Le Bitcoin gagne ses lettres de noblesse

C’est une victoire pour les investisseurs en cryptomonnaies.

La Security Exchange Commission – le gendarme de la bourse américaine – vient d’autoriser, ce 10 janvier, la commercialisation de fonds indiciels cotés en continu (ETF) investis directement dans le Bitcoin.

La principale « monnaie » digitale au monde, dont l’encours détenus atteint désormais 822 milliards de dollars, peut dorénavant être conservée outre-Atlantique sur un compte-titres, comme un simple actif financier.

Acheter un cryptoactif est beaucoup plus compliqué. En effet, il faut ouvrir un compte sur une plateforme d’échange de cryptomonnaies, y effectuer un virement et passer un ordre d’achat.

Une fois la transaction effectuée, se pose la problématique de la sécurité des dépôts. La faillite de FTX en novembre dernier, la troisième plateforme d’échanges de crypto-monnaies, derrière Binance et Coinbase, a semé le doute auprès des investisseurs sur la solidité de ces sociétés, pourtant régulées par la SEC aux États-Unis et par l’AMF en France. On peut également perdre ses Bitcoins. Soit en égarant ses codes d’accès à son portefeuille de cryptomonnaies ou en transférant ses bitcoins avec une clé incorrecte.

Dorénavant dans le pays de l’Oncle Sam, détenir un des 11 fonds autorisés à intervenir directement et uniquement dans le Bitcoin, sera simple.

Ainsi l’actif financier figurera sur le relevé de compte habituel de chaque client, chez son intermédiaire financier. Cet évènement a été salué dès le 11 janvier – premier jour de cotation de ces fonds – puisque l’équivalent de 4,6 milliards de dollars y ont été échangés.

Le lancement commercial s’annonce prometteur. En effet, une période de frais de gestion réduits a été décidée par BlackRock pour son Fonds baptisé IBIT. Par une opération de transformation d’un ancien fonds, Grayscale prend la tête des encours détenus avec 28 milliards de dollars sur son ETF rebaptisé GrayscaleBitcoin Trust. 

Fin décembre 2017, des contrats à terme sur le Bitcoin avaient été lancés sur deux bourses américaines : le CBOE et le CME. Mais l’engouement est assez vite retombé. En juin 2019, plus aucunes autres échéances n’ont été négociées sur le CBOE. Aujourd’hui, la position ouverte sur le CME dépasse les 6 milliards de dollars. En Europe, plusieurs contrats sont négociés sur l’Eurex. Mais les positions ouvertes sont ridicules (moins d’une centaine), pour un total inférieur à 5 millions de dollars.

Ce type d’instruments financiers est négocié et utilisé par une faible minorité d’investisseurs. Il s’agit d’investisseurs dits « avertis » : ce qui explique la faible diffusion auprès du public. À l’inverse, les encours détenus dans les fonds sont colossaux (plusieurs milliers de milliards de dollars), ce qui induit un potentiel énorme en cas d’arbitrages, mêmes infimes, au profit des nouveaux ETF investis sur le Bitcoin. De surcroît, en étant la première cryptomonnaie servant de support dans un fonds, le Bitcoin se différencie des autres. Il gagne une légitimité qui lui est propre.

Toutefois, la SEC émet quelques réserves. Elle met l’accent sur les risques de pertes en capital, à cause d’une forte volatilité. Néanmoins, le gendarme américain reconnaît son caractère d’actif numérique innovant.

Il existe des ETF en Europe investis sur cette thématique. Mais ils sont limités à un type de public ou avec un sous-jacent différent.

Profitant d’une règlementation moins restrictive à Guernesey, le Jacobi FT Wilshire Bitcoin ETF a été lancé en août dernier à Amsterdam. Mais il est réservé uniquement aux professionnels. Son encours reste marginal, car il ne dépasse pas 2 millions de dollars.

Le Melanion Bitcoin Equities UCITS ETF est ouvert à tous, mais investit uniquement dans des actions de sociétés liées à l’écosystème des cryptomonnaies. Tout reste donc à faire.

En attendant, un flux important d’investisseurs américains dans les nouveaux fonds d’Outre-Atlantique peut impacter sensiblement le prix du Bitcoin, car son nombre en circulation ne dépassera pas les 21 millions d’unités en 2040 contre 19,33 aujourd’hui.

L’affaire est donc à suivre…

Faux départ !

Les investisseurs étaient dans les starting-blocks pour ne pas rater la traditionnelle hausse de début d’année, après avoir bien profité du beau rallye de fin 2023.

Selon Bloomberg et après les arbitrages massifs de ces dernières semaines vers les actifs risqués, la pondération actions dans les portefeuilles diversifiés est remontée à un niveau des plus élevés depuis la fin de la crise financière de 2008. Mécaniquement, la pondération de la poche trésorerie se situe en bas de la fourchette historique depuis 15 ans. Malheureusement, les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel, du moins en une seule pousse.

Après une hausse respective en devise locale de plus de 11 % et de 15 % des indices CAC 40 et S&P 500, depuis le point bas du 27 octobre dernier, le marché a besoin de nouveaux éléments pour valider le scénario idéal actuellement anticipé. Car les espérances sont élevées pour 2024. A savoir un assouplissement monétaire important de 1,50 % (150 points de base) des taux directeurs de la Fed et de la BCE, cumulé à une croissance des bénéfices par action en 2024 supérieur à 12 % aux États-Unis et à 9 % en Europe, dans un contexte de ralentissement économique. 

Le grain de sable n’est pas venu de la macro-économie, mais de la géopolitique, trop délaissée dernièrement par les opérateurs. Le conflit israélo-palestinien s’étend en mer Rouge et des attaques permanentes sur les navires marchands contraints les armateurs à dévier leur route maritime, en évitant le canal de Suez. Cette déviation exige le contour de toute l’Afrique et rallonge de plusieurs jours le délai de transport nécessaire pour acheminer le fret. La capacité disponible est de facto réduite et le fantôme des tensions sur la chaîne mondiale d’approvisionnement, qui avaient tant sévi en 2021 et en 2022, refait surface.

Certaines sociétés de transport maritime, telle CMA-CGM, ont doublé le tarif d’acheminement d’un conteneur sur la route Asie-Europe le 2 janvier. Cette angoisse d’une nouvelle inflation importée des biens consommés a propulsé les taux longs à 10 ans américain à 4 % et allemands à 2,10 %, après un point bas respectif le 27 décembre à 3,78 % et à 1,89 %. Un malheur n’arrivant jamais seul, une frappe israélienne le 2 janvier au Liban, menace d’embraser toute la région, si le Hezbollah décide de rentrer en guerre frontale avec l’État hébreux. 

Tout dépend de la date du début de l’historique. De 1980 à l’an 2000, l’indice Dow Jones a connu une performance annuelle négative (hors dividendes) seulement à quatre reprises. C’était en 1981, 1984, 1990 et en 2000. Pourtant, la performance de l’indice au cours de la première semaine de ces quatre années a été toujours positive.

Ce qui signifie implicitement que la performance annuelle a été toujours positive, quand celle de la première semaine était négative.

L’indicateur le plus pertinent pour déceler une tendance pour l’année était alors la performance mensuelle. En effet, au cours des quatre années concernées, l’indice Dow Jones a toujours terminé le mois de janvier en baisse.

En revanche de 2001 à 2023, le marché américain a affiché une performance négative 7 fois. C’est arrivé en 2001, 2002, 2005, 2008, 2015 et 2022. Il a baissé 5 fois lors de la première semaine (2001, 2005, 2008, 2015 et 2022).

La statistique est donc bien plus défavorable. Si l’on prend l’indice CAC depuis 1990, la performance annuelle (hors dividendes) a été négative 13 fois*. Et la performance de la première semaine a été négative 7 fois**.

Statistiquement, depuis 34 ans, la probabilité de connaître une performance négative en 2024 est de 54 %. Ce chiffre nous paraît pas assez probant, pour broyer du noir tout au long de l’année. En effet, le nombre de paramètres pouvant influer les cours est très élevé.

Il nous semble donc plus pertinent de maintenir notre approche prudente et sélective. La bourse n’est pas un sprint mais un marathon. Même si les prochaines séances risquent d’être volatiles, on peut connaître une belle année 2024, en dépit des banques centrales qui tardent à baisser leurs taux directeurs. L’essentiel est qu’elles la fassent d’ici l’été. 

* en 1990, 1994, 1995, 2000, 2001, 2002, 2008, 2010, 2011, 2015, 2018, 2020 et en 2022.

** en 1990, 2001, 2002, 2008, 2015, 2020 et 2022.

Lagarde ne baisse pas la garde : baisse des taux directeurs

C’est un véritable cadeau de Noël pour les financiers !

Les projections des membres de la Fed du 13 décembre ont révélé une baisse inattendue des taux directeurs de 0,75 % en 2024.

C’est d’autant plus surprenant que cette banque centrale n’a officiellement pas terminé son cycle de durcissement monétaire. Lors de la conférence de presse, son président a d’ailleurs maintenu son discours de vigilance, soulignant les progrès du côté de l’inflation, mais la jugeant encore trop élevée. Jerome Powell a aussi précisé que les projections n’étaient nullement une décision du FOMC (comité fédéral de marché ouvert) et que la Fed était prête à durcir davantage sa politique monétaire, si cela s’avérait être approprié. Cette rhétorique est à l’opposé des anticipations annoncée une demi-heure auparavant.

Entre les deux versions, le marché a choisi son camp. Il a opté pour celui de l’assouplissement monétaire non officialisé. Cette perspective a constitué une brèche dans le rempart contre l’inflation, ouvrant la voie, en séance, à une forte baisse des taux obligataires et une forte hausse des indices actions américains. 

Quand on analyse la décomposition des projections, seuls 2 membres sur 18 anticipent une stabilité des taux directeurs pour 2024. La grande majorité, respectivement cinq et six, prévoit une baisse de 0,50 % et de 0,75 % l’année prochaine. Factuellement, les dissensions au sein de l’organisation sont minimes et l’assouplissement monétaire devrait bien voir le jour en 2024, sauf nouveau choc inflationniste imprévu. Cette perspective contraint les investisseurs à revoir leur copie dans leurs allocations pour plus d’actions et moins de monétaire, dont les rendements sont voués à diminuer au fil du temps. Les plus audacieux effectuent déjà des arbitrages pour plus de valeurs cycliques, et moins de valeurs défensives.

Tout va trop vite. Le marché anticipe des taux courts monétaires américains à 3,81 %, contre 5,33 % aujourd’hui. Soit une baisse de plus de 1,50 % ou le double de celle estimée par les membres de la Fed. Le début du cycle d’assouplissement commencerait le 20 mars, selon les opérateurs. Cela semble prématuré, à la vue d’une inflation sous-jacente encore à 4 % et un taux de chômage à 3,7 %.

Néanmoins, en l’absence de toute éventualité de hausse de taux, les investisseurs peuvent se projeter à moyen terme et nous sommes bel et bien rentrés dans une ère d’expansion des multiples de valorisation, avec à la clé une hausse potentielle des actifs financiers. De plus, la forte baisse des taux longs depuis six semaines provoque une nette amélioration des conditions financières, rendant la politique monétaire moins restrictive, laissant espérer un redémarrage de l’économie plus rapidement. 

Le lendemain, Christine Lagarde tenait également une conférence de presse, à la suite de la réunion du Conseil des gouverneurs.

Les taux directeurs sont restés inchangés et la tonalité du discours était identique à celui de Jerome Powell. Certes l’inflation a ralenti, mais elle devrait rebondir à court terme, avant de refluer à 2,7 % en 2024. L’économie est atone et devrait se redresser graduellement, pour afficher une croissance du PIB de 0,8 % l’année prochaine.

Néanmoins, la BCE a décidé de mettre progressivement fin à ses programmes d’achats d’actifs et de réduire l’encours détenu au sein du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) en limitant ses réinvestissements d’ici mi-2024. Au second semestre, elle réduira de 7,5 milliards d’euros par mois la taille de ce portefeuille.  En conclusion, aucune ouverture n’a été révélée. Lors de la séance des questions et réponses, la présidente de la BCE a déclaré que l’institution agirait selon les données économiques et qu’il était trop tôt pour baisser la garde.  

Cette posture inflexible a fait effacer la quasi-totalité des gains en séance des marchés actions en Europe et a fait grimper l’euro contre le dollar à 1,10. En réalité, la BCE ne pourra plus lutter longtemps, et devrait céder face à la Fed, sinon la monnaie unique flambera, risquant de freiner davantage une économie déjà trop atone. 

L’étau se desserre (hausse des actions)

C’est Noël avant l’heure en bourse.

L’indice S&P 500 a clôturé le 1er décembre au plus haut de l’année à 4594,63 points, et à 200 points de son record historique du 4 janvier 2022. L’indice CAC 40 retrouve presque le niveau de fin juillet, effaçant quasiment la vague baissière de ces 3 derniers mois. Les vendeurs ont donc eu tort à court terme de s’inquiéter de la rhétorique restrictive des banquiers centraux, même s’ils ont placé le produit de leurs cessions sur le marché monétaire.

Le marché directeur, à l’origine de ce contre-choc financier, a été l’obligataire. Les taux longs se sont fortement détendus depuis 6 semaines. À titre d’exemple, le rendement à 10 ans français (OAT) a atteint 2,73 % le 7 décembre, soit une baisse de 83 points de base (0,83 %) depuis son point haut annuel du 19 octobre.

C’est une bouffée d’air frais pour les emprunteurs, que ce soient l’État, les entreprises et les particuliers, qui peuvent solliciter des crédits à un coûts plus abordable. Cette chute (la plus forte depuis l’été 2022 en France) a eu également une répercussion positive et immédiate sur la valorisation des actions. Ainsi, la valeur aujourd’hui des mêmes flux de trésorerie opérationnels d’une entreprise est supérieure à celle de fin octobre, grâce à la seule baisse du taux d’actualisation.

Il est donc logique que les marchés actions montent. Il faut de surcroît illustrer le contexte dans lequel ce phénomène s’est produit. 20 mois après le début du cycle de durcissement monétaire le plus fort depuis 40 ans, ayant provoqué un krach obligataire en 2022, une véritable chappe de plomb pesait sur les marchés financiers. La tenaille s’est enfin desserrée, ce qui a entrainé une réallocation des actifs financiers vers plus d’obligations (à maturité plus longue) et plus d’actifs risqués. 

Parmi les actions, les titres les plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêt ont été les plus favorisés. Il s’agit des sociétés les plus endettées et les plus chèrement valorisées. On peut ainsi citer la progression, depuis le point bas du 27 octobre dernier, de 23,44 % et de 17,70 % des indices sectoriels STOXX Europe 600 immobilier et technologie. L’importance de la vague haussière a bénéficié à quasiment l’ensemble de la cote, à l’exception des valeurs du secteur de l’énergie, dont l’indice STOXX Europe 600 pétrole & gaz a régressé de 3,68 %, du fait de la baisse du prix du brut.  

La désinflation actuelle et les signaux de faiblesse de l’activité économique sont des facteurs cruciaux, militant pour la fin du durcissement monétaire et d’un futur assouplissement.

Les questions clés sont quand et à quel niveau d’inflation verrons-nous la première baisse des taux ? Aujourd’hui, les indices des prix de base (hors alimentation et énergie) sont respectivement à 4 % et à 3,6 % aux États-Unis et en zone euro.

Ces données sont encore trop fortes pour permettre à la Fed et à la BCE de déclarer la victoire définitive sur l’inflation. Selon nous, il faudrait que ces données soient inférieures à 3 % pour que ces institutions enclenchent la baisse de leurs taux directeurs. Par conséquent, le calendrier autour du mois d’avril, anticipé par les investisseurs semble prématuré.

Nous pensons que les taux devraient donc se retendre ces prochaines semaines, entraînant une contraction probable des indices actions. Toutefois, tant que la désinflation se poursuit, le scénario d’un assouplissement monétaire n’est que retardé et le potentiel de correction semble limité, sauf si la contraction légère de l’activité cède la place à une récession plus dure. Dans ce cas, les taux longs des emprunts d’États devraient davantage baisser, mais le prix des actions également, du fait d’une forte détérioration des estimations de résultats des entreprises. Cette corrélation positive entre le prix des obligations et des actions cèderait la place à une corrélation inversée. 

Mouvement haussier : de la déprime à l’euphorie

Décidément, les mois se suivent et ne se ressemblent pas. Les indices actions viennent de signer une des meilleures performances de leur histoire pour un mois de novembre (la deuxième plus forte progression depuis 1980 pour l’indice S&P 500).

Les investisseurs sont donc passés de la déprime à l’euphorie en quelques semaines. 

L’ambiance était pesante à la fin du mois d’octobre, après trois mois de baisse des marchés actions. La rhétorique dure des banques centrales, avec en perspective l’absence d’assouplissement de politique monétaire dans un contexte de ralentissement en Europe et en Chine, constituait un mauvais cocktail pour les marchés.

Rien ne présageait donc ce fort mouvement haussier, si ce n’est une saisonnalité plus favorable et des indicateurs techniques nettement survendus. Les vendeurs à découvert ont initié le mouvement, cristallisant leurs gains en se rachetant dès le 27 octobre. Ensuite, tout s’est accéléré, avec des éléments macroéconomiques moins tendus.

Le marché du travail et l’activité aux États-Unis ont commencé à donner des signes de faiblesse après une accélération estivale, avec des créations d’emplois et des indice PMI pour le mois d’octobre inférieurs aux attentes. Le chômage est ainsi remonté à 3,9 %, soit son plus haut niveau depuis janvier 2022. Moins sous pression, les banques centrales n’ont pas modifié les taux directeurs lors de leurs dernières réunions.

De surcroît, le véritable détonateur a été la nette décélération de l’inflation, annoncée dès le 14 novembre outre-Atlantique, avec des prix stables sur un mois en octobre et en progression sur un an glissant de 3,2 %, contre 3,7 % le mois précédent.

Cette tendance a été également confirmée en zone euro, avec une inflation nominale sur un an glissant de seulement 2,4 % en novembre. Soit son niveau le plus faible depuis juillet 2021, après avoir connu un énorme pic à 10,7 % en octobre 2022.

Sur un mois, les prix ont même régressé pour l’indice nominal et celui de base, de 0,5 % et de 0,6 % respectivement. Les conséquences sur le marché obligataire d’une désinflation plus prononcée ont été immédiates : une baisse mensuelle des rendements à 10 ans de 0,60 % outre-Atlantique. Et d’une violence inédite depuis décembre 2008.

Cela fait donc 15 ans que nous n’avions pas connu un rallye obligataire aussi fort en aussi peu de temps. En Europe, les taux longs allemands ont régressé de 0,36 %, soit une baisse identique à celle de mars dernier.

Désormais, les investisseurs ont tourné la page du durcissement n’anticipant plus de hausses des taux directeurs de la Fed, ni de la BCE. Ils prévoient même une détente à partir d’avril et une baisse respective de 1 %, d’ici fin 2024. Ces fortes contractions des rendements provoquent également des arbitrages en faveur du marché des actions.

De nombreuses valeurs du CAC 40 ont connu des hausses mensuelles inédites depuis novembre 2021, enregistrées à l’époque lors de la publication des données préliminaires des vaccins anti-Covid. La palme revient à Unibail-Rodamco-Westfield (+25,12 %), suivie de STMicroelectronics (+20,78 %). 

La belle performance de novembre 2021, avait été suivie par un beau mois de décembre.

Historiquement, la saisonnalité est plutôt favorable sur décembre et janvier, car les investisseurs sont épris d’un vent d’optimisme, laissant supposer que l’avenir est plus prometteur que le présent.

Statistiquement, un investisseur a une probabilité respective de 69 % et de 61 % de gagner de l’argent en décembre sur l’indice S&P 500 et CAC 40.  

Par conséquent, en l’absence de nette tension sur le marché obligataire, la tendance à court terme reste favorable. En effet, il est normal que les multiples de valorisation se tendent quand les taux baissent. De plus, l’indice de volatilité implicite VIX (véritable indicateur de stress du marché) a retrouvé ses plus bas niveaux de 2023. Preuve de la sérénité actuelle des opérateurs.

Nous sommes les premiers à trouver que les anticipations de croissance des profits des entreprises sont excessives pour 2024, mais que le retour à la réalité pourrait intervenir à partir de mi-janvier plutôt que début décembre. 

Sam s’en va et ça revient

« Rendez-nous notre patron, ou nous démissionnons tous ! »

Vous l’avez compris, cette revendication caricaturée n’émane pas des ouvriers de chez Renault, ni des employés de la SNCF. Mais bien de ceux d’OpenAI, institution basée à San-Francisco et spécialiste de l’intelligence artificielle.

Nous ne sommes évidemment pas en France, mais dans le fief de la technologie américaine. La lettre signée par 702 collaborateurs et adressée au conseil d’administration, à la suite du départ du directeur général et cofondateur, Sam Altman, est sans ambiguïté.

« Votre action a mis en évidence votre incapacité à superviser OpenAI. Nous sommes incapables de travailler pour des gens qui manquent de compétences, de jugement et de soin pour notre mission et les employés. Tous les soussignés, pourrions démissionner et rejoindre Sam Altman et Greg Brockman chez Microsoft… Nous pourrions prendre cette décision immédiatement, sauf si tous les membres de ce conseil démissionnent».

Il s’agit d’un évènement extrêmement rare, même au pays de l’Oncle Sam. Il faut dire que tout est atypique dans l’histoire de cette organisation. 

OpenAI Inc. a été créée en décembre 2015. La structure juridique choisie par ses fondateurs (Sam Altman, Greg Brockman, l’illustre Elon Musk et d’autres chercheurs visionnaires) est celle d’une société à but non lucratif.

Cela permet de bénéficier, au même titre que les églises, les hôpitaux publiques, ou les organisations caritatives, d’une exemption fiscale sur les profits générés. En contrepartie d’absence d’actionnaires ou de profits restitués à des bénéficiaires. Le choix est initialement adapté car au tout début de l’aventure, la mission est entièrement noble. En effet, il s’agit de promouvoir et de développer la recherche sur l’intelligence artificielle pour le bien-être de l’Humanité.

Un changement important intervient le 11 mars 2019. OpenAI Inc. annonce la création d’OpenAI LP (Limited Partnership), une société à but lucratif détenue par les fondateurs d’OpenAI.  

L’objectif est d’attirer de nouveaux investisseurs afin d’accélérer le développement de l’intelligence artificielle. Donc mieux servir la mission de la société.

Les nouveaux actionnaires trouvés sont en fait les donateurs présents à l’origine du projet, qui contrairement aux fondateurs, ne disposent pas de droit de vote. Mais ces derniers peuvent bénéficier de la commercialisation des technologies développées par OpenAI. Open AI LP est baptisée en interne société aux profits limités à 100 fois l’investissement de chaque partenaire. 

Le véritable changement de dimension arrive le 22 juillet 2019, quand Microsoft signe un partenariat avec OpenAI pour devenir leur fournisseur exclusif de cloud, avec à la clé un chèque d’un milliard de dollars. Deux autres milliards sont injectés en 2021, avant l’annonce ce 23 janvier 2023 de l’extension du partenariat d’origine et un investissement pluriannuel de plusieurs milliards de dollars. Le succès fulgurant de ChatGPT, assistant virtuel et agent conversationnel, utilisant de l’intelligence artificielle, explique ce nouvel accord signé. Il faut dire que la révolution est bien en marche et que l’usage de l’intelligence artificielle se généralise au quotidien. La progression de plus de 206% sur un an des revenus trimestriels de Nvidia (principal fournisseur de puces et autres composants nécessaires aux équipements utiles à l’intelligence artificielle) le démontre bien.

Les statuts d’OpenAI Inc. stipulent que les membres du conseil ont le droit exclusif d’élire ou de révoquer les administrateurs existants ou supplémentaires. Par conséquent, le départ de Sam Altman provient forcément d’un désaccord avec les autres membres. Ce fut le cas avec Elon Musk en 2018. Officiellement pour conflits d’intérêts (à cause de Tesla, gros débaucheurs d’ingénieurs).

La menace des employés a fonctionné. Une annonce récente sur X stipule le retour de l’ex-dirigeant. Et concomitamment la démission du conseil existant, à l’exception d’un seul membre.  

OpenAI Inc. vient donc de vivre un renouvellement historique de son conseil d’administration, désormais plus favorable à Sam Altman. 

La désinflation américaine prolonge le rallye

C’était sans aucun doute le chiffre le plus attendu du mois. Les investisseurs ont retenu leur souffle ce mardi 14 novembre, avant la diffusion de l’inflation américaine d’octobre.

Les opérateurs de marché avaient besoin d’un indicateur censé renforcer leur scénario de fin du durcissement monétaire en cours. Et ce, après les pauses de la BCE et de la Fed observées lors de leurs dernières réunions et la faiblesse des derniers chiffres de l’emploi aux États-Unis.

Cette perspective paraissait encore audacieuse, voire prématurée auparavant. Car elle allait à l’encontre des discours récents et toujours musclés des banquiers centraux. Les faits leur ont donné raison d’espérer : la hausse des prix en octobre, sur un mois, a été de 0 % pour l’indice nominal et de 0,2 % pour celui de base (hors énergie et alimentation).

Sur un an, l’inflation continue de ralentir respectivement à 3,2 % et à 4 % pour ces deux indices. Par conséquent, cette poursuite du mouvement de désinflation fait baisser la pression. Et elle permet aux institutions monétaires d’être plutôt dans l’expectative prolongée, que dans l’action agressive et restrictive tant redoutée. 

Les conséquences ont été immédiates. Une baisse respective, ce 14 novembre, de 0,19 % et de 0,13 % (soit 19 et 13 points de base) des rendements des dettes souveraines américaines et françaises. Par ricochet, les indices actions ont également salué la bonne nouvelle. Ils ont progressé de 1,39 % pour l’indice CAC 40 et de 1,91 % pour l’indice S&P 500. L’indice NASDAQ 100 quant à lui affiche une hausse de 2,13 %.

Sur le marché des changes, la hausse de l’euro contre le dollar a été également violente. En effet, la monnaie unique s’est octroyée 1,65 % en une seule séance.

Parmi les titres du CAC 40, les valeurs très endettées ont été les grandes gagnantes de la journée. C’est le cas d’Unibail-Rodamco-Westfield (+7,24 %) dans l’immobilier et Alstom (+5,63 %). Les valeurs du luxe, comme Kering (+3,64 %), Hermès (+2,82 %), LVMH (+2,67 %), et les technologiques telles que STMicroelectronics (+3,81 %) se sont également très bien comportées.

Le rebond initié le 27 octobre était à l’origine technique. Il était provoqué par une vague de rachats des vendeurs à découvert, au moment même où les investisseurs avaient sensiblement réduit le risque dans leur portefeuille actions et obligataire.

Avec le chiffre modéré de l‘inflation de mardi dernier, le rallye haussier rentre dans une seconde phase.

Dans le cas où le cycle de durcissement monétaire serait achevé, il convient d’augmenter la duration dans les portefeuilles obligataires afin de sécuriser le rendement futur pour une période plus longue, dans l’éventualité où la Fed viendrait à baisser ses taux directeurs.

Une fois encore, ce phénomène est brutal car les financiers adoptent tous la même stratégie simultanément. Sur les marchés actions, on se rue sur les valeurs de croissance, particulièrement les technologiques. En effet, ce sont celles qui offrent de meilleures perspectives, dans une phase de ralentissement économique. Les titres de sociétés endettées, délaissées depuis 18 mois, pourront également mieux se refinancer à terme et ainsi réduire le montant des intérêts de leurs emprunts. 

Cependant, la baisse des taux longs est sans doute trop rapide aux yeux des banquiers centraux, car il correspond à un assouplissement prononcé des conditions financières, censés être restrictives.

Le rendement à 10 ans a atteint 4,44 % aux États-Unis le 16 novembre, contre un plus haut récent en séance de 5,01 % le 23 octobre, soit une amélioration de 0,57 % en trois semaines. Désormais, ce taux d’emprunt à long terme se situe à un niveau de 1,07 % en dessous de celui des taux directeurs à court terme de 5,5 %.

Par conséquent, ce rallye se prolongera tant que la Fed et la BCE s’abstiendront de faire comprendre une nouvelle fois, qu’aucune baisse des taux n’est envisageable, selon elles, avant une longue période, et pas avant le second semestre 2024.  

Cet effet de change très négatif au 3ème trimestre 

Quel est le point commun entre LVMH, Sanofi, Schneider Electric et Air Liquide, dont les activités sont si différentes ? Toutes ces entreprises viennent de publier, au 3ème trimestre 2023, un chiffre d’affaires érodé par la forte hausse de l’euro depuis un an.

Souvenez-vous. L’année 2022 a été marquée par une nette progression du dollar, dont l’apogée était alors le 27 septembre. La hausse du billet vert depuis le début de l’année passée atteignait à cette date plus de 18 % contre un panier de devises, dont 17,76 % contre la monnaie européenne.

Depuis, le fort durcissement monétaire de la BCE, en retard par rapport à la Fed et matérialisé par un relèvement cumulé de 4 % de ses taux directeurs, a fait retourner cette tendance. L’objectif de la banque centrale était double. Tout d’abord freiner l’activité domestique en augmentant le taux du crédit. Ensuite, lutter contre l’inflation importée en faisant monter l’euro.

Nos champions du CAC 40 peuvent en témoigner, à leurs dépens. Cette politique a malheureusement abouti. Ces mastodontes ont tous une part très importante de leur activité à l’étranger. Et cette activité est facturée en devises étrangères. Par rapport au 3ème trimestre de l’année dernière, le taux de change moyen de l’euro a progressé de 8,10 % contre le dollar. Même constat contre le yen (+ 12,97 %) et le yuan (+14,34%).

L’impact négatif est différent selon la répartition géographique des revenus de chaque entreprise et selon le taux de change appliqué à chaque encaissement au cours de la période. Sur ce point, nous parlons d’un risque de change transactionnel.

De ce fait, pour mesurer sa véritable performance commerciale, une société isole les impacts liés à la variation du cours des devises. Pour ce faire, elle publie des taux de croissance organique et à taux de change constant. Par exemple, LVMH affiche une croissance organique de 9 % au 3ème trimestre. Mais ses revenus en euro n’ont progressé que de 1,06 % sur un an glissant. Dans l’hypothèse où il n’y a pas eu de changement de périmètre (cela a été confirmé sur les données à 9 mois), on peut supposer que l’effet de change était négatif de 8 % environ (7,96 % exactement).  

Pour sa part, Schneider Electric a annoncé une croissance organique de 11,5 %, mais une variation positive d’à peine 0,1 % de son chiffre d’affaires. La différence s’explique par un effet de change négatif de 7,5 % et pour le reste d’un changement de périmètre, lié principalement à la cession de ses actifs en Russie. Encore plus vexant, Air Liquide est en croissance de 1,05 % à données comparables, mais en décroissance de 17,4 % en euros, à cause d’un effet de change négatif de 6,3 % et d’une baisse du cours des matières premières servant de base pour sa facturation.

Finalement, on peut comprendre la frustration des dirigeants et des investisseurs par ces croissances rabotées, alors qu’en réalité les sociétés sont beaucoup plus dynamiques qu’on ne le pense.

Il existe plusieurs solutions.

La première est celle pratiquée par Airbus, qui utilise des outils de couverture, principalement par des ventes à terme. À fin septembre, la société a vendu à terme pour 87 milliards de dollars à un taux de change d’euro contre dollar à 1,23, soit 13 % supérieur au cours actuel. Cela paye, car l’avionneur affiche une croissance de 11,93 % de ses revenus, sans effet de change négatif.

D’autres publient en dollar, comme TotalEnergies.  La baisse de 14,6 % de ses revenus est à associer principalement à la chute de 14 % du prix du baril de pétrole. Autre fait probant, comparons l’effet de change négatif en euro de Sanofi (-7,3 %) à celui en dollar d’Astrazeneca (-1 %).

Une dernière méthode est d’adosser le mieux possible sa base de coûts à celle de ses revenus en devises. Cela permet de ne subir qu’un risque dit consolidation sur le résultat opérationnel, soit un montant beaucoup plus faible.

Dans tous les cas, le bénéfice par action de nos entreprises européennes a été impacté par la hausse de l’euro. Espérons donc que celle-ci soit moins forte pour ces prochains exercices pour la stabilité des actions européennes.