LVMH cale au 3ème trimestre

C’était la publication attendue en ce début de saison des résultats, en tant que baromètre du secteur.

Les résultats de LVMH ont déçu

Notre champion français du Luxe, leader mondial incontesté, a annoncé son chiffre d’affaires du troisième trimestre ce mardi 10 octobre, après la clôture du marché. Celui-ci a déçu et est ressorti à 19,96 milliards d’euros, contre des attentes aux alentours de 21 milliards d’euros. La réaction du titre ne s’est pas fait attendre, avec une baisse de 6,46% au cours de la séance du lendemain. La division Vins & Spiritueux est la plus décevante avec une baisse de 21,5% du chiffre d’affaires en euros.

La branche distribution sélection a toutefois progressé

À l’inverse, la branche Distribution sélective a agréablement surpris, avec une progression de 17,6% de ses revenus. LVMH ayant connu, depuis 2010, un accroissement annualisé de plus de 12% de ses revenus et de plus de 15% de son bénéfice par action. C’est pourquoi  la donnée clé scrutée par les investisseurs est la croissance organique du groupe, ainsi que celle de chaque entité. L’année 2023 avait bien débuté, car celle-ci était de 17% au premier semestre. La déception se lisait sur tous les visages avec le chiffre de 9% au troisième trimestre contre 11,9% attendu par les analystes.

Ralentissement de la division Mode et Maroquinerie

La division Mode et Maroquinerie, considérée comme le navire amiral et qui pèse près de la moitié des ventes, affiche également un net ralentissement avec une croissance de 9% contre 20% au premier semestre et 11,2% attendu par le consensus. 

Est-ce la fin de la super croissance et un retour à une normalisation ?  

En 2022, LVMH avait publié également une croissance organique magnifique de 17%, qui s’était poursuivie au 1er semestre 2023. Cette superbe performance a été possible, malgré un 4ème trimestre 2022 plus modéré à 9%. Par conséquent, des trous d’airs dans le passé, comme nous le vivons aujourd’hui, ne constituent pas un fait nouveau et n’ont pas entamé le potentiel du groupe.

La dichotomie entre les divisions est un phénomène plus rare

Ce qui est plus rare, est la forte dichotomie entre les divisions, comme nous l’évoquions auparavant. Nous pouvons donc penser, que dans une configuration où toutes les entités contribuent positivement, la croissance potentielle du groupe se situe nettement au-dessus des 10%. Un autre point important est la faiblesse actuelle aux États-Unis, qui connaissent une progression de seulement 2%, après une contraction de 1% précédemment. Etant donné les récents bons chiffres économiques et le niveau faible du chômage outre-Atlantique, il est légitime de penser que l’activité devrait redémarrer, surtout si l’effet de déstockage dans la branche Vins & Spiritueux, principalement dans le cognac, cesse. 

L’atout majeur de LVMH ? Son « pricing power »

L’atout majeur du groupe reste son « pricing power », c’est-à-dire sa faculté à augmenter ses prix, car la demande sur ses produits de luxe est inélastique et peu sensible à la conjoncture économique. Nous pensons que ce sera toujours le cas, à part quelques exceptions dans les vins et spiritueux. LVMH ne communique pas dans ses publications, sur la contribution de l’effet prix dans son chiffre d’affaires, mais celui-ci doit être significatif. C’est pour cela que le consensus des analystes de 24,17 milliards d’euros de revenus pour ce 4ème trimestre contre 22,7 milliards d’euros l’année dernière semble atteignable, surtout dans un contexte d’achats de fêtes de fin d’année. Tout ceci serait possible, malgré un effet de change défavorable de 4% sur les neufs premiers mois et probablement plus important au cours du dernier trimestre, et qui devrait se poursuivre au cours de ces trois derniers mois de l’année. 

Une opportunité d’investissement

En résumé, LVMH reste une société de croissance, dont le potentiel organique à long terme se situe toujours entre 10 et 15% par an. Après une déception, et dans un contexte géopolitique plus compliqué comme aujourd’hui, la faiblesse du titre pourrait durer encore plusieurs semaines, mais devrait constituer, selon nous, une opportunité d’investissement  à moyen et long-terme.

En attendant la saison des résultats

La hausse des taux longs continue à comprimer les multiples de valorisation

Le taux souverain américain à 30 ans a atteint, provisoirement le 4 octobre, le seuil symbolique de 5%. Cet indicateur est très important outre-Atlantique, car il sert de référence pour le calcul des emprunts immobiliers (le fameux « Mortgage rate » à 30 ans), qui a atteint un pic à 7,88%.

Cette brutale augmentation du loyer de l’argent fait pression sur les prix des logements. C’est également le cas en France où le taux ordinaire à 25 ans se situe désormais aux alentours de 4,40%. Selon les prévisions de Century 21, la baisse des prix de l’immobilier dans l’Hexagone devrait se situer entre 5 et 7% en 2023.

Phénomène de compression identique sur les actions

Ce phénomène de compression est identique sur les actions et se mesure avec le ratio cours sur bénéfice par action (« Price to Earnings Ratio » ou PER). La seule différence est qu’il a commencé bien plus tôt (depuis fin 2020), et s’est produit en deux phases.

Baisse du ratio cours sur bénéfice des entreprises de l’indice STOXX Europe 600

La première a duré jusqu’en octobre 2022 et la seconde a débuté en mars 2023 et s’accélère depuis septembre, avec la brutale remontée des taux longs.  Au cours de cette période de presque 3 ans, le ratio cours sur bénéfice par action des entreprises européennes de l’indice STOXX Europe 600 est passé de 21,3 à 12,08 aujourd’hui. Fort heureusement, cette baisse de 43% ne coïncide pas avec une chute de l’indice, car les bénéfices par action ont plus que doublé depuis l’année 2020, qui correspondait à un point bas à cause de la pandémie.  

Double peine en 2022

Les investisseurs sont plus ou moins sensibles à ce mouvement, selon la dynamique des bénéfices. Ainsi, l’année 2022 a été synonyme de grand stress, car les taux longs se sont fortement tendus en Europe, selon le 10 ans allemand (passant de -0,17% à +2,57%,), en même temps que planaient de grandes incertitudes sur les bénéfices, avec l’invasion de l’Ukraine. Cette double peine a contribué à une chute de 19% de l’indice STOXX Europe 600 dividendes réinvestis à fin septembre, avant une nette reprise dans le sillage d’une accalmie sur les taux et d’une nette révision à la hausse des bénéfices, grâce à une forte augmentation des marges.

Et maintenant ?

Pour que les flux reviennent enfin en Europe, il faut à la fois une stabilisation du marché obligataire et une visibilité sur les profits des entreprises. L’accalmie sur le marché obligataire viendra d’une moindre tension sur le marché du travail et de la poursuite de la désinflation. La baisse du nombre de créations d’emplois en septembre aux États-Unis à 89 000 contre 180 000, le mois précédent selon l’ADP a provoqué un soulagement depuis mardi. Celle-ci devra être confirmée cet après-midi par les chiffres du chômage publiés par le bureau du département du travail.

La baisse de l’inflation devrait se poursuivre

En outre, la baisse de 10% des cours du pétrole sur la semaine, après une nette tension en septembre, permet de croire que la baisse de l’inflation devrait se poursuivre, mais à un rythme trop lent pour les banques centrales. Ces institutions devront donc rassurer au cours de leurs prochaines réunion du 26 octobre (BCE) et du 1er novembre (FED). Reste donc l’inconnue sur les bénéfices des entreprises, dans un contexte de ralentissement en Europe et en Chine et la fin d’une brutale remontée de prix de vente.

L’inconnue reste les bénéfices des entreprises

Les investisseurs sont donc très sensibles sur le sujet, comme le démontre la chute de 37,6% du titre Alstom sur une révision négative de free cash-flows pour 2023. Fort heureusement sa pondération dans l’indice était modeste (0,43%) et a eu peu d’impact sur l’indice français. La balle est donc dans le camp des poids lourds de la cote, qui devront convaincre. La semaine prochaine, nous aurons la publication des ventes du troisième trimestre de LVMH. Cela constitue un évènement important pour une remontée à court terme des actions. Plus que jamais, nous privilégions la sélectivité dans le choix des valeurs, car les déceptions peuvent se payer très cher.

Un vent de renouveau avec des taux plus hauts

L’envolée des taux amorcée depuis le début de l’année 2022 est sans précédent. En effet, afin de faire face à une inflation vigoureuse et persistante, les banques centrales mondiales ont dû remonter de façon importante leurs taux directeurs au cours de ces deux dernières années.

Impact favorable sur les rendements des obligations

L’effet escompté s’est fait ressentir, même si le récent rebond des cours du pétrole pourrait ralentir la tendance baissière observée sur l’inflation. Pour autant, cela a eu un impact favorable sur les rendements des obligations, qui retrouvent des couleurs et offrent désormais des opportunités d’investissements.

Comme nous l’avions également évoqué lors de notre dernier édito, le taux à 10 ans de l’emprunt d’état allemand a renoué avec les niveaux observés en 2011, tandis que son homologue américain fleurte désormais avec ceux de 2007. De fait, ce constat doit attirer le regard sur les rendements obligataires.

Attrait renforcé des dettes privées

Intéressons-nous maintenant de plus près aux dettes privées. En effet, leur attrait se trouve renforcé dans la mesure où cette classe d’actifs offre de manière générale un surplus de rendement par rapport aux emprunts d’états, qui rémunère le détenteur pour le risque encouru. On distingue les dettes les mieux notées, que l’on classe en catégorie investment grade et les dettes dites à haut rendement (« high yield » ou spéculatives), qui sont, certes, moins bien notées mais qui offrent là aussi une prime intéressante pour les détenir.

Aujourd’hui, l’univers crédit européen investment grade offre un rendement moyen de 4,6 %, alors que l’univers crédit européen spéculatif propose une rémunération autour de 7,6 %. Ces rendements, que nous n’avions plus vus depuis de nombreuses années, nous incitent à revenir plus que jamais sur la classe d’actif obligataire.

Quelle allocation obligataire privilégier dans l’environnement actuel ?

 Compte tenu des éléments exposés précédemment, il nous semble judicieux sur un horizon d’investissement de 5 ans, d’avoir une allocation crédit à 70 % sur de la dette privée investment grade et à 30 % sur de la dette privée à haut rendement. Pourquoi cela ?

Bénéficier du meilleur des deux mondes

L’idée est de bénéficier du meilleur des deux mondes :

  • D’un côté, s’assurer d’un socle de rendement confortable sur des obligations bien notées dont la qualité de crédit assure une bonne visibilité sur les performances à horizon moyen terme. Par ailleurs, contrairement aux obligations à haut rendement, la duration moyenne de ces titres est plus élevée, autour de 4,5 années. Dans la mesure où nous pensons que le cycle de hausses des taux de la part des banques centrales américaine et européenne touche bientôt à sa fin, l’univers crédit investment grade bénéficiera de toute baisse de taux qui pourrait survenir à compter de ce jour. C’est la raison pour laquelle nous allouons 70 % à cette poche. 
  • D’un autre côté, dédier une part plus raisonnable, autour de 30 %, à l’univers crédit européen à haut rendement, afin de limiter le risque de défaut en portefeuille, jugé trop important selon nous dans une solution 100 % spéculative, tout en accroissant de façon non négligeable le rendement proposé par notre solution. Cet univers est par ailleurs moins exposé aux mouvements des taux dans la mesure où sa duration s’établit autour de 2,9 années.

Ainsi, avec la hausse des taux vient le temps du renouveau : l’heure est venue de se repositionner avec conviction sur le segment obligataire.

Pas de récession en vue selon la Fed

Décidément, les banquiers centraux se font un malin plaisir de nous surprendre depuis une semaine ! Contrairement à la BCE, qui a étonné en augmentant ses taux directeurs, tout en adoptant un discours accommodant, la Fed a déçu en marquant une pause, et avec des prévisions plutôt restrictives. Analysons le bon et le mauvais des dernières données fournies par l’institution américaine.

Scénario de « soft landing« 

Selon la médiane des dernières projections de ses membres, la croissance du PIB a été fortement révisée à la hausse, par rapport à juin, à 2,1 % contre 1 % en 2023 et à 1,5 % contre 1,1 % en 2024. Parallèlement, les anticipations du taux de chômage ont été abaissées à 3,8 % contre 4,1 % en 2023 et à 4,1 % contre 4,5 % en 2024.

En d’autres termes, la Fed est en train de nous dire qu’elle ne voit plus de récession imminente, ou alors au pire, un faible ralentissement sur quelques mois, insuffisant pour être qualifié comme telle. De plus, si on se fie aux propos de son président lors de la conférence de presse, le scénario de « soft landing », en anglais, laisserait place à une économie solide et en croissance.

Tout ceci est plutôt positif, en théorie, car bon pour les volumes et donc les profits des entreprises. Un autre élément satisfaisant concerne l’inflation qui, certes, a été modérément révisée à la hausse en 2023 et inchangée pour 2024 pour l’indice nominal (soit respectivement à 3,3 % contre 3,2 % et à 2,5 % inchangé), mais abaissée pour l’indice dit de base (hors énergie et alimentation) à 3,7 % contre   3,9 % en 2023 et inchangé en 2024. Par conséquent. la désinflation n’est pas terminée. 

Pourquoi les actions et les obligations baissent ?    

Parce que les taux directeurs anticipés par la Fed ont évolué à la hausse pour fin 2024 (5,1 % contre 4,6 % en juin). Ce niveau est toujours supérieur à celui des taux longs à 10 ans actuels aux États-Unis, qui se sont nettement tendus et ont touché un point haut depuis septembre 2007 à 4,49 %.

De surcroît, la Fed n’exclut pas d’ajuster ces prévisions, à la hausse comme à la baisse, selon l’évolution des données économiques. On assiste donc à une pentification de la courbe des emprunts obligataires, avec une remontée des maturités longues. Celle-ci est donc moins inversée et pénalise la valorisation des emprunts d’États et des entreprises, ainsi que celles des actifs risqués donc les actions, surtout celles chèrement valorisées. La baisse de 3,26 % de l’indice Nasdaq 100 depuis le communiqué de la Fed,  comparée à celle de 1,87 % de l’indice Dow Jones, en est l’illustration.

Quels changements faut-il adopter dans les portefeuilles ?  

Restons pragmatiques. Dans le cas où l’activité économique est plus robuste que prévu outre-Atlantique, couplée avec une pentification de la courbe, il convient de renforcer des valeurs plus sensibles au cycle économiques. L’exemple de FedEx, dont le titre s’est adjugé plus de 4,5% au cours d’une séance fortement négative, mérite que l’on s’y attarde.

La société vient de relever ses prévisions annuelles après un trimestre excellent. Elle a toutefois conservé un message prudent sur l’environnement macroéconomique, mais a également bénéficié d’une baisse de 2 % de sa base de coûts. La belle réaction du titre s’explique par le fait que les investisseurs sont sous-exposés sur ce type de valeurs et probablement trop exposés aux valeurs de croissance aux États-Unis.

D’autres belles surprises sont donc à prévoir sur ce premier segment de la cote. En revanche, compte tenu de la faiblesse des données économiques en Europe, nous ne sommes pas prêts de faire ce type d’arbitrage et préférons toujours une approche défensive et maintenons nos valeurs de croissance, raisonnablement valorisées, au détriment de valeurs cycliques, à l’exception de celles bénéficiant de la transition écologique. La dichotomie entre les deux zones implique une stratégie différente par chaque zone géographique. 

Pas de changement de scénario

La BCE relève ses taux directeurs à 4%

C’était quasiment inattendu. La BCE vient de relever ses taux directeurs une dixième fois depuis juillet 2022, les portant ainsi à 4 %. Cette action a été une surprise pour la majorité d’entre nous, puisque le marché estimait cette probabilité à 40 %. Pour autant, la réaction des investisseurs n’a pas été négative, puisque les taux longs et l’euro ont baissé et les indices actions ont grimpé.

L’inflation restera élevée encore longtemps

Dans son communiqué, la BCE annonçait avoir révisé à la hausse ses estimations d’inflation pour 2023 et 2024 (respectivement à 5,6 % et 3,2 %) et à la baisse ses prévisions de croissance pour 2023, 2024 et 2025 (respectivement à 0,7 %, 1 % et 1,5 %). Lors de sa conférence de presse, Christine Lagarde a répété plusieurs fois que l’inflation restera pour longtemps trop élevée. De facto, la politique restrictive actuelle sera maintenue pour une période prolongée, afin de ralentir suffisamment l’activité et que la hausse des prix retrouve son objectif à moyen terme de 2 %. Le paragraphe sur l’état actuel de l’économie indique clairement que la croissance devrait rester extrêmement faible ces prochains mois, après une stagnation au 1er semestre et des chiffres toujours médiocres au 3èmetrimestre. 

Alors, pourquoi vivons-nous une réaction positive des marchés actions avec des prévisions économiques si moroses ? 

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, c’est l’inflation nominale qui a été révisée à la hausse, alors que celle de base (hors énergie et alimentation) a été revue à la baisse à 5,1 % en 2023, 2,9 % en 2024 et  2,2 % en 2025. Ensuite, il a été également précisé, que les taux actuels, maintenus pour une durée suffisamment longue, avaient atteint un niveau suffisant, afin que ceux-ci contribuent substantiellement à un retour de l’inflation à l’objectif souhaité. Les investisseurs ont donc interprété cette phrase comme étant la fin du plus dur cycle de hausse de taux de l’histoire de l’institution européenne.

Enfin, Christine Lagarde n’a pas oublié de mentionner qu’à terme, le dynamisme économique devrait redémarrer, dans un contexte favorable pour l’emploi, avec un regain du pouvoir d’achat des ménages et une augmentation de la consommation.

Les investisseurs ont fait preuve de prudence

La dernière explication est technique. Les investisseurs ont fait preuve de prudence avant cet évènement, qui correspondait à la veille de l’échéance des dérivés et de la fameuse journée dite des « 4 sorcières ». Ils ont débouclé leurs positions sur septembre dans l’après-midi et, rassurés, n’ont pas renouvelé intégralement leurs couvertures sur l’échéance suivante.

Et un rééquilibrage des indices boursiers

À cela, s’ajoute un rééquilibrage des indices boursiers ce vendredi. Selon BNP Paribas, celui-ci devrait s’élever à plus de 7,5 milliards de dollars, dont 1,5 milliards de flux positifs pour les valeurs françaises et italiennes. De plus, les valeurs de croissance avaient corrigé depuis plusieurs semaines,, notamment celles du luxe. L’incertitude passée, des achats à bon compte ont été effectués.Maintenant, la balle est dans le camp de la Fed, qui devra réussir le même exercice lors de sa prochaine réunion ce mercredi 20 septembre. Certes, la fin d’un cycle de durcissement monétaire est traditionnellement une période plus favorable pour les marchés.

Une stabilité du marché obligataire est toujours la bienvenue pour la stabilité des actifs financiers. Cependant, le scénario central n’est pas, selon nous, modifié : une croissance faible et des taux à 2 ans tendus, qui pèseront davantage sur le refinancement des entreprises en 2024.

D’où une sélectivité importante toujours de mise. D’ailleurs, les anticipations des taux directeurs de la BCE pour le printemps 2024 ont très peu évolué. La hausse d’hier était juste anticipée sur le calendrier des investisseurs, qui l’avaient programmé avant la fin de l’année.

La Chine et Apple : je t’aime, moi non plus !

C’est un nouveau coup de théâtre. Selon des sources journalistiques, la Chine serait prête à interdire l’usage des iPhones dans les agences gouvernementales et les sociétés contrôlées par l’État. La réaction boursière a été immédiate, à savoir une baisse du titre Apple jusqu’à 5 % en séance, ainsi que ceux de ses principaux fournisseurs. Si le bilan journalier reste modéré, avec un repli à la clôture de moins de 3 % pour la firme de Cupertino et de 0,73 % pour l’indice Nasdaq 100, cet évènement constitue une nouvelle escalade dans le bras de fer sino-américain pour l’indépendance technologique des deux nations. 

Pourquoi la réaction boursière reste-elle contenue à ce stade ?  

Prenons un peu de recul. Les dernières publications trimestrielles indiquent que la Chine représente un peu plus de 19 % des revenus de l’entreprise au logo de la pomme croquée.

Un chiffre qui est conséquent, car l’empire du Milieu est le premier marché mondial pour les smartphones dont la base installée dépasse le milliard d’unités. Selon la société Canalys, 287 millions d’entre eux ont été assemblés et expédiés en Chine en 2022. C’était une mauvaise année, car en-dessous du niveau des 300 millions d’unités pour la première fois depuis 2013. Même sans restriction sanitaire comme au quatrième trimestre dernier, pas plus de 74 millions de ces téléphones intelligents ont été vendus.

Apple défié par Huawei

La couronne de leader d’Apple (crédité de 22 à 25 % de part de marché selon les trimestres) se voit désormais défiée par le chinois Huawei. Ce genre de mesure restrictive pourrait permettre à ce dernier, en théorie, de dépasser l’Américain. 

Pour le moment, les ventes à usage personnel ne sont pas touchées, ce qui constitue la quasi-totalité du chiffre d’affaires local. Selon le rapport annuel de 2022, les revenus de l’iPhone représentaient 52 % du total mondial du groupe. L’objectif en cours d’année était d’atteindre la barre des 300 millions de smartphones vendus globalement. Une réduction de 10 à 15 % des ventes en Chine devrait représenter par conséquent à peine 2 à 3 % des ventes totales d’Apple. Le repli du titre est par conséquent cohérent avec la réalité, à condition qu’aucune autre mesure plus dommageable ne soit décidée.

Les liens entre Apple et la Chine ne seront pas coupés de sitôt

Il est assez rassurant de penser que, même en période de souveraineté technologique, les liens entre Apple et la Chine ne seront pas coupés de sitôt. Selon diverses sources, l’entreprise américaine et ses fournisseurs (dont le célèbre et controversé Foxconn) emploieraient localement plus d’un million de personnes. Cela inclut également la distribution des produits, puisqu’on dénombre également une cinquantaine d’Apple Stores, selon Statista. De plus, produire (et plus précisément assembler en Chine) constitue une tête de pont à l’exportation dans le monde entier et contribue positivement au commerce extérieur du pays, ce qui est fortement apprécié par les autorités. Selon diverses sources, plus de 80 % des iPhones vendus sur la planète seraient assemblés à Zhengzhou. Le scénario le plus probable à ce stade est donc des mesures réduites et peut-être progressives, en vue d’un désengagement sur le très long terme.

Un bras de fer engagé

Le nerf de la guerre n’est pas l’assemblage des produits finaux, mais la souveraineté des composants de haute technologie, notamment des puces électroniques ou appelées autrement les semiconducteurs. Certaines entreprises chinoises, telle que Huawei ou le fondeur SMIC sont interdites de s’approvisionner en puces américaines utilisées pour le civil et le militaire. Depuis octobre 2022, les États-Unis encadrent l’exportation de produits et logiciels américains les plus avancés à toute entité chinoise, les obligeant à obtenir une licence. Avant les rumeurs de restrictions d’hier, des parlementaires américains soupçonnaient  SMIC d’avoir contourné les sanctions pour fournir à Huawei des puces de 7 nanomètres. Décidemment, même si la Chine et Apple ont de grands intérêts communs et ne peuvent pas se passer l’un de l’autre, leurs relations souffrent du bras de fer qu’ils ont engagé.