembre.

Il est assez ironique de constater que le déficit commercial américain s’est creusé en décembre. Il est passé de 18,9 milliards de dollars à 98,4 milliards de dollars. Soit le 2ème plus élevé depuis le record historique de mars 2022.  

En 2024, les importations américaines sont en hausse de 6,6% à 4 110 milliards de dollars (soit à un rythme plus élevé que la croissance du PIB de 2,8%) contre une progression de 3,9% des exportations. La hausse des importations sur un seul mois a été de 3,5%, ce qui révèle une accélération forte.

Il est fort probable que les entreprises aient augmenté leurs approvisionnements extérieurs pour devancer l’augmentation des droits de douane.

Il est clair qu’une épée de Damoclès sera omniprésente au-dessus de nos têtes pendant ces quatre prochaines années. Selon les économistes, les conséquences d’une nouvelle guerre commerciale dure seraient néfastes pour toutes les zones. Y compris pour les États-Unis. Et ce, aussi bien au niveau du PIB que de l’inflation.

De facto, le bras de fer sera continu, progressif, mais également raisonné pour ne pas briser l’activité américaine. Par conséquent, les affaires continuent et les bons résultats des entreprises font grimper les indices.

10 %.
Les droits de douane supplémentaires sur les importations chinoises.

98,4 milliards de dollars.
Le déficit commercial américain en décembre, soit le 2ème plus élevé de l’histoire après celui de mars 2022.

100 milliards de dollars.
Le montant des investissements prévus par Amazon en 2025.

Le grand écart permanent

Le chaud et le froid soufflent quotidiennement sur le théâtre des marchés depuis plusieurs séances et les cardiaques doivent s’abstenir.

Du côté des plus importantes banques centrales mondiales, la Banque du Japon vient de monter ses taux directeurs. Au moment où la Fed les maintient inchangés pour une durée indéterminée et la BCE continue à les baisser.

Cette forte divergence dans les politiques monétaires a forcément un impact bien différent sur les parités de change. Mais également sur les actifs monétaires et obligataires, ainsi que les multiples de valorisation des actions dans toutes les zones concernées.

Cette situation atypique, mais pas inédite, est tout d’abord le reflet d’une forte dichotomie dans l’activité économique et l’inflation sur les différents continents. 

Comment l’intégrer dans les portefeuilles ?

Dans son communiqué de cette semaine, la BCE a justifié sa décision d’assouplir davantage sa politique monétaire. Elle écrit : « Le processus de désinflation est en bonne voie. L’inflation a continué d’évoluer de façon globalement conforme aux projections des services de l’Eurosystème et devrait revenir au niveau de l’objectif du Conseil des gouverneurs de 2 % à moyen terme dans le courant de l’année. ».

Sur le plan de l’activité, le constat de l’institution monétaire est sans appel. « L’économie a stagné au 4èmetrimestre et devrait rester atone à court terme. ». De ce fait l’allocation d’actifs à privilégier, selon nous, dans la zone euro est assez simple. Une pondération importante d’actifs obligataires et éviter les valeurs cycliques domestiques, à l’exception des banques. En revanche les valeurs de croissance, les défensives et les cycliques exposées à la zone nord- américaine devraient bénéficier d’une expansion de leur multiple de valorisation. Ceci grâce à l’effet positif de l’actualisation en cas de baisse des taux d’intérêt.

Ce phénomène explique en partie la bonne performance des indices européens ce mois de janvier, avec une progression respective de 6,83%, de 8,65% et de 8,71% des indice Stoxx Europe 600, Euro Stoxx 50 et CAC 40. 

Il est encore trop tôt pour faire un bilan global de la publication du 4ème trimestre 2024.

En effet, seulement 16% des sociétés européennes et 28% de leurs consœurs américaines ont communiqué. Cependant, il est possible de constater que le mouvement de baisse des prévisions des bénéfices par action pour 2025, qui a prévalu au 2nd semestre 2024 en Europe est terminé. Celui-ci laisse place à des révisions légèrement positives. Rappelons que la progression des bénéfices par action selon le consensus des analystes se situe, pour cette année, autour de 7% et de 11% des deux côtés de l’Atlantique. 

Notons que la réaction boursière aux bonnes surprises est actuellement très positive. Où que ce soit, ce qui est un facteur de soutien important pour les indices.

Là encore, nous assistons à une forte dichotomie. Ainsi dans le luxe, les titres Burberry et la Compagnie Financière de Richemont se sont adjugés respectivement 10,89% et 16,64% le jour de leurs publications, tandis que celui de LVMH perdait 5,05%. Néanmoins le cours de bourse du leader mondial du luxe gagne tout de même plus de 13% en janvier. Ce grand écart de performances en une seule séance est à la fois très perturbant pour les investisseurs, mais favorise les bons sélectionneurs de valeurs.

L’annonce par la société chinoise DeepsSeek de la mise au point de son modèle d’intelligence artificielle R1 disponible en architecture ouverte, capable de rivaliser avec ceux jugés les plus avancés, a fait chuter les cours de bourse de Nvidia et de Broadcom de presque 17% lundi dernier.

La perte de capitalisation boursière pour les deux titres représente presque 600 et 200 milliards de dollars en une seule séance.  Celle de l’indice des semiconducteurs de Philadelphie (SOX) a perdu presque 1 000 milliards de dollars.

Certains prédisent la fin de la domination des 7 Magnifiques. Ce que l’on peut dire à ce stade prématuré est que le rapport de force devrait plus basculer en faveur des utilisateurs de l’intelligence artificielle et des éditeurs de logiciels, au détriment des fabricants d’équipements hors de prix. Les ventes pour 2025 ne devraient pas être impactées, mais l’intelligence artificielle sera, à l’avenir, plus accessible et moins chère.  

Comme en Europe, nous assistons à des performances très contrastées. Ainsi les titres Netflix,  Apple, Tesla et Meta Platforms ont  réalisé de beaux gains, tandis que Microsoft a perdu plus de 6% après avoir annoncé une croissance de son chiffre d’affaires et de son résultat opérationnel de 12 et de 17%. Les investisseurs ont été déçus par la progression des revenus d’Azure et de l’activité Cloud de 31%. Cette branche devrait pourtant continuer de croître au même rythme au prochain trimestre. Comme quoi, la sélectivité et la diversification permettent d’amortir ces fortes variations.

1 000 milliards de dollars.
La perte de capitalisation boursière de l’indice des semiconducteurs de Philadelphie (SOX) ce lundi 27 janvier.

5,57 millions de dollars.
Le coût de développement du modèle d’intelligence artificielle R1 de DeepSeek.

La piste aux étoiles

Ce fut un spectacle bien orchestré tout au long de ce lundi 20 janvier. Et ce, dans plusieurs endroits de la capitale américaine. La mise en scène était particulièrement soignée. L’acte le plus important se déroula sous le dôme du Capitole, en présence de tous les anciens présidents des États-Unis de ces trois dernières décennies.

C’est sous la fresque de la coupole peinte par l’Italien, Constantino Brumidi, et intitulée « L’ascension de Washington », que Donald Trump fut officialisé 47ème président de la nation. A 12h02 (heure locale).

Outre les piliers de son gouvernement et sa famille, il était impossible de rater la compagnie de nombreux milliardaires et dirigeants d’entreprises de la technologie américaine. Le ton du second mandat de Trump est donné. La politique et les affaires seront étroitement mêlées, au service des États-Unis.

« Le nouvel âge d’or de l’Amérique commence aujourd’hui » déclara – sous un tonnerre d’applaudissements – le plus vieil Américain de l’histoire à prêter serment pour accéder à la fonction présidentielle.

La présence des patrons d’Apple, Alphabet, Google, Amazon, Tesla et Meta n’était pas une coïncidence. La nouvelle politique sera bien nationaliste et surtout ultra pro entrepreneuriale.

La séquence est bien huilée. Les États-Unis attirent l’épargne mondiale, grâce à sa politique fiscale, de relocalisation et de croissance. Ils demeurent ainsi le plus important marché mondial des capitaux. Tout ceci dope les investissements, qui a leur tour favorisent la création d’emplois. Et ceci dope la consommation et donc la croissance. Dans ce schéma, les affaires devraient effectivement bien se comporter ces prochaines années outre-Atlantique. 

Au-delà de tous les décrets signés (dont le nombre semble moins élevé que la centaine promise), il faut retenir cette semaine, entre autres, la création de trois nouvelles cryptomonnaies. Trump Meme ($TRUMP), Melania Meme($MELANIA), Barron Meme ($BARRON), dont la valorisation dépasse dernièrement les 8 milliards de dollars.

Nous avions développé précédemment le sujet de l’arme de l’investissement pour écraser la concurrence et créer ainsi des barrières à l’entrée.

L’annonce de Microsoft du 3 janvier d’investir 80 milliards dollars dans les infrastructures liées à l’intelligence artificielle illustre cette stratégie. Cette année, le montant colossal des 300 milliards de dollars de dépenses en recherche & développement et en CAPEX devrait être dépassé pour les principales entreprises de la technologie.

Nouvelle annonce le 21 janvier. La création du projet Stargate (porte aux étoiles). Cette nouvelle société a vocation à investir 500 milliards de dollars dans de nouvelles infrastructures liées à l’IA d’OpenAI aux États-Unis, d’ici 2029. 

SoftBank, OpenAI, Oracle, MGX, SoftBank, ARM, Microsoft et Nvidia sont parmi les investisseurs fondateurs. L’enveloppe initiale a été fixée à 100 milliards de dollars. La thématique de l’intelligence artificielle est donc vouée, selon nous, à perdurer. Elle va s’étendre dans toute la chaîne de valeur. Au bout du compte, on assiste à un nouveau « New Deal », qui contrairement au siècle dernier, ne consistera pas à construire des ponts et des routes, mais des infrastructures informatiques.  

Il semble que la position initiale sur le sujet des droits de douane soit celle d’une mise en place progressive. Ceci, pour ne pas perturber la richesse boursière. Le marché est actuellement soulagé et les valeurs pénalisées par cette problématique sont en forte reprise.

Les bourses européennes signent un de leurs meilleurs débuts d’année depuis 15 ans. Attention, à ne pas faire de triomphalisme précoce ! Des tarifs douaniers seront bien instaurés dans la durée et leur importance dépendra de l’évolution du déficit commercial et de la croissance américaine. Donc pour l’instant, gardons notre humilité et savourons cette reprise salutaire

8 milliards de dollars.
La valorisation des trois cryptomonnaies de la famille Trump.

500 milliards de dollars.
Le montant des investissements en infrastructures du projet Stargate.

18,9 millions.
Le nombre d’abonnés gagnés par Netflix au 4ème trimestre.

Le second « Jour 1 » de Donald Trump

L’investiture officielle du 47ème président des États-Unis aura bien lieu ce lundi 20 janvier. Depuis sa victoire incontestable du 5 novembre dernier, beaucoup d’encre a coulé et surtout beaucoup de tweets.

En temps qu’investisseurs, il est grand temps d’arrêter de fabuler, pour se concentrer sur ce qui va réellement se passer. La période de transition politique s’achève, et avec elle ses romans de fiction, pour laisser place à la réalité et aux actes concrets. 

Quelles mesures pour quelles conséquences ?

Contrairement à 2016, Donald Trump connaît bien aujourd’hui les rouages de l’administration et du Congrès. Le nouveau président veut aller vite et laisser son empreinte dès le début de son second mandat.

Le seul moyen de marquer les esprits dès son arrivée à la Maison-Blanche est d’utiliser son pouvoir de signer, seul, des décrets sans avoir besoin de l’accord du Congrès. Selon l’article II de la constitution qui définit sa fonction, ses obligations et ses pouvoirs, le président dirige les opérations du pouvoir exécutif.

Il peut signer des décrets dans cinq principaux domaines. La sécurité nationale, la politique, l’immigration, la santé & sécurité alimentaire, ainsi que la politique économique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas détenteur du record du nombre de décrets signés. Celui-ci est détenu par Franklin D. Roosevelt (3 721), en temps de guerre. Il est vrai. Barack Obama (276) et Bill Clinton (364) en ont signés plus que lui (220) au cours de son premier mandat. 

Selon Associated Press et des propos recueillis au cours d’une réunion privée récente avec des sénateurs au Capitole, le nouveau président envisagerait de signer plus d’une centaine de décrets. Ils concerneraient, entre autres, le contrôle aux frontières, le renvoi des immigrés illégaux, l’industrie de la cryptomonnaie (devenant une priorité nationale), la dérégulation… Et des modifications de l’État fédéral et les relations commerciales avec les autres nations.

Le nouveau président ne « joue pas du pipeau ». Il est très adepte de la technique du bras de fer pour négocier en sa faveur. Les tarifs douaniers, adoptés par décret le jour 1, seraient une arme redoutable pour obtenir davantage, et rapidement, des pays récalcitrants. Une sorte de « la bourse ou la vie » des temps modernes.

Adoptera-t-il une position dure immédiate pour l’alléger éventuellement par la suite, dès les concessions obtenues ? Ou agira-t-il progressivement et de façon crescendo en cas d’insatisfaction ? Ne faisons pas de pronostics inutiles. La réponse sera connue dès lundi après-midi (heure de Washington), une fois la cérémonie d’investiture terminée et le déjeuner au Capitole passé.

Au-delà de la posture, les droits de douane sont un prétexte officiel pour favoriser l’Amérique. En réalité, ils seront une source de financement pour le programme très coûteux de baisse d’impôts. Selon le site officiel des douanes américaines, les droits de douanes ont rapporté 111 milliards de dollars en 2022 sur 3 350 milliards d’importations. En 2023, les importations ont grimpé à 3 850 milliards de dollars, selon le BEA (Bureau of Economic Analysis). On comprend bien que la mise en place d’un taux de base universel de 10%, complétée par un taux maximal de 25% sur les 920 milliards de dollars d’importations en provenance du Canada et du Mexique, ainsi que de 60% sur les 430 milliards de dollars en provenance de Chine, peuvent en théorie rapporter plus de 500 milliards de dollars par an. 

100.
Le nombre de décrets ou Executing orders qui seraient signés par Donald Trump au cours des premiers jours de son mandat.

0,2 %.
L’inflation américaine sur un mois glissant en décembre, au plus bas depuis juillet 2024.

L’investissement, l’arme redoutable de la technologie américaine

C’est une annonce qui a encore fait flamber quelques titres du NASDAQ, qui n’avaient pas besoin d’un nouveau coup de pouce. Microsoft a annoncé le 3 janvier vouloir dépenser 80 milliards de dollars en recherche et développement. Rien que pour cette année. Dans un blog intitulé « L’occasion en or pour l’intelligence artificielle américaine », l’entreprise refait l’histoire des révolutions technologiques et l’apologie de la recherche.

Le ton patriotique est donné d’entrée. « À l’aube d’une nouvelle année, nous accueillerons un nouveau président en même temps qu’une opportunité en or pour la technologie américaine et la compétitivité économique. Depuis l’invention de l’électricité, les États-Unis n’ont pas eu l’occasion d’exploiter les nouvelles technologies pour revigorer l’économie du pays. À bien des égards, l’intelligence artificielle est l’électricité de notre époque, et les quatre prochaines années peuvent jeter les bases du succès économique de l’Amérique pour le prochain quart de siècle ». 

La future stratégie de Microsoft va d’abord se porter sur des investissements massifs. Dans les sociétés américaines leaders mondiales de la technologie et de l’infrastructure. Puis, un plan national de formation sera élaboré pour favoriser l’adoption de l’intelligence artificielle afin d’améliorer les opportunités de carrières dans toute l’économie. Troisièmement, les États-Unis doivent s’attacher à exporter l’intelligence atificielle américaine aux « alliés et amis » de l’Amérique.

L’association entre ces trois groupes d’acteurs est essentielle. Elle constitue la base de la stratégie, afin de créer tout un écosystème favorable et bénéfique. Le but est de diffuser la technologie pour promouvoir de nouveaux talents et de nouvelles compétences, avec l’objectif d’augmenter rapidement le nombre d’utilisateurs.

Toutes les révolutions industrielles ont été possible grâce à l’adoption et la diffusion de technologie dite d’intérêt général (GPT – General Purpose Technology). La première révolution remonte au 18ème siècle, avec la machine à vapeur. La deuxième remonte à la fin du 19ème siècle avec la fée électricité. La troisième se situe dans la seconde moitié du 20èmesiècle avec l’émergence de l’informatique et ses puissantes puces et logiciels. Nous sommes désormais à l’aube de la quatrième révolution industrielle. Celle où l’Intelligence Artificielle est une technologie d’intérêt général disruptive capable de guider l’innovation et doper la productivité dans tous les secteurs de l’économie.

C’est un plan en 4 ans. Un plan qui coïncide bizarrement avec la durée du mandat du prochain président.

En 2025, Microsoft consacrera 80 milliards de dollars dans les centres de données dédiés à l’intelligence artificielle et dans toutes les applications liées au cloud utilisant cette nouvelle technologie. Cet effort financier gigantesque pourrait affoler les investisseurs, comme c’est souvent le cas en Europe. Au pays de l’Oncle Sam c’est différent, car c’est un baromètre de la santé et de la confiance d’une entreprise et que le financement provient uniquement du résultat d’exploitation en l’absence de dettes.

Si l’on ajoute les dépenses en R&D des Alphabet, Apple, Amazon, Broadcom, Meta, Nvidia, on attrape le tournis. Le chiffre colossal est dépasse les 300 milliards de dollars. Une telle force de frappe anéanti les concurrents surtout étrangers ou marginalise les acteurs plus modestes. À titre de comparaison, Mistral AI a réalisé un tour de table de 600 millions d’euros (dettes comprises) quand Open AI a bouclé 6,6 milliards de dollars et 17,9 milliards depuis sa création.

Cette domination actuelle est vouée à durer car ces géants vont posséder la technologie, les données et toutes les infrastructures.

80 milliards de dollars.
Les dépenses en R&D et infrastructures en 2025 de Microsoft.

57 milliards de dollars.
Le coût estimé et non définitif des incendies à Los Angeles, selon AccuWeather.

4,81 %.
Le rendement à 10 ans des obligations du Royaume d’Angleterre, soit un plus haut depuis octobre 2008.

Bilan 2024 et perspectives 2025 : fais de 2025 une belle réalité

C’est la nouvelle année avec son cortège de bons vœux. Nous vous adressons les nôtres et vous souhaitons évidemment tout le meilleur pour 2025 et surtout une bonne santé. D’ailleurs, ce secteur devrait, selon nous, réserver de bonnes surprises. Une fois l’incertitude levée sur les actions concrètes de la nouvelle administration américaine, car les fondamentaux sont bien orientés. 

Plus globalement, quel a été le bilan de 2024 et quelles sont les prédictions pour 2025 ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser dans l’Hexagone, l’année 2024 restera dans les annales comme étant un bon millésime pour les actifs, aussi bien financiers que non financiers.

La cryptomonnaie est à nouveau à l’honneur avec une performance du bitcoin de plus de 120%, après une progression de 157% en 2023. La création de fonds investis dans cette monnaie virtuelle et l’élection de Donald Trump ont été des facteurs déterminants.

L’or n’a pas démérité non plus, avec une appréciation de 27,21% de l’once en dollar. Son rôle de valeur refuge dans un contexte géopolitique incertain, ainsi que les achats des banques centrales, ont fait briller le métal jaune.

Les indices obligataires agrégés ont terminé l’année sur un gain respectif de 2,63% en Europe et de 1,25% aux États-Unis. Malgré une hausse des taux longs souverains en zone euro et outre-Atlantique, pesant sur le prix des obligations d’États, la baisse de 100 points de base des taux courts de la Fed et de la BCE, couplée à celle des spreads de crédit, ont fait monter le prix des obligations d’entreprises de maturité 1 à 3 ans et 3 à 5 ans. Celles-ci se sont appréciées (en intégrant les coupons courus) respectivement de 4,69% et de 4,95% en zone euro et de 5,28% et de 4,53% aux États-Unis. Ces données obligataires sont recensées en devise locale parmi les indices Bloomberg et ne tiennent pas compte d’une progression de 6,25% du dollar face à l’euro. 

Du côté des actions, la performance dividendes réinvestis du MSCI World en 2024 est de 19,56% en dollar. Ceci est bien au-dessus de la médiane de ces 45 dernières années et de 27,27% en euro. Cette superbe performance a été rendue possible grâce à la forte progression des indices américains en dollar. Dont celle de 25,52% dividendes réinvestis de l’indice S&P 500.

Ce dernier étant dopé par l’appréciation de plus de 60% des 7 Magnifiques. On a une performance plus raisonnable des actions américaines si l’on prend la performance de l’indice S&P500 équipondéré qui ressort à 12,79% et celle de l’indice Russell 2000 à 11,35%. Les indices d’actions chinoises ont fait mieux. Avec une progression en devise locale de 20,17% et de 22,79% des indices Shanghai Shenzhen CSI 300 Index et Hang Seng.

La progression des indices européens, dividendes intégrés, reste globalement inférieure à celle des indices outre-Atlantique et de l’Empire du Milieu. Mais sans être mauvaises ni négatives. Ainsi, l’indice STOXX Europe 600 s’est adjugé 9,62% et l’indice Euro Stoxx 50 11,90%. L’indice DAX est en tête avec une progression de 18,85%. Il surperforme donc les indices S&P 500 équipondéré et Russell 2000 en dollar.

Reste le triste cas de la France. Certes, l’indice CAC 40 dividendes réinvestis a enregistré un modeste gain de 0,92% en 2024. Les épargnants ont donc connu pire, mais figurer parmi les bonnets d’âne ne fait pas du tout plaisir.

Le décrochage de la bourse parisienne est très net depuis mai et s’est accentué depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier et l’absence de majorité à la suite des élections législative du 1er et 8 juillet.

Fait nouveau dans la Vème République, la France est devenue instable politiquement. Avec 4 premiers ministres différents et un gouvernement Barnier qui a duré moins de 100 jours. Et l’absence de budget pour 2025.

Pour se rattraper en 2025, Il faudrait l’adoption d’un nouveau budget, avec une réduction du déficit public et une nouvelle assemblée jugée plus stable politiquement. Les Français seront probablement amenés à voter de nouveau à partir de juin au plus tôt. Les Allemands devront faire de même le 23 février prochain, car la coalition précédente a éclaté, entraînant de nouvelles élections. Le résultat des scrutins de ces deux pays voisins, piliers de l’Union européenne, seront déterminants pour un rebond durable du Vieux Continent face au populisme de Donald Trump.

12 132 647
Le nombre de billets vendus aux JO et JO paralympiques de Paris, nouveau record.


Le nombre de premiers ministres français en une année, fait inédit sous la VèmeRépublique.

120,56 % 
La performance du bitcoin en dollar.

25,52 %
La performance de l’indice S&P 500 en dollar, dividendes réinvestis.

Une pause dans le cycle de la Fed et dans le rallye boursier

C’était la dernière réunion de l’année pour la banque centrale américaine. Celle-ci devait être une simple formalité, avec une nouvelle baisse des taux directeurs de 25 points de base à la clé. Malgré une détente supplémentaire du loyer de l’argent à court terme de 0,25% effectivement actée ce mercredi 18 décembre, la bourse américaine a connu sa pire séance depuis le mini krach de Tokyo du 5 août dernier, avec une baisse respective de 2,95% pour l’indice S&P 500, de 3,60% pour l’indice NASDAQ 100 et de 4,39% pour l’indice Russell 2000. Les taux à 10 ans se sont également tendus de 0,11% à 4,51%. 

Pourquoi la fête a-t-elle été gâchée et que va-t-il se passer maintenant ?

Pour information, le taux des Federal Funds est celui négocié entre les banques commerciales sur leurs réserves excédentaires déposées à la banque centrale.

La Réserve fédérale américaine vient de réduire la cible maximale du taux de ces prêts interbancaires de 100 points de base (1%) en trois mois. Elle est désormais fixée à 4,50%. En soi, cette action cumulée a constitué un assouplissement monétaire rapide et favorable pour l’économie. Ainsi que pour les actifs financiers.

Dans ses projections publiées le 18 septembre dernier, date à laquelle l’institution avait initié son cycle, celle-ci prévoyait d’effectuer un mouvement de même ampleur en 2025, soit sur 12 mois. Malheureusement, les dernières prévisions publiées cette semaine ont révélé une anticipation médiane des membres de la Fed pour fin 2025 réhaussée de 0,50%. L’ampleur de la baisse en 2025 devrait être donc de seulement 0,50%. Soit deux fois moindre qu’en 2024, sur une période quatre fois plus longue. Les effets de cette nouvelle phase de détente des rendements à court terme seront donc moins bénéfiques pour l’activité économique.  

Fort heureusement, avec la solidité récente de l’économie américaine et l’élection récente de Donald Trump à la présidence, le marché avait déjà relevé ses anticipations pour l’année prochaine. Ainsi, les contrats à terme sur les Fed Funds à échéance décembre 2025 se négociaient mardi à 3,77%, contre 3,87% aujourd’hui. Cette moindre hausse aurait dû donc provoquer un choc de faible ampleur pour les actifs financiers.

La réponse est à trouver ailleurs. Dans sa conférence de presse de mercredi, le président de la Fed a déclaré que la politique monétaire était désormais moins restrictive. Ses membres seront, par conséquent, plus prudents et attentifs dans les prochains ajustements des taux directeurs. Ceux-ci ont également relevé à 2,5% leurs estimations pour l’inflation en 2025 contre 2,1% auparavant.

Considérant que le déséquilibre du marché du travail s’était résorbé, l’attention de la Fed se portera sur l’évolution de la hausse des prix. Aucune amélioration n’étant à prévoir dans l’immédiat sur ce front, la Réserve fédérale va donc désormais observer une pause de plusieurs mois. 

Depuis la triple élection américaine du 5 novembre dernier, les flux vers les fonds investis en actions américaines se sont affolés. Ils ont dépassé la somme colossale des 400 milliards de dollars depuis le début de l’année.

Selon une étude de BofA Global Research, intitulée « Max Americana », le niveau de cash dans les portefeuilles est au plus bas depuis 3 ans. La pondération en actions dans les portefeuilles est au plus haut depuis les précédents pics de février 2011. Cette dernière est essentiellement concentrée aux États-Unis, dans les actions des « 7 Magnifiques », des financières et des moyennes capitalisations. Ce comportement excessif doit donc être modifié dans les portefeuilles, compte tenu du nouveau scénario de la Réserve fédérale. Ce qui explique la vague importante de ventes depuis mercredi. 

La politique monétaire reste restrictive. Le niveau de 4,50% des taux directeurs, bien au-dessus de l’inflation estimée de 2,50% pour 2025, est suffisamment élevé et constitue donc un matelas de sécurité suffisant pour absorber un crépitement de l’inflation. Par conséquent, le cycle d’assouplissement monétaire actuel n’est pas achevé, mais prolongé à un rythme plus faible. Dans ces phases particulières, la performance des marchés actions est plus modeste, avec des périodes de consolidation, comme actuellement.

4,50 %.
La cible maximale des Fed funds, décidée par la Réserve fédérale américaine ce mercredi 18 décembre.

4,39 %.
La baisse de l’indice Russell 2000 ce mercredi 18 décembre, soit la plus forte baisse depuis le 13 juin 2022. 

Make M&A again !

Tout est atypique chez Donald Trump. Que ce soit sa personnalité, son parcours, son programme politique et économique, sa communication, la tentative ratée de son assassinat et sa relation avec la justice.

Depuis sa victoire électorale du 5 novembre dernier, le monde entier tourne autour de Donald Trump. Le fait que le célèbre Time Magazine lui décerne pour la deuxième fois (en 2016 et en 2024) le titre de «Person of the Year» est presque une banalité. En effet, tous les présidents américains depuis George H. W. Bush en 1990 (le père de George W. Bush) ont obtenu cette distinction au moins une fois.

La dernière mise en scène réussie du 45ème et 47ème président des États-Unis a été sa visite à Wall Street ce jeudi 12 décembre. Pour la première fois, le futur locataire de la Maison-Blanche a sonné la cloche de Wall Street. En levant une nouvelle fois son poing droit.

Derrière cette parade joyeuse, se cache un message pas subtil, mais très clair, qui aurait pu être un de ses célèbres slogans. « Make M&A Again » et surtout des profits. Car la bonne tenue de la bourse américaine est un maillon important de la réussite de son programme économique.  

Pour l’instant, tout va dans le sens de Donald Trump. La capitalisation boursière de l’indice S&P 500 a atteint un nouveau record le 6 décembre, à plus de 53 569 milliards de dollars. Celle du NASDAQ Composite a dépassé depuis longtemps l’altitude de l’Everest et a atteint de nouveaux sommets. Il était à plus de 33 363 milliards de dollars le 11 décembre, dépassant pour la première fois le seuil symbolique des 20 000 points. Les investisseurs font plus que suivre et se ruent sur les actions américaines. En témoignent les flux massifs enregistrés hebdomadairement vers le pays de l’Oncle Sam. 

Les faits et gestes de Donald Trump sont épiés et massivement diffusés dans les médias, surtout via son réseau social, Truth Social. Celui-ci est devenu l’outil principal de sa communication depuis la fermeture de son compte X aux 88 millions d’abonnés, le 9 janvier 2021.

Le rachat de X par Elon Musk au printemps 2022 a permis la réouverture d’un compte. Il a été effectif en novembre 2022, après une consultation ouverte auprès de 15 millions de personnes et un vote serré à 51,8%. Ce n’est pas avant août 2024, que Trump postera son premier tweet sur X. 

Donald Trump est actionnaire, entre autres, de Trump Media & Technology, la société exploitant Truth Social, à hauteur de 52,9%. Le titre est en hausse de plus de 106% depuis le début de l’année et la participation de son principal actionnaire est désormais valorisée à plus de 4 milliards de dollars. 

Le moins que l’on puisse dire est que sa donation de 277 millions de dollars pour le financement de la campagne du futur président et de ses alliés républicains a été plus qu’amortie. Le premier donateur en montant a vu sa fortune bondir en bourse, grâce à la flambée de 72% du titre Tesla depuis l’élection. La capitalisation boursière du leader de la voiture électrique a atteint également un nouveau record à plus de 1 363 milliards de dollars. Soit une création de richesse de plus de 584 milliards de dollars, faisant du patron d’X et de SpaceX, l’homme le plus riche du monde. Sa fortune est désormais estimée à plus de 442 milliards de dollars. Soit une appréciation respective de plus de 157 et de 213 milliards de dollars depuis le 5 novembre et le 1er janvier.

Décidément, l’association des deux personnalités est mutuellement plus que fructueuse!

Même les nominations du résident de Mar-a-Lago sont hautement médiatisées. Elles sont volontairement provoquantes pour insuffler une dynamique nouvelle dans la future administration. Outre celle d’Elon Musk, le choix d’Andrew Ferguson à la tête de la FTC (Federal Trade Commission), farouchement favorable à la liberté d’expression et opposé au contrôle des réseaux sociaux, est un coup de pouce pour les 7 Magnifiques. Notamment pour Alphabet, maison mère de Google, visée par une enquête de position dominante.

La nomination de Paul Atkins à la SEC a pour but de ne pas réguler davantage les cryptomonnaies. Pour prolonger l’euphorie boursière l’année prochaine, une vague de fusions et acquisitions, qui étaient à la traîne sous Biden, serait bienvenue.

Les banques d’affaires se frottent les mains. Notamment Goldman Sachs, dont le CEO prévoit un bon millésime pour l’année prochaine. L’argent devrait donc continuer à couler à flots, avec cette incitation de faire des opérations boursières, sur fonds de « Enrichissez-vous ! ».

53 569 milliards de dollars.
La capitalisation boursière de l’indice S&P 500 le 6 décembre.

20 034,89 points.
Nouveau record de l’indice NASDAQ Composite le 11 décembre.

442 milliards de dollars.
La fortune d’Elon Musk au 12 décembre.

Rendez-vous en terre inconnue ! – Déficit structurel

Les investisseurs détestent l’incertitude et cette année la France est championne olympique dans cette discipline. Notre nation souffre d’un mal chronique depuis 1975, appelé déficit structurel, qui la ronge lentement mais sûrement.

Certes, tout a basculé à cause du premier choc pétrolier. Mais la politique de relance keynésienne a toujours été adoptée depuis un demi-siècle. Et ce, quel que soit les cycles économiques.

Imaginez dire à un créancier : « Je vous propose une aventure extraordinaire, qui consiste à prêter à un pays merveilleux, peuplé de gens talentueux, mais toujours insatisfaits et qui ne voient pas la réalité en face. Ils vivent en autarcie philosophique, avec la conviction que leur train de vie, leur modèle social vont perdurer, malgré la conjoncture difficile et une démographie défavorable. Ils sont d’accord pour réduire leurs déficits, mais refusent individuellement de faire le moindre effort. En cette année de dérapage des comptes publics, ils vivent sans gouvernement et sans budget pour l’année prochaine, faute de cirque législatif ».

Pourtant rien n’est perdu, car le créancier en question tient bon et garde une certaine confiance. Parce que la France n’est pas un cas isolé et souffre de plusieurs maux cumulés, que l’on retrouve unitairement ailleurs. De plus, inconnu ne veut pas dire chaos, mais situation inédite, qui doit être gérée différemment. 

Contrairement à l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, la chute du gouvernement Barnier sans majorité législative, était une hypothèse de plus en plus probable. Et ce, au fur et à mesure que l’on avançait dans le calendrier. Un certain compte à rebours s’était enclenché avant le passage à l’Assemblée nationale des diverses propositions de loi de financement et de budget.

Ainsi, l’écart de taux entre les emprunts à 10 ans français et allemand s’était tendu de 0,16% depuis trois semaines, pour atteindre le niveau de 0,88% le 2 décembre. Soit au plus haut depuis 2011.

L’indice CAC 40 (dividendes réinvestis), qui faisait jeu égal au printemps avec son homologue allemand (l’indice DAX), accumule désormais 21,31% de retard de performance cette année. Le contraste est même extrême en novembre, avec l’indice S&P 500 converti en euro, puisque l’élection incontestable de Donald Trump a fait grimper les actions américaines de 8,82% en euro, contre une baisse de 1,53% pour les actions françaises. Soit 10,35% de contre-performance.

Le mal est déjà fait, car les investisseurs ont déjà allégé les valeurs françaises. L’annonce de la chute du gouvernement est un fait accompli et anticipé. Malgré l’absence de budget, la Constitution est assez bien faite pour éviter une fermeture des administrations, comme aux États-Unis, à condition que tous les décrets soient signés et que les lois spéciales soient adoptées d’ici la fin de l’année. La voie est désormais ouverte pour une reprise technique. Beaucoup de titres de grandes capitalisations dont l’activité principale est à l’étranger sont attractifs. Ce mouvement est-il durable ?

Cette motion de censure, votée par 331 membres, est inédite dans l’histoire de la Vème République depuis octobre 1962. Contrairement à aujourd’hui, l’Assemblée avait été dissoute et la victoire des gaullistes aux élections législatives de novembre avait permis au premier ministre démissionnaire de retrouver son poste. Cette fois-ci, pas de dissolution immédiate et la même assemblée, sans camp majoritaire, va pouvoir faire tomber comme elle l’entend le prochain gouvernement.

L’incertitude va donc persister. Et ce, même si tous les partis se sont engagés à prendre toutes les décisions nécessaires pour éviter un blocage des finances publiques. Pour une reprise durable et une réduction de la décote sur les actifs financiers français, il faut l’assurance qu’un pouvoir exécutif et législatif en place soit soucieux d’assainir la situation. Nos créanciers vont rester pragmatiques, tout en ne cédant pas à la panique. La France fait face à un déficit primaire (avant paiement des intérêts) proche de 3%. Celui des États-Unis se situe autour des 3,5%.

Cependant grâce à l’euro, le Trésor français emprunte à 2,90% à 10 ans contre 4,20% pour le Trésor américain. Les deux pays souffrent d’une dette sur PIB qui dépasse allègrement les 100%. Cependant la dynamique des deux économies est bien différente. Avec la triple victoire de Donald Trump et ses alliés républicains, les États-Unis ont clairement fait le choix de résoudre ce problème en dopant leur PIB. Tandis que la France reste malheureusement sclérosée.

21,31 %
L’écart de performance en 2024 entre les indices Dax et CAC40.

10,35 %
L’écart de performance convertie en euro, en novembre, entre les indices S&P500 et CAC40.

101 375,51 $
Nouveau record historique du bitcoin le 5 décembre.

Deux continents, deux perspectives bien différentes

Les investisseurs ont déjà avancé tous leurs pions pour 2025. Dans le passé, ce déploiement tactique n’avait lieu qu’en janvier, après un rallye de fin d’année.

Désormais, plus rien ne se passe comme auparavant avec l’élection de Donald Trump.  Une fièvre acheteuse s’est produite en bourse avant et après la triple victoire républicaine du 5 novembre. Et ceci a propulsé les marchés américains et même le bitcoin à des sommets, au détriment des autres zones géographiques.

Le futur programme économique du 45ème et 47ème président des États-Unis est tellement disruptif au profit de l’Amérique, qu’il a provoqué un choc dans les allocations d’actifs. Egalement un comportement moutonnier des financiers. Sauf retournement brutal en décembre, 2024 restera une année record pour les flux vers les actions américaines (> 400 milliards de dollars). À l’inverse, les fonds en actions européennes et japonaises ont continué cette semaine de subir des sorties de capitaux. 

Les chiffres s’accumulent et donnent le tournis pour démontrer l’exagération de cet appétit en actions américaines, que ce soit tant en matière macroéconomique que microéconomique.

Ainsi, le ratio capitalisation boursière sur PIB a battu un nouveau record à 207 %, selon GuruFocus.com. Celui de la capitalisation boursière relatif à celle du reste du monde a bondi à plus de 3. Soit un niveau historique depuis la Seconde Guerre Mondiale, selon les données recensées par BofASecurities.   

La conclusion est claire. Jamais, outre-Atlantique, le poids des actifs financiers cotés investis en actions a été aussi important par rapport à la richesse créée par le pays et différencié par rapport au reste du monde. Ce qui démontre que ce phénomène est bien plus qu’un simple processus de financiarisation. Il se définit bien comme un mouvement d’enrichissement spécifique et plus prononcé dans ce pays qu’ailleurs.

Si l’on prend les ratios classiques de valorisation par rapport aux indices, le ratio prix sur bénéfice par action est de 22 fois pour l’indice S&P 500 contre 13,3 fois et 14,5 fois pour les indices Stoxx Europe 600 et Topix. Soit une prime respective de 65% et de 50%, au plus haut depuis l’existence de l’euro. Ajusté de leur différence sectorielle, cette survalorisation tomberait à 35%, ce qui reste élevée.

Si l’on se réfère au prix sur l’actif comptable, le ratio atteint plus de 5 fois pour l’indice américain, contre 2 et 1,4 fois pour ses homologues européen et japonais. Le prix d’une action américaine par rapport à ses actifs réels est donc 2,5 à plus de 3 fois plus cher qu’ailleurs !

Le passé a montré que plus le PER (ratio cours sur bénéfices) d’un marché est élevé en dehors des périodes de récession, moins l’espérance de gain sur le long terme (au-delà de 5 ans) est élevée. Pourquoi cet engouement persiste-t-il et s’est-il amplifié ? 

Le prix d’un actif financier aujourd’hui est censé être égal, en théorie, à la somme des flux financiers futurs actualisés.

Factuellement, il est incontestable que les actions américaines délivrent plus historiquement que celle des autres continents. Ainsi, le retour sur fonds propres des actions américaines ces 3 et 10 dernières années est respectivement de 18,6 % et de 15,10 %. A comparer à 12,9 % et 10,1 % en Europe et à peine de 8,45% et 7,8% au Japon. Cela signifie qu’un dollar d’actif investi dans une entreprise cotée outre-Atlantique sur 10 ans est 50% plus rentable que dans une entreprise du Vieux Continent et 2 fois plus que celle au pays du soleil levant.

Une prime est donc largement justifiée. Cet écart considérable s’explique par toute une série de facteurs : le coût (en intégrant la productivité et donc la qualification) du travail, la flexibilité de la main d’œuvre, la règlementation, le coût du capital, la fiscalité, la croissance des revenus et la concurrence, entre autres. 

En 2024, la croissance estimée du PIB américain (2,7%) devrait écraser celle en zone euro (0,7%) et au Japon (0%). Le ralentissement de l’activité américaine anticipée pour 2025 a vécu avec Donald Trump au pouvoir. Et la faible croissance dans les autres régions est encore plus en risque. Par conséquent, les bénéfices par action aux États-Unis devraient croître de 14,3% et de seulement de 8,4% en Europe. Ce dernier chiffre semble trop optimiste. Nul doute que les ours européens resteront dans leur tanière cet hiver, en attendant des jours meilleurs et plus de stabilité politique sur le Vieux Continent.

207 %.
Le ratio de la capitalisation boursière sur PIB aux États-Unis, au plus haut historique.

75 %.
La pondération des actions américaines dans le MSCI World, nouveau record.

15,10 %.
Le retour sur fonds propres moyen des actions américaines ces dix dernières années contre 10,1% en Europe et 7,8% au Japon.